Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
Édito
par Rédaction

De l'indépendance, des médias et du pognon

Qu'est-ce qu'un média indépendant, quelle est sa vocation, comment peut-il perdurer, avec quels moyens, et que peuvent les lecteurs ? Une fois ces questions posées, quoi qu'en disent les esprits chagrins, (la plupart du temps, des professionnels des médias aux puissants actionnaires ou financés par la publicité), les réponses ne sont pas autant "à géométrie variable" ou "souples" que ce que le milieu médiatique veut bien en dire.

Qu'est-ce qu'un média indépendant, quelle est sa vocation, comment peut-il perdurer, avec quels moyens, et que peuvent les lecteurs ?

Une fois ces questions posées, quoi qu'en disent les esprits chagrins, (la plupart du temps, des professionnels des médias aux puissants actionnaires ou financés par la publicité), les réponses ne sont pas autant "à géométrie variable" ou "souples" que ce que le milieu médiatique veut bien en dire.

De l'esprit d'indépendance, de la pseudo-indépendance, et de la véritable indépendance

Parce qu'il y a l'esprit d'indépendance (ce que revendiquent les rédactions des médias "achetés" par Arnault Lagardère, Niels et autres actionnaires de médias issus de très grandes entreprises) et il y a l'indépendance réelle. Si vous financez un média sans actionnaires extérieurs mais par des publicités, vous restez attachés, dépendants de ceux qui vous financent. Ils sont la plupart du temps suffisamment "gros" pour que le jour où vous découvrez quelque chose qui cloche dans leur fonctionnement ou une malversation quelconque commise par eux, vous ne puissiez pas publier à leur sujet : tuer celui qui vous donne à manger est le meilleur moyen de mourir…de faim. Sachant que les liens d'intérêts (économiques, sectoriels, politiques) entre annonceurs sont eux aussi autant de possibilités de ne pas pouvoir publier sur un sujet, même s'il touche indirectement l'annonceur de votre titre.

Nous en revenons donc à la véritable indépendance. Elle passe par une seule et unique chose, comme au bon vieux temps de la "presse papier puissante" (avant la seconde guerre mondiale, surtout) : le financement par le lectorat. Vous pouvez toujours chercher à tergiverser, essayer d'expliquer qu'un journaliste n'est pas directement dépendant d'une ligne éditoriale dictée par l'actionnariat ou les annonceurs, que rien ne vous empêchera de publier quoi que ce soit, que vous n'êtes partisan de rien ni de personne : le soupçon est là, et la réalité de votre pseudo-indépendance sur le long terme se verra obligatoirement mise en cause.

Les médias indépendants sont financés par leur seul lectorat

Le "Canard Enchaîné", véritable institution de la presse papier hebdomadaire, en tant que contre-pouvoir, reste l'exemple parfait du média indépendant. Aucune publicité, aucun actionnaire extérieur à sa rédaction. Dans le monde numérique, il y a "Mediapart" : système par abonnement, seuls les lecteurs assurent la viabilité du journal en ligne. D'autres exemples existent, français ou francopohone, mais sont peu nombreux : "Arrêt sur images", Le Monde Diplomatique, Fhimt, Backchich…: que ceux qui ne sont pas nommés nous excusent par avance. Alors, qu'en est-il de Reflets, ce "mag improbable", apparu il a un an et demi à l'initiative de deux énergumènes, véritables éléctrons libres de l'info sur la webosphère ?

Reflets est un média d'information. Un magazine web, basé sur quelques réflexions et lignes de conduite, de pratiques journalistiques très claires : ce média est celui, que ceux qui "l'animent", voulaient voir apparaître : c'était en quelque sorte, et c'est toujours, l'envie d'écrire et publier dans un journal qu'on aimerait aussi lire soi-même en tant que lecteur.

Avec des personnalités très différentes, des sensibilités diverses, des styles, centres d'intérêts variés. Le journalisme de Reflets est celui qui tente d'allier un retour aux sources (chercher, enquêter, croiser, analyser, réfléchir, sourcer, vérifier) un peu perdues depuis quelques années, il faut le bien le dire (cherchez des articles issus de dépêches AFP  retravaillées sur Reflets, vous n'en trouverez pas), et une déontologie issue de l'hacktivisme, ou cyber-activisme (au choix des lecteurs d'apprécier ou non ces deux termes) qui n'est pas directement celle du journalisme "classique". C'est là aussi où Reflets construit quelque chose, qui n'est pas définitivement arrêté : les moyens, les manières d'informer sur les supports numériques, avec une culture forte (une maîtrise aussi) et ancienne (avant l'an 2000…) du numérique, dans un monde en transformation permanente sous les effets…de l'influence du numérique.

L'information sur le réseau doit être gratuite

Reflets est un média indépendant et gratuit : indépendant puisqu'aucun actionnaire extérieur ne possède de parts dans le capital dans l'entreprise de presse qui propulse le magazine (./Rebuild.sh), qu'aucune publicité ne finance quoi que ce soit. Gratuit, puisqu'à l'inverse d'autres médias en ligne indépendants, Reflets n'offre pas ses publications aux seuls abonnés pour une somme déterminée. Les raisons de cette gratuité sont le fruit d'une longue pratique du réseau mondial, des valeurs portées et défendues par les contributeurs de Reflets : l'information est un droit fondamental, aussi important que la neutralité du réseau ou le respect de la vie privée. Réserver le droit à l'information aux seuls internautes qui débourseraient une somme précise, ou équipés de moyens de paiement particuliers est une forme de discrimnation, une manière de détourner le sens originel du réseau mondial, premier instrument d'accès à une connaissance universelle et gratuite. Un adolescent de 16 ans a donc possibilité de lire Reflets, sans avoir de carte de crédit, comme un adulte ne touchant qu'un revenu minimum, et pour qui chaque euro compte.

La problématique du pognon vient pourtant s'immiscer dans cette histoire, et c'est là qu'il est important de bien comprendre pourquoi et comment. Un blog est un espace où un internaute, ou plusieurs, viennent écrire, décrire, citer, reprendre des informations. Ils peuvent être journalistes, simples citoyens passionnés, militants, etc… Mais ce qui définit un blog est avant tout une chose : un espace d'écriture (souvent amateur, dilettante), de publications (aléatoires le plus souvent), et donc d'expression.

Certains blogs disparaissent, deviennent des références, d'autres se transforment en véritable média d'information, souvent quand ils sont spécialisés et animés par des spécialiste d'un domaine. Le cas du blog de Paul Jorion est caractéristique de cette transformation possible. Ce qui sépare un média d'information (de presse) et un blog, peut être très ténu : de nombreuses voix s'élèvent d'ailleurs fréquemment à cet égard, pour faire reconnaître des blogs comme média d'infomation. Sachant que des médias ayant pignon sur rue pillent allègrement dans les blogs ou embauchent des bloggueurs bénévoles pour assurer une partie de leur information quotidienne. Et inversement, aussi.

Reflets n'est pas un blog. Pas seulement parce que plusieurs journalistes écrivent en son sein, non, en aucune manière : des non-journalistes (c'est à dire des non-journalistes officiels : avec carte de presse, diplôme et tout le tintouin) sortent des papiers d'une qualité bien supérieure à ce qu'il se fait dans grand nombre de titres de presse, enquêtent avec beaucoup plus d'assiduité que la majorité des journalistes encartés, fouillent les poubelles du net, récupèrent des informations de première main, amènent de l'information sourcée, vérifiée, contrôlée.

Reflets n'est pas un blog parce qu'il ne se contente pas de donner des informations, ou de reprendre des informations existantes : les dossiers de Reflets sont touffus, suivis dans le temps, les démonstrations étayées, les risques vis-à-vis de ses détracteurs, réels. Mais pour autant, même si Reflets commence (un peu) à peser, a été cité par de "grands" médias de presse (comme "Libération", "Le Monde"), ce n'est pas suffisant. Et puis si Reflets est considéré comme un blog collectif, ce n'est pas non plus très grave : ce qui compte reste la qualité de ce qu'il produit et son lectorat, nombreux et assidu.

Pourquoi et comment Reflets peut devenir un média qui pèse plus ?

Reflets peut devenir un média "qui pèse plus" (en termes d'influence, d'audience, de capacité à se diffuser plus largement) si les finances suivent. Le pognon, quoi. Pourquoi ? Pas pour que les membres de la rédaction de Reflets roulent en Maserati et flambent sur la côte d'Azur avec deux bimbos sur les sièges arrières : non. Le pognon permet de faire qu'un média en devenir, artisanal, qui coûte à ses membres (en temps, en argent) puisse passer à une autre étape, très importante : celle d'un média d'information complet, très réactif et toujours indépendant. Complet parce que des reportages pourront se faire (sur le terrain, avec des photos ou vidéos), des enquêtes sur le long terme, avec des déplacements physiques, des papiers encore plus denses, plus fréquents, et mieux relus :-)).

Reflets est aujourd'hui un média qui "roxe du poney", mais avec ses limites, et c'est son financement qui exerce cette limite. Il y a eu 128 352 visiteurs uniques (donc 128 352 internautes différents) au mois de juillet 2012. Pas mal du tout, pour un site sans publicité, ni aucun relai de poids. L'abonnement de soutien à Reflets est à 1 euro. Visa et Matsercard viennent de perdre en justice en Islande contre Wikileaks, qui récupère enfin des dons par ces types de paiement. Si 10% de vous autres, lecteurs, soutiennent Reflets chaque mois (3,33 centimes par jour…), c'est plus de 12 000 euros de financement du journal par mois : c'est ce qu'il nous faut pour aller plus loin, mieux, pour devenir un média avec plus de poids.

Des appels ont été déjà effectués dans ce sens. L'idée de "donner" des "bonus" à ceux qui paient leur soutien a été évoquée, ou une boutique avec des goodies. Tout ça prend du temps, n'est pas encore possible. Pour l'instant, le média Reflets est totalement tributaire de la générosité de ceux qui ont vraiment envie de le "propulser", ce sont eux qui vont maintenir son indépendance, et s'ils sont assez nombreux : le faire évoluer, progresser. A chacun de voir ce qu'il veut faire, quelle importance il attache à ce petit média un peu dérangeant (espère-t-on) et un peu à part : notre indépendance, notre capacité à l'améliorer dépendent de votre volonté, de votre motivation, par vos dons. A vous de voir…de nous donner un peu de pognon…ou pas.

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