Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
Entretien
par Antoine Champagne - kitetoa

Entretien - Denis Robert : inventaire à la Prévert

C'est compliqué de ne pas parler de Clearstream avec Denis Robert. Cette chambre de compensation qui n'a pas aimé ses enquêtes à son propos par l'ancien journaliste de Libé a procédé à ce que l'on appelle un harcèlement judiciaire qui a duré dix ans. Quand on est un simple citoyen et qu'une société avec un budget juridique énorme vous tombe dessus et s'acharne pendant dix ans, c'est une somme d'emmerdes infinie qui vous tombe dessus.

C'est compliqué de ne pas parler de Clearstream avec Denis Robert. Cette chambre de compensation qui n'a pas aimé ses enquêtes à son propos par l'ancien journaliste de Libé a procédé à ce que l'on appelle un harcèlement judiciaire qui a duré dix ans. Quand on est un simple citoyen et qu'une société avec un budget juridique énorme vous tombe dessus et s'acharne pendant dix ans, c'est une somme d'emmerdes infinie qui vous tombe dessus. Il y a quelques semaines, la justice à mis un point final à toutes les procédures en estimant que le journaliste avait fait un travail d'enquête de qualité et que Clearstream devait désormais retourner définitivement à ses comptes.

Ceci étant, Denis Robert ne se résume pas à Clearstream. Auteur d'articles sur les affaires politico-judicaires à Libé, peintre, co-auteur de bande dessinée, écrivain, co-auteur de documentaires, ce touche à tout est un personnage à multiples facettes. Et comme on l'aime bien, on a voulu en savoir plus. L'occasion de faire un inventaire à la Prévert d'un homme.

Reflets.info : Je regarde ma feuille blanche en commençant à écrire mes question, je vous cherche et je ne vous vois pas, vous avez été blanchi… On pense à quoi la veille de la décision de la Cour de cassation avant de s’endormir, après dix ans de harcèlement judiciaire ?

Denis Robert : La veille, à rien car c'est arrivé par surprise. Je pensais gagner mais surtout, devoir repasser devant une Cour d'appel. Le fait que la Cour de Cassation ait tranché de cette manière - Implacable. Définitive. Totalement en ma faveur - est vraiment extraordinaire.

Reflets.info : Et la minute d’après, quand on a pris connaissance de l’arrêt ?

Denis Robert : Ça prend effectivement du temps car les arrêts sont longs, argumentés. C'est une reconnaissance de deux années d'enquête acharnée, de dix années de travail et de résistance contre plusieurs groupes très puissants. Ca me rend soudain plus léger. pas euphorique, mais satisfait. Pour moi, mes amis du comité, les milliers de gens qui m'ont soutenu. Et pour le journalisme aussi, car on l'a trop peu dit mais les arrêts donnent une vision beaucoup plus généreuse de ce que peut faire un journaliste et réduit l'espace de ceux qui cherchent à nous censurer par les plaintes en diffamation. Ils font jurisprudence et ont déjà servi dans plusieurs procès à d'autres (voir Télérama, procès JR Viallet).

Reflets.info : La page est-elle tournée ?

Denis Robert : Pas tout à fait. Il reste le combat judiciaire pour le préjudice subi et celui pour la création d'une mission d'enquête parlementaire européenne sur Clearstream (et Euroclear). Voir ma chronique du Monde.

Reflets.info : L’avenir, ça ressemble à quoi ? Peinture ? Musique ? Livres ?

Denis Robert : Dans le deux mois, vont ressortir  l'intégrale de Clearstream et le Tome 3 des affaires (chez Dargaud). Le 13 juin, une double expo de mes nouvelles toiles à paris et Luxembourg (l'expo s'appelle Paris-Luxembourg). En octobre, la sortie sur France 4 de ma série documentaire sur le journalisme (4 fois 52 minutes). Puis un livre de reportage un peu particulier sur la crise et l'avenir, j'ai un peu levé le pied mais je m'y remets dès que possible. J'ai aussi une pièce de théâtre en préparation et une autre bande dessinée qui va être formidable à partir de Dunk mon dernier roman (Julliard). Ça fait un peu de taf...

Reflets.info : Je veux acheter un tableau de Denis Robert, comment faire ? 

Denis Robert : Galerie W, 44 rue Lepic. Ils sont à mes côtés depuis quatre ans.

Reflets.info : La politique et les affaires, aujourd’hui, c’est différent de ce que c’était quand vous planchiez sur le sujet ?

Denis Robert : Non, il a sa place dans la photo sarkozyste. On sait tous les deux le fond des choses. On ne s'est jamais vraiment perdu de vue. Je lis, je vois ce qu'on dit de lui. L'amnésie de la presse encore une fois. Longuet blanchi. Pourquoi pas?

Reflets.info : Les bouleversements dans le monde arabe, c’est : 

  • Des millions d’immigrants à nos portes ?
  • Un bon exemple de la puissance des êtres humains quand ils ne sont plus individualistes ? Denis Robert : C'est un débat de débiles profonds. La député UMP qui a eu cette phrase mémorable sur le retour en bateau des émigrés est à enfermer. C'est d'une telle bêtise, d'une telle méchanceté. Je ne trouve pas d'autres mots que celui là. Cette dame est méchante comme sont méchantes certaines concierges qui s'en prennent aux plus faibles, qui tiennent des propos racistes. mais les concierges ont des excuses. Elle, pas. Si la démocratie arrive en Tunisie, en Egypte et, je l'espère, en Libye, les gens vont se sentir mieux là bas. L'argent va revenir; les investisseurs aussi. Les flux migratoires vont forcément s'inverser.

Reflets.info : Que reste-t-il de l’appel de Genève ?

Denis Robert : Des souvenirs, des idées et des amis. C'est un événement marquant. Tout le monde s'en souvient. Nous sommes à l'origine d'un véritable mouvement. Il y a eu un avant, nous sommes dans l'après. On avait vu juste. On n'a simplement pas mesuré la puissance des lobby à Bruxelles. Le lobby bancaire en premier lieu.

Reflets.info : Le High Frequency Trading, c’est une simple opportunité offerte par la technologie ou les prémices d’une sale crise boursière globale ?

Denis Robert : Numéro 2. Mais à la prochaine crise, à moins de trouver de l'argent sur mars, ça va être très compliqué.

Reflets.info : Internet, c’est un repère de pédo-nazis pirates qui veulent tuer les majors ?

Denis Robert : C'est un espace qui crée de la profusion et de la liberté. On y trouve de l'information. C'est aujourd'hui le meilleur moyen d'en trouver et d'en diffuser; mais ça demande du travail et de l'intelligence. Il faut recouper, savoir mettre en forme, éviter les facilités. Les journalistes n'ont jamais eu autant de boulot... et n'ont jamais été aussi nécessaires.

Reflets.info : Dix ans de galère, un souvenir de bonheur au milieu ?

Denis Robert : Le jour où Régis Hempel est venu parler devant la mission parlementaire française et a fait partager à d'autres ses incroyables révélations sur l'effacement des traces des transactions chez Clearstream.

Reflets.info : Quelle est la question que j'aurais dû vous poser mais que j'ai oubliée ?

Denis Robert : C'est vendredi soir, vous allez faire quoi maintenant? Boire un verre avec mes potes.

0 Commentaires
Une info, un document ? Contactez-nous de façon sécurisée