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par drapher

Démocratie de consensus : le despotisme doux de Macron

Le concept de "despotisme doux" inventé par Tocqueville, refait parler de lui depuis qu'Emmanuel Macron a décidé d'instaurer les dispositions de l'état d'urgence dans le droit commun. Rappelons qu'Alexis de Tocqueville, penseur et écrivain français du 19e siècle a publié à l'époque, un best seller en deux tomes nommé "De la démocratie en Amérique" (1835-1840), qui défrise encore nombre de politologues et autres penseurs de la démocratie.

Le concept de "despotisme doux" inventé par Tocqueville, refait parler de lui depuis qu'Emmanuel Macron a décidé d'instaurer les dispositions de l'état d'urgence dans le droit commun. Rappelons qu'Alexis de Tocqueville, penseur et écrivain français du 19e siècle a publié à l'époque, un best seller en deux tomes nommé "De la démocratie en Amérique" (1835-1840), qui défrise encore nombre de politologues et autres penseurs de la démocratie.

Pour Tocqueville, il y a des dangers qui guettent la démocratie, et ce ne sont pas ceux auxquels on peut penser en première intention, comme l'arrivée d'un dictateur, ou le désordre généralisé, ou encore le pouvoir donné aux militaires. Non, pour Alexis, le plus grand danger de la démocratie est "l’avènement d’un ordre régi par l’Etat-Providence, enfermant l’homme dans un réseau de réglementations oppressives et le réduisant à n’être qu’un matricule anonyme, sans initiatives ni grandeur, au sein d’une masse domestiquée". Fortement perspicace, avec plus d'un siècle d'avance, Tocqueville voit là, un "doux despotisme" qui trouverait son origine dans "une crainte du désordre et un amour du bien-être des masses", ce qu’il résume dans une expression fort adaptée à notre époque : "l’apathie générale, fruit de l’individualisme". La pensée, l'analyse de Tocqueville sur la démocratie sont très intéressantes pour comprendre les dérives actuelles de la société française et de sa "démocratie du consensus".

Le mur de la Démocratie de consensus

« La démocratie est un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger. Il est difficile de concevoir comment des hommes qui ont entièrement renoncé à l’habitude de se diriger eux-mêmes pourraient réussir à bien choisir ceux qui doivent les conduire » (Alexis de Tocqueville, de la Démocratie en Amérique, Tomme II)

Les débuts de gouvernance d'Emmanuel Macron et de son parti politique LREM sont très surprenants, à plusieurs titres. En premier lieu, ce parti possède une majorité absolue à l'Assemblée nationale et les élus qui le constituent semblent adhérer de façon unanime à toute proposition émanant de leur "chef", le président de la République, celui qu'ils ont fait élire. C'est avec cette unanimité du groupe LREM que la future loi révisant le code du travail va être légiférée par ordonnances : il n'y aura pas de débat de la représentation parlementaire menant à un vote. C'est une nouvelle forme d'exercice du pouvoir de la représentation nationale, basée sur le consensus qui voit là le jour.

"Un consensus est un accord des volontés sans aucune opposition formelle. Le consensus se distingue de l'unanimité qui met en évidence la volonté manifeste de tous les membres dans l'accord. Un consensus caractérise l'existence parmi les membres d'un groupe d'un accord général (tacite ou manifeste), positif et unanime pouvant permettre de prendre une décision ou d'agir ensemble sans vote préalable ou délibération particulière. Le consensus peut parfois être contraire à la majorité en tant que résultat." (Wikipedia)

La démocratie de consensus qui se met en place est une sorte de mur contre lequel risque de se fracasser la société dans son ensemble. Si une part de cette société — celle qui se porte le mieux économiquement et socialement, dont font partie les élus LREM — pousse à cette nouvelle forme de gouvernance du "bon sens", dont le socle est entièrement fondé sur une analyse idéologique de type ordo-libérale, le reste de cette population va être relégué en tant qu'observateur désarmé. Christophe Pacific, infirmier et docteur en philosophie a passé sa thèse sur "l'éthique du dissensus", et apporte de nombreuses réflexions sur cette problématique du consensus en démocratie :

Le consensus a pour finalité d’éliminer le conflit. Il aimerait pouvoir sacraliser de nouvelles normes dans une société en crise de rituel. Hélas, la réalité nous montre que l’étoffe du consensus est tissée de soumission librement consentie, de nécessités et de jeux de pouvoir très liés aux plaisirs immédiats. A force d’habitude, l’exigence de consensus change le remède en poison. Le consensus sonne le glas de l’éthique. En cherchant l’unité, le consensus diabolise le conflit et cherche expressément à l’éliminer du fait de son chaos apparent. Le dissensus, lui, en mettant la parole en tension, assure le lien fécond du vivre ensemble

C'est ainsi qu'un journaliste, à propos du projet de loi antiterrorisme demande au ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb :

"Alors, la sécurité avant tout, quitte à tomber dans le despotisme doux ?" Et Gérard Collomb de répondre : "Oui, peut-être".

Puis le premier flic de France de développer :

Moi, j'ai été à Nice vendredi dernier. J'ai vu les familles des victimes. Croyez-moi, lorsque vous allez là-bas et que vous voyez les gens en pleurs, des familles décimées, le père, les enfants qui sont morts, des femmes qui restent toutes seules, vous vous dites que, quand même, essayer d'assurer la sécurité de ses concitoyens, c'est quelque chose d'important.

Le despotisme des bisounours

Une idée politique commence à se dégager avec LREM et leur chef, Emmanuel Macron, à la fois inquiétante et redoutable : le TINA de Margareth Thatcher peut s'appliquer à tout, de partout, pour tous, sans contestation possible. "There Is No Alternative, pour votre bien, car nous sommes le Bien, nous voulons une société meilleure, plus juste, plus sûre, moins dangereuse" représente en quelque sorte la surface idéologique de LREM et de ceux qui travaillent au gouvernement. La loi antiterrorisme, en procédure accélérée, a été votée par le Sénat avant hier, le 19 juillet, et la transposition des mesures de l'état d'urgence, dont l'interdiction de manifester vont donc arriver au Parlement en septembre.

Il est question ici de changer le régime des libertés, et d'apporter à l'Etat et ses administrations des pouvoirs très étendus sur les citoyens. Une sorte d'Etat policier permanent, avec pouvoir aux Préfets de faire exécuter des perquisitions, des assignations à résidence, des fermetures de lieux de culte sur la foi de simples soupçons peu ou pas étayés par les services de renseignement. Des fouilles automatiques des véhicules et des personnes pourront être effectuées dans des périmètres déterminés, sans justifications aucunes.

Amnesty International enfonce le clou : "Le projet de loi pérennise par ailleurs le système de suivi des données des dossiers de passagers aériens (PNR) et autorise la création d'un nouveau traitement automatisé de données à caractère personnel pour les voyageurs de transports maritimes. Il instaure un nouveau cadre légal de surveillance des communications hertziennes et élargit les possibilités de contrôle dans les zones frontalières.

Ce basculement n'est pas proposé agressivement et se fait sans concertation avec la société civile, sans débat de fond, sans évaluation. Pourquoi ? Parce que le consensus règne, celui instigué par les "bisounours du gouvernement et du Parlement" : les "gentils", ceux qui s'autoproclament comme tels. C'est par cette pirouette intellectuelle qu'il est désormais possible d'éviter tout débat. Et si certains tentent de le faire advenir (dissensus), ils seront vite remis au pas et étiquetés comme "trolls", ou assimilés : on ne vient pas remettre en question la volonté de ceux qui veulent le bien du plus grand nombre, si ce n'est pour faire le mal ou mettre en danger les "gentils bisounours"…

Le Bien despotique : l'avenir ?

Le despotisme doux existe déjà dans de nombreuses structures au sein de la société française. Il est maintenu par une pseudo démocratie de consensus, avec son lot d'influences et d'autocrates, déguisés en "guides médiateurs", jouant le plus souvent plusieurs rôles à la fois, tout en prêchant l'horizontalité et la transparence. Ces nouveaux "gentils despotes" mènent leurs structures là où ils le souhaitent, sans opposition sérieuse, arguant de leur vocation à la bonté, à la générosité, à leur engagement pour le bien commun. Alors qu'ils ne sont en réalité rien d'autre que des autocrates par consensus. Tout comme Emmanuel Macron à la tête de l'Etat, et son troupeau de députés consensuels, à sa botte.

Le "bien despotique", ou "despotisme doux", annoncé par Tocqueville, est en plein essor. Il risque d'essorer ce qu’il reste de capacité à la liberté de contestation, à créer du dissensus et donc de l’éthique. Le problème est que sans éthique, une démocratie n’est rien d’autre qu’une dictature (elle aussi par consensus) où chacun peut aller choisir le prochain despote, une fois tous les 5 ans.

Mais le nom du système politique ne sera pas changé. Nous serons toujours en démocratie à l'automne. Que "le peuple timide et industrieux" décrit par Tocqueville se rassure donc : il pourra continuer — dans sa grande majorité — à pratiquer son individualisme apathique et améliorer son confort quotidien. Sans être directement inquiété, dans sa grande majorité. Chacun pourra donc librement faire ce qu'il fait aujourd'hui, mais dans un état de suspicion permanent. De l'Etat envers chacun. Les citoyens : de potentiels suspects. Rien d'autre.

Est-ce bien cette société là que nous voulons ?

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