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par Antoine Champagne - kitetoa

Dix questions au gouvernement du changement de maintenant #oupas

Historiquement et dans l’imaginaire populaire, la gauche défend les Droits de l’Homme. Un esprit naïf aurait donc pu imaginer que l’arrivée de François Hollande, dont le slogan de campagne était, qui plus est, « Le changement, c’est maintenant », allait mettre un terme au développement hystérique du commerce des « armes » numériques, ces solutions à l’échelle d’un pays, qui permettent de mettre toute une population sous surveillance.

Historiquement et dans l’imaginaire populaire, la gauche défend les Droits de l’Homme.

Un esprit naïf aurait donc pu imaginer que l’arrivée de François Hollande, dont le slogan de campagne était, qui plus est, « Le changement, c’est maintenant », allait mettre un terme au développement hystérique du commerce des « armes » numériques, ces solutions à l’échelle d’un pays, qui permettent de mettre toute une population sous surveillance.

Qu’il soit de type démocratique, qu’il s’agisse d’un Etat policier ou d’une dictature sanglante, le concept même d’outil de surveillance massive est une incongruité.

Les petites affaires d’Amesys en Libye et ailleurs, celles de Qosmos en Syrie, sont une insulte au nécessaire humanisme. Alors le changement dans ce domaine, il est où ?

Nulle part.

Amesys poursuit ses petites affaires dans des pays douteux sur le plan des Droits de l’Homme (il n’y a qu’eux pour acheter une solution globale).

Après le scandale de la vente d’outils d’optimisation de la répression sanglante en Libye, Nous aurions pu espérer la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire, d’une « mise sous surveillance » du business d’Amesys.

Rien de tel.

L’entreprise continue de faire ses petites affaires.

Un gouvernement un tantinet partie prenante

Quant au gouvernement, ça lui « en touche une sans faire bouger l’autre », comme disait Jacques Chirac. D'autant qu'en France, la perméabilité entre le secteur militaro industriel et l'Etat est énorme.

Reflets a interpellé à de nombreuses reprises Fleur Pellerin et François Hollande via Twitter. Aucune réponse.

Prenons le cas libyen. Le gouvernement pourrait justifier son silence par la nécessaire séparation des pouvoir (justice/exécutif) puisqu’une information judiciaire pour complicité de torture est en cours. Fort bien.

Dans ce cas, parlons du cas marocain pour n’en citer qu’un. Amesys, avec le concours d’Alten installe pour 2 millions de dollars (coût à l’achat) de serveurs IBM au Maroc dans le cadre d’un projet Eagle. Le directeur commercial d’Amesys, Bruno Samtmann, expliquerait sans doute qu’il s’agit de chasser les pédophiles et les terroristes au Maroc. Mais pour une raison mystérieuse, on n’y croit plus.

Amesys continue de prospecter un peu partout, d’entretenir les Eagle déjà en place. Mais celui-ci, celui du Maroc, n’est pas fini. Monsieur le président de la République, Madame la ministre, n’est-il pas encore temps, une fois n’est pas coutume, d’imposer à Bull/Amesys de mettre un terme à ce projet ? Que direz-vous lorsque la presse ou les ONG découvriront dans quelques années que des opposants ont été emprisonnés et/ou torturés grâce à cet outil d’optimisation de la répression ? Comment justifierez-vous votre inaction ?

Ah, bien sûr, le roi du Maroc, Mohammed VI est un « ami de la France », comme son papa. A tel point que lors d’une visite privée du roi en France, au mois de mai, il a été reçu par François Hollande qui a eu ces mots mémorables : « Je salue le processus de réforme démocratique, économique et sociale en cours dans le royaume à l'initiative de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. La France se tient au côté du Maroc dans la voie qu'il a choisie de modernisation économique et d'approfondissement de l'Etat de droit. »

 

Avec une telle vision d’un Etat policier notoire, on comprend aisément que ni François Hollande, ni Fleur Pellerin ne bougeront le petit doigt pour mettre un terme au projet Eagle en cours dans ce pays.

Enfin, pour faire pression sur Bull/Amesys, l'Etat est assez mal placé. D'une part, Bull/Amesys/Elexo est un pivot du complexe militaro-industriel, qui est en relation commerciale permanente avec les Thalès et autre Sagem, pour ne pas mentionner les Orange et autres SFR ou les DGA, DIRISI, etc.

D'autre part, le patron d'Amesys qui a pris la direction et la propriété de Bull est virtuellement indéboulonnable. Avec un peu plus de 20% du capital grâce à son opération initiale, il dispose d'une véritable minorité de blocage. Et c'est sans compter sur ce qu'il a acheté en nom propre via son fonds d'investissement Pothar Investments. En comparaison, la participation de France Telecom ou l'argent apporté par le FSI sont du pipi de chat en assemblée générale.

Reste comme solution la volonté politique et une petite explication de texte sur les contrats publics à venir... Mais le gouvernement veut-il s'engager dans cette voie ? Mystère.

Car pas une fois dans la campagne, Moi-Président n'a évoqué le scandale Bull/Amesys.

Quant à Fleur Pellerin, ses déclaration avant sa prise de fonction et celles après avoir été nommée au gouvernement ne laissent rien présager de bon. Tout cela n'étant qu'une composante de l'approche globale gouvernementale des nouvelles technologies.

La nomination de Pierre Lescure à la tête d'un comité Théodule sur le sujet des droits d'auteur est un message clair pour ceux qui pensaient que le changement, c'était maintenant : get lost

Pour sortir du flou dans lequel est plongée la majorité des internautes depuis l'élection de François Hollande, Reflets propose une série de questions auxquelles, par exemple, Fleur Pellerin pourrait répondre. Histoire de montrer que le changement c'est maintenant et que désormais, les politiques gouvernent en toute transparence. Moi Président, toussa, toussa...

Bien entendu, ami lecteur, vous êtes libre de vos actions et de votre engagement, mais Reflets vous invite à tweeter et re-tweeter ces questions jusqu'à ce qu'elles trouvent leurs réponses :

Dix questions au gouvernement du changement de maintenant tout de suite :

 

Comment définissez vous la neutralité du net ? Vous engagez vous à la défendre ? Comment ?

  1. Pensez vous qu'il existe des cas qui justifient la censure ? Lesquels ?
  2. Pensez-vous qu'il faille et/ou qu'il soit possible de "réguler Internet" ?
  3. Appuyez vous le droit à l'anonymat et aux identités multiples ?
  4. Instant fiction : Vous venez de recevoir un mail d'avertissement de l'hadopi qui vous demande de sécuriser votre connexion : vous faites quoi pour sécuriser votre connexion ?
  5. La lutte contre le streaming a été évoquée à de nombreuses reprises. Pensez-vous qu'il soit possible de lutter contre ce phénomène et si oui, comment ?
  6. Le gouvernement français autorise la vente de logiciels de surveillance globale des communications en Libye, en Syrie, au Maroc, etc. Continuerez-vous à soutenir ces régimes autoritaires via la vente par la France de technologies de surveillance ?
  7. Si ce n'est pas le cas, concrètement, que comptez-vous faire pour interdire la vente de ces technologies ?
  8. Trouvez-vous normal ce projet de loi qui impose à la Poste de scanner tous les courriers et les archiver dans le cadre de la lutte anti-terroriste ? Il y a aussi ce projet qui vise à conserver pendant un an tous les mouvements des citoyens via le positionnement GPS de leur téléphone...
  9. Le FSI a pris des participations non négligeables dans Qosmos et Amesys, deux sociétés qui ont vendu des outils de surveillance à la Syrie et à la Libye. Pensez-vous qu'il faille revoir les méthodes de décision pour les aides apportées par le FSI ? Comment ?

Reflets a par ailleurs une question subsidiaire, à destination d'IBM. Car les 2 millions de dollars de serveurs qui constitueront le coeur du Eagle au Maroc, c'est du IBM.

  1. Cher IBM : comment vivez-vous le fait de participer à la mise en place d'un outil de surveillance globale de la population marocaine, aidant ainsi, peut-être involontairement, les autorités de ce pays à pourchasser les opposants politiques, avec tous les risques que cela comporte.

 

 

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