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par Antoine Champagne - kitetoa

Euro : pan t'es mort ?

L'immense, l'essentielle actualité sur le tweet de Mme Trierweiler a occulté une toute petite information : la zone euro est venue au secours du secteur bancaire espagnol. Faute de quoi... Ahem... voilà que l'on reparle de l'effondrement de la zone euro. Ce qui, il faut l'avouer ne lasse d'étonner les auteurs de Reflets, nous qui savons que Nicolas Sarkozy a sauvé la zone euro entre quatre et six fois. Et partant, le monde, voire l'univers.

L'immense, l'essentielle actualité sur le tweet de Mme Trierweiler a occulté une toute petite information : la zone euro est venue au secours du secteur bancaire espagnol. Faute de quoi... Ahem... voilà que l'on reparle de l'effondrement de la zone euro. Ce qui, il faut l'avouer ne lasse d'étonner les auteurs de Reflets, nous qui savons que Nicolas Sarkozy a sauvé la zone euro entre quatre et six fois. Et partant, le monde, voire l'univers. Oui, oui, nous lisons aussi les déclarations de Nicolas Sarkozy et nous savons donc qu'à grand coups de moulinets avec ses petits bras, il a sauvé l'Europe à de nombreuses reprises. Alors du coup, c'est quoi encore cette histoire espagnole ?

L'Espagne, à part le chorizo, ses plages, ses boites de nuits d'Ibiza (il faut bien ajouter ça dans les clichés...), c'est accessoirement l'une des premières économies en Europe. Et même dans le monde. Laisser tomber l'Espagne, c'est acter la fin de l'union monétaire européenne. Et ça, dans l'esprit des dirigeants politiques, ce n'est pas possible.

Alors comment faire ? La question mérite d'être posée parce que voyez-vous, les plans de sauvetage successifs de l'Europe, sont une concrétisation très intéressante du concept de storytelling. Comment ça marche ? La finance est un secteur qui ne repose que sur la confiance. Enlevez la confiance et tout s'écroule. On peut y faire absolument n'importe quoi, y compris laisser faire des machines à votre place, inventer des produits financiers improbables (comme les subprimes), faire de l'ingénierie financière façon apprenti sorcier. Mais que la confiance s'envole et tout se casse la figure.

Bien entendu, cette confiance est artificielle. Tout le monde sait dans la finance ce qui y est fait. Tout le monde sait que c'est un château de cartes, une fuite en avant, un convoi de road trains australiens lancés à 120 km/h contre un mur de béton très épais.

Mais tout le monde fait semblant de croire que #toutvabien. Sinon, tout le monde perd tout. Reste que de temps en temps, il y a des ratés. Des types qui finissent par croire un peu aux rumeurs, aux informations, qui sont un peu plus lucides, qui ont un peu moins de sang froid, que sais-je. Et dans ces cas-là, on assiste à un plongeon, une crise (c'est récurrent, citons par exemple le LTCM, octobre 1987, bulle Internet, Enron ou WorldCom...)

Nous avons assisté à un appel au secours de la Grèce, de l'Irlande, du Portugal, de l'Espagne. Demain, l'Italie, la France, il est peu probable que cela n'arrive pas. Question de temps.

A chaque fois, l'Europe a répondu présente. Le FMI aussi. Seul souci, les fonds disponibles ne sont pas extensibles à l'infini et viendra le jour où l'on ne pourra plus trouver de solution.

L'Europe a créé le fonds européen de stabilité financière, histoire de faire des réserves. Grosso modo, sur le papier, les autorités européennes (plus le FMI) ont une capacité de prêt pour soutenir les pays en difficulté qui atteint  750 milliards d'euros.

Voyons voir. Un chiffre comme ça ne veut rien dire s'il n'est pas comparé à quelque chose. Prenons par exemple les marchés des changes. Selon la BRI, en 2010, quelques 4000 milliards de dollars y étaient échangés.... chaque jour.

Toi y'en a comprendre ? Cela explique par exemple que depuis des années et des années, les banques centrales se fassent ramasser à chaque fois qu'elles tentent de soutenir ou déprécier leur monnaie. La Suisse est un bon exemple.

Cet exemple peut être extrapolé à la crise de la dette souveraine. A chaque fois que les politiques, Nicolas Sarkozy en tête, sont venu expliquer face aux caméras qu"ils avaient sauvé l'Europe avec leurs plans, on pouvait s'armer de pop-corn, s'assoir et attendre pour mesurer le "temps de vie" du plan. Quelques jours au mieux.

Alors l'Espagne ?

Alors la voilà qui fait appel à l'Europe pour sauver son système bancaire. Et l'Europe annonce 100 milliards. Les marchés saluent dans un premier temps l'annonce. Puis regardent un peu de quoi on leur parle et se rendent compte assez vite (quelques heures) que l'on a encore essayé de construire une "autre" réalité. Les 100 milliards, à bien y regarder, personne ne sait d'où ils viendront.

Sans doute pas du FMI, d'ailleurs les Etats-Unis sont en année électorale. Sans oublier le fait que le FMI n'a pas les ressources nécessaires pour mettre le doigt dans ce sale engrenage qui pourrait l'engloutir. Christine Laboulette Lagarde peut marteler autant qu'elle veut que le FMI va disposer de 380 milliards pour sauver des pays en difficulté, les promesses de fonds apportés viennent en majorité... des pays de la zone euro... Le FESF est un peu plombé sur ce coup-là par l'Allemagne qui n'est pas très chaude. La Banque centrale européenne est quant à elle un peu bloquée par ses statuts et sa politique interne. Reste le Mécanisme européen de stabilité financière doté de ses petits 60 milliards... Un peu juste. Quant au MES et ses 80 milliards, il faudra attendre que les pays devant le ratifier l'aient fait. Pour l'instant,  seuls 4 des 17 pays devant le ratifier l'ont fait. L'Allemagne ne l'a pas encore fait, la France est l'un des rares poids lourds avec la Slovénie et la Grèce...

Quand bien même l'Eurogroupe accepterait de sauver le secteur bancaire espagnol, qui lui aussi beaucoup joué à l'apprenti sorcier, les à-côtés ne seraient pas sans conséquences. Le secteur bancaire espagnol serait sans doute remodelé en profondeur, ce qui ne manquerait pas d'avoir de nouvelles répercussions sur la population. Dans l'attente d'un hypothétique début de l'aide, la prime demandée pour les titres de l'Etat espagnol flambe. Un air de déjà vu en Europe ces dernières années...

Et comme une mauvaise nouvelle ne vient jamais seule, le ministère de l'économie et la banque d'Espagne ont annoncé aujourd'hui que l'audit approfondi et exhaustif du secteur bancaire espagnol attendu pour la fin juillet seraient finalement disponibles en septembre. De quoi donner du grain à moudre aux financiers qui ont parié sur la fin de la zone euro et un joli plantage en règle de l'Espagne. En attendant septembre il faudra se contenter de l'audit plus léger attendu dans deux jours. Pour l'instant, on parle d'un besoin de 60 à 70 milliards pour le secteur bancaire espagnol. Mais en septembre, ce montant pourrait fort bien monter. 100 ? 150 milliards ? Plus ?

Meanwhile at Bankia...

Bankia est un établissement emblématique de ce que font les banquiers. Au bord du gouffre la banque a été rattrapée par le gouvernement espagnol qui y a injecté les fonds nécessaires pour éviter une faillite. Notez qu'une fois renflouée par les fonds publics, c'est à dire par ceux de la population espagnole, la banque a continué de saisir les biens immobiliers de ses mauvais payeurs. Les mêmes qui l'avaient sauvée avec leurs impôts.

Qu'est-ce qu'on se marre... Comme ils avaient l'air heureux au moment de la fondation de Bankia... Sont toujours contents, les banquiers...

Rassurons maintenant tous les optimistes de l'euro. Oui, il y a de fortes chances pour qu"une implosion ne survienne pas. Pourquoi ? Parce que la réalité de la zone euro, ce n'est pas la réalité. C'est celle que le monde de la finance dessine et redessine en permanence avec l'aide des autorités européennes. Ainsi, lors des derniers stress tests européens visant à vérifier que les banques de la zone resisteraient bien à la crise en cours, Bankia passait sans trop de soucis. #Toutvabien, on vous dit. Ça va aller, ce sauvetage du secteur financier espagnol... Ça va aller... Pas de quoi s'inquiéter...

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