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par Antoine Champagne - kitetoa

Europe : le laboratoire grec

Tout a commencé avec la Grèce. Le premier pays à demander l'aide internationale, c'est à dire à appeler au secours l'Europe et le FMI pour sortir de l'impasse de la dette souveraine. Séquence souvenir : en avril 2010, la Grèce est dans une situation financière telle, qu'elle demande l'aide de l'Union européenne. En échange de plans d'austérité drastiques, le pays recevra jusqu'à 110 milliards d'euros sous forme de prêts sur trois ans. Depuis cette date, rien ne va mieux dans le pays.

Tout a commencé avec la Grèce. Le premier pays à demander l'aide internationale, c'est à dire à appeler au secours l'Europe et le FMI pour sortir de l'impasse de la dette souveraine. Séquence souvenir : en avril 2010, la Grèce est dans une situation financière telle, qu'elle demande l'aide de l'Union européenne. En échange de plans d'austérité drastiques, le pays recevra jusqu'à 110 milliards d'euros sous forme de prêts sur trois ans. Depuis cette date, rien ne va mieux dans le pays. Ni en Europe, puisqu'en dépit de dénégations successives de toutes les autorités politiques, l'Irlande est tombée, puis le Portugal. Aujourd'hui, Bruxelles, comme les pays concernés démentent que l'Espagne puisse suivre ou que la dette grecque sera restructurée.

En clair, qu'est-e que tout cela veut dire ?

Pour ce qui est de la situation économique en Grèce, vous devriez écouter ce reportage de RFI qui, avec des mots simples et des témoignages, explique que le pays s'enfonce dans une crise dont elle risque bien de ne pas sortir.

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La Grèce doit payer des intérêts qui sont à peu près deux points de pourcentage au dessus de ce que paye l'Allemagne. Logique puisqu'elle n'est pas dans le même état que l'Allemagne et que personne, sur les marchés, à part des spéculateurs chevronnés, ne veut acheter ses émissions. Oui, sauf que l'Europe, en mettant au point ce plan de sauvetage, se sauve elle aussi. Du moins sa monnaie. A l'époque, plus personne n'aurait parié un kopeck sur l'euro. Il fallait"rassurer les marchés". Un truc impossible, les marchés carburant au risque, mais les politiques continuent d'y croire. Au mieux, les marchés se rassurent eux-mêmes, en se racontant des histoires, mais on ne "rassure" pas les marchés. Bref. Le plan de soutien à la Grèce visait à redonner confiance en l'euro. Puisqu'au travers de ce plan, l'Europe se sauvait elle-même, elle aurait pu faire un effort et prêter à un taux très bas pour que la Grèce, déjà très mal en point, n'ait pas à supporter un fardeau trop lourd. Première erreur.

L'aide s'accompagnait de conditions : notamment, l'adoption par la Grèce de plans d'austérité drastiques. Il n'y a pas un économiste pour dire que les plans d'austérité ne s'accompagnent pas d'une récession (au pire) ou d'une croissance très molle (au mieux). Bilan, s'il n'y a pas de reprise économique, un pays engrange moins de recettes et doit emprunter. On voit que le cercle vicieux n'est pas brisé. Deuxième erreur...

Par ailleurs, la Banque centrale européenne vient de relever ses taux, ce qui plombe d'autant plus les pays comme la Grèce l'Irlande ou le Portugal. Troisième erreur...

Renégociation, c'est grave docteur ?

L'état de la Grèce est intéressant (si l'on fait abstraction des coûts humains bien décrits dans le reportage de RFI) car ce pays, le premier à avoir fait appel à l'aide européenne et du FMI, est du coup, une sorte de laboratoire. Cette aide fonctionne-t-elle ? On peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Pour Reflets, il est presque vide. Le pays est dans une situation catastrophique, les agences de notation continuent de dégrader la note de sa dette, les plans d'austérité ont un effet déplorable sur la croissance. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour que de violents troubles sociaux éclatent. Cela, les responsables politiques européens ne veulent pas y croire et tels les trois petits singes, ils continuent de se masquer les yeux, les oreilles... mais pas la bouche.

En effet, ils viennent de réaffirmer que la dette de la Grèce ne sera pas renégociée.

Or, il y a de très fortes chances pour que cela arrive.

On l'a vu, le plan européen n'a pas fonctionné. Bien sûr, il a permis de gagner du temps. De sauver l'euro. Mais en ce qui concerne le pays, son crédit est toujours pourri sur les marchés. Les CDS, qui sont une sorte d'assurance pour les investisseurs contre un risque de faillite, étaient à 954 points de base avant l’annonce du plan de soutien à la Grèce et sont aujourd'hui à 1059 points. Voyez-vous une amélioration ? Non. Les marchés ont toujours autant la trouille pour la Grèce. Vu le cercle vicieux évoqué plus haut, viendra le moment ou pour la troisième fois de son histoire, le pays devra rééchelonner sa dette.

Un pays ne fait pas faillite. La presse évoque souvent ce terme pour l'avenir des pays dits "périphériques". Quant elle veut être polie ou avoir l'air docte, elle utilise le mot "défaut".

Dans les cas extrêmes où un pays ne peut plus honorer ses dettes, il se passe deux choses. L'une n'étant pas exclusive de l'autre. Les banques centrales de la planète, parfois les plus incongrues, viennent au secours du pays en question. Puis, si cela ne suffit pas, on réunit tous les débiteurs autour d'une table et l'on commence à parler d'un aménagement des remboursements. C'est la renégociation de la dette.

Rien de bien grave, contrairement à ce que l'on nous assène en permanence. L'Argentine a, par exemple, traversé cette épreuve.

Et parfois, c'est même plus efficace que des plans d'austérité drastiques. Comme un bol d'air pour les populations qui sont les premières victimes des plans en question.

Notre laboratoire européen de la crise de la dette souveraine montre aujourd'hui que l'action entreprise n'améliore pas la situation du pays. Il en est de même en Irlande et il en sera de même au Portugal. Puis, sans doute en Espagne. Et pourquoi pas ailleurs, y compris aux Etats-Unis.

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