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Édito
par drapher

Désarmer la finance pour sauver la démocratie ?

L'observation attentive de l'évolution des systèmes socio-économiques des pays les plus développés — depuis les trente, et surtout les vingt dernières années — est riche d'enseignement. Le grand défi en cours n'est pas celui de l'emploi ou de la croissance économique, n'en déplaise aux décideurs politiques, mais plutôt le maintien d'un semblant de démocratie dans des sociétés modernes ultra-technologiques et génératrices d'inégalités sans commune mesure.

L'observation attentive de l'évolution des systèmes socio-économiques des pays les plus développés — depuis les trente, et surtout les vingt dernières années — est riche d'enseignement. Le grand défi en cours n'est pas celui de l'emploi ou de la croissance économique, n'en déplaise aux décideurs politiques, mais plutôt le maintien d'un semblant de démocratie dans des sociétés modernes ultra-technologiques et génératrices d'inégalités sans commune mesure. Le capitalisme financier néolibéral a entièrement recouvert la planète depuis l'entrée de la Chine au sein de l'OMC en 2001 : va-t-il définitivement clore le chapitre des démocraties sociales de l'après seconde guerre mondiale au cours de cette deuxième décennie du XXIème siècle ?

Pays riches, populations pauvres

Les pays les plus riches accueillent en leur sein les entreprises géantes qui ont mis en coupe la planète : Monsanto, Mac Donald, Google, Apple, Facebook, Total, Exxon, Vivendi, Vinci, Lagardère, Loréal, Areva, Carrefour, BNP-Paribas, Goldman Sachs. Seulement 500 de ces plus grandes multinationales et organismes financiers possèdent à elles seules… 52% de la richesse mondiale. Les chiffres d'affaires de ces entreprises, leurs bénéfices, sont colossaux, et  pourtant, les populations des pays qui les accueillent, sont elles, de moins en moins riches. Dans ces pays riches, les salaires n'augmentent pas ou très peu, les droits sociaux reculent, le pouvoir d'achat diminue, le nombre de personnes en difficulté explose : que ce soit pour subvenir aux besoins des enfants, pour se chauffer, se soigner, payer les factures ou les loyers. Ces constats devraient mener à un changement de politique économique, ou tout du moins à une réflexion sur cette problématique des inégalités croissantes. Réfléchir  au phénomène inquiétant de l'accroissement exponentiel de la richesse des multinationales corrélé à celui de la paupérisation simultanée des populations, pour logiquement tenter de stopper ce phénomène, est-il envisageable ?

Dérégulation : des réglementations ciblées pour les uns, la liberté de tout bouffer pour les autres

Le système mis en place de façon concrète et mondiale il y a vingt ans est celui d'une globalisation des échanges au profit des multinationales. L'OMC a permis à cette époque, la quasi abolition des droits de douane, la circulation des biens et des services sans entraves (ou presque), la financiarisation de l'économie à l'échelle planétaire.

"La plupart des réductions tarifaires consenties par les pays développés étaient échelonnées sur cinq ans à compter du 1er janvier 1995. Il en résulte un abaissement de 40 pour cent des droits perçus par ces pays sur les produits industriels, qui passeront de 6,3 pour cent en moyenne à 3,8 pour cent. La valeur des produits industriels importés admis en franchise dans les pays développés augmentera sensiblement en passant de 20 pour cent à 44 pour cent (…) Il y aura aussi moins de produits assujettis à des taux de droit élevés. Le pourcentage des produits importés par les pays développés en provenance de toutes les sources sur lesquels les droits exigibles sont supérieurs à 15 pour cent diminuera pour passer de 7 pour cent à 5 pour cent. Le pourcentage des produits exportés par les pays en développement qui sont passibles de droits supérieurs à 15 pour cent dans les pays industrialisés passera de 9 pour cent à 5 pour cent." (Source : OMC)

Tous les verrous existants, issus de l'après guerre, entre autres ceux du domaine bancaire, ont été détruits pour amener l'économie mondiale à opérer avec le minimum de règles, à travers les champions de l'industrie et des services, avalant tout sur leur passage. Ce marché mondial a donc généré des opérateurs de taille inconnue jusqu'alors, et permis l'émergence d'une nouvelle classe d'individus aux pouvoirs immenses : les actionnaires.

Fonds de pension, fonds d'investissements, les actionnaires des multinationales, milliardaires rentiers et avides de maximisation des profits sont aujourd'hui à la tête d'entités privées capitalistiques plus riches que des nations industrielles occidentales. Les actionnaires, et les dirigeants de ces entreprises ont un pouvoir d'influence sur les décideurs politiques, facile à imaginer. Au point qu'aucune décision n'est prise sans les consulter, sans leur accord. Ce sont eux les véritables gouvernants, et désormais, chacun est en mesure de le constater. Au point qu'un président français, peu de temps avant d'être élu, fut bien obligé de l'admettre :

 

Un aveu très intéressant… dont ce président devrait se souvenir pour réorienter sa politique ? Ou une déclaration naïve et sincère  d'un candidat qui ne pensait pas du tout remporter l'élection ?

La dérégulation économique est un procédé qui permet aux entreprises de classe internationale d'opérer avec le minimum de contrôles à travers la planète. Bien entendu, dans ce système, les réglementations ne disparaissent pas, au contraire. Mais ces réglementations sont là [presque uniquement] pour contrôler les individus et les systèmes… publics. Les collectivités. Le bien public. Au profit des multinationales. Pendant que les géants "bouffent tout" sans contraintes, dans une opacité quasi totale, les systèmes réglementaires s'empilent pour forcer la main des Etats à baisser leurs investissements publics, limiter les contrôles publics, brider les libertés des citoyens. La démocratie, dans ce contexte très particulier, se résume à peu de choses. Au point que l'on peut facilement imaginer sa disparition telle qu'elle fut constituée depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Une nouvelle démocratie, qui n'en a plus que le nom

Si les entreprises cotée en bourse et les 1% des hyper riches peuvent échapper à l'impôt chaque année dans des proportions telles que les système de retraites, de santé, d'éducation peuvent être mis en péril et déclarés en faillite, c'est qu'un problème grave est survenu. Les libertés de jouir d'une pension de retraite chèrement payée au cours de sa vie professionnelle, d'être soigné, éduqué de façon équitable, ces libertés sont des droits démocratiques. Si les hyper riches — par leur pouvoir (octroyé par le laxisme politique) de contourner les règles et les lois — peuvent mettre en péril cette liberté démocratique, il est nécessaire d'agir. Ou d'admettre que nous ne sommes plus en démocratie. Une petite armée d'actionnaires détruirait le peu de richesse accumulée de milliards d'individus, écroulerait des équilibres sociaux chèrement acquis, abolirait le pouvoir des peuples, et rien ni personne ne serait en mesure de la stopper ?

Le monde dans lequel nous avons plongé et vers lequel nous nous dirigeons toujours plus profondément est celui d'une démocratie de façade, sans aucune autre alternative que le pseudo débat [sans fin] sur le travail, le chômage, et sur des choix imbéciles entre des politiques spectacles sans aucune efficacité, alors que le véritable problème se situe ailleurs : dans la confiscation de la démocratie par les maîtres du monde capitaliste : les actionnaires et leurs dirigeants. C'est vers eux que doit se diriger la révolte. Pas vers les pantins médiatiques qui déclarent détenir le pouvoir des Etats. Eux, n'ont aucun pouvoir. Ils ne gouvernent même pas. Au point de désormais l'admettre en public.

Désarmer les marchés, pour ensuite, réorienter le système capitaliste vers une nécessaire répartition des richesses, plus juste ? Afin de redonner un nouveau souffle à des sociétés au bord de l'asphyxie ? Le souffle de la démocratie citoyenne ? Que l'on soit de droite ou de gauche, le projet pourrait s'envisager, tout du moins pour la majorité, les 99% qui ne sont pas à la solde des nouveaux maîtres du monde.

Pour aller plus loin, le documentaire, "Noire Finance" :

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