Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par bluetouff

Et si on posait des boites noires à la Poste et chez les cybercommerçants ?

Nous vous en parlions sur Reflets en octobre 2013, une proposition de loi portée par le sénateur Richard Yung visant au renforcement de la lutte contre la contrefaçon est actuellement en train de faire son nid, totalement dans l'ombre de la loi de renseignement. Etrangement... Comme tous les coups tordus, elle fit l'objet d'une procédure accélérée pour être finalement adoptée fin février 2014.

Nous vous en parlions sur Reflets en octobre 2013, une proposition de loi portée par le sénateur Richard Yung visant au renforcement de la lutte contre la contrefaçon est actuellement en train de faire son nid, totalement dans l'ombre de la loi de renseignement. Etrangement... Comme tous les coups tordus, elle fit l'objet d'une procédure accélérée pour être finalement adoptée fin février 2014. Aujourd'hui, c'est le moment de la douloureuse de tout épisode législatif, celui des décrets d'application.

Et quel moment plus opportun que celui où parallèlement à ces décrets, le parlement examine sur une loi de surveillance à l'origine destinée à la lutte contre le terrorisme, mais que le gouvernement a déjà élargi à :

  • L’indépendance nationale, l’intégrité du territoire et la défense nationale (amendement 151)
  • Les intérêts majeurs de la politique étrangère et la prévention de toute forme d’ingérence étrangère (152)
  • Les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France (153)
  • La prévention du terrorisme
  • La prévention de la reconstitution ou d’actions tendant au maintien de groupements dissous (155
  • La prévention de la criminalité et de la délinquance organisée. 
  • La prévention de la prolifération des armes de destruction massive (154).

Aucun rapport ?

Effectivement, à priori, une loi anti-contrefaçon n'a rien à voir avec une loi visant à prévenir le cyberterrorisme. Sauf que dans cyberterrorisme, il y a "cyber", et que "cyber", c'est un peu le mot idéal pour y coller tout et n'importe quoi. Le volet cyber de la loi sur le renseignement (et c'est une loi principalement orientée là dessus), a déjà intégré "Les intérêts économiques majeurs de la France" partant de là, il y a déjà une frontière relativement poreuse entre le volet terroriste et le volet des intérêts économiques. En suivant ce raisonnement, il suffira d'arguer qu'Internet est un nid d'évadés fiscaux et de contrefacteurs pour justifier une nouvelle extension de la surveillance d'Internet, cette fois-ci applicable à la contrefaçon et à l'évasion fiscale... pourquoi se priver alors qu'on peut faire coup double ?

Et si on mettait les boites noires de Bercy chez les cybercommerçants ?

Car c'est bien ça qui est en train de se jouer actuellement : permettre à l'administration de tracer tous les échanges commerciaux sur le net, tout comme le fait de tracer toutes communications. Maintenant que la rhétorique gouvernementale en matière de surveillance est bien rodée, il faut s'attendre au même discours que pour la loi de renseignement, à savoir :

"on ne vous flique pas, ce ne sont que des métadonnées"

... Et ça tombe bien, car à l'échelle du commerce en ligne, les métadonnées, ce n'est pas ce qu'il manque, paniers, factures, contrats, bons de livraisons, l'administration serait devenue boulimique de données de transactions commerciales.... Ainsi, nos sources font état de demandes surréalistes de la part des douanes qui sont actuellement faites, portant sur un historique à 5 ans de toutes les données relatives aux transactions. L'enjeu qui se joue en ce moment est celui d'un accès direct aux systèmes d'information des cybercommerçants et des transporteurs, alors qu'il fallait jusque là que ces derniers transmettent ces données sur une période précise et raisonnable, sur un public ciblé.

Bougeons avec la Poste !

Si vos correspondances électroniques sont scrutées par l'administration, pourquoi votre courrier physique ne le serait t-il pas ? Nous le répétons souvent ici sur Reflets : tout ce qui est sur Internet finit un jour par en sortir , et ceci inclut évidemment les atteintes aux libertés fondamentales. Que votre correspondance soit électronique ou non, l'administration veut en garder trace. Ainsi, les transporteurs risquent de se voir contraints d'ouvrir leur système de tracking à l'administration... et attention, il risque d'être ouvert à la hache avec les prochains décrets d'application puisqu'ils devraient intégrer au moins deux points contre lesquels les professionnels du fret express, dont l'UFEX (Union Française de l’Express) s'élèvent :

  1. La possibilité des douanes de s’affranchir de l’information préalable du procureur de la République pour contrôler de façon inopinée des envois dans nos centres de distribution régionaux, alors que des contrôles douaniers sont déjà opérés dans nos centres de tri nationaux (article 12), et 
  2. La mise à disposition systématique des données dont les entreprises disposent (article 13), y compris lorsque celles-ci concernent les envois intra-communautaires (Les « expressistes » fournissent déjà des informations sur les envois intercontinentaux et contrôler l’intra-communautaire serait contraire au principe de libre circulation des marchandises). 

Se passer d'un juge, tracer tous les échanges, stocker 5 ans de métadonnées... ça ne vous rappelle rien ?

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