Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Yovan Menkevick

Crise bancaire espagnole : c'est par où la sortie ?

(Vous avez dû remarquer qu'il y a un léger problème financier et par conséquence bancaire en Europe. Parce que ce ne sont pas les dettes publiques des États qui sont le problème aujourd'hui. Les dettes ne sont que la conséquence d'une crise bancaire. Il suffit de prendre le cas de l'Espagne aujourd'hui qui est au bord d'un écroulement de son système financier pour bien le comprendre. Et là, nous ne sommes pas face au problème grec et ses 2% de PIB dans la zone euros.

(Vous avez dû remarquer qu'il y a un léger problème financier et par conséquence bancaire en Europe. Parce que ce ne sont pas les dettes publiques des États qui sont le problème aujourd'hui. Les dettes ne sont que la conséquence d'une crise bancaire. Il suffit de prendre le cas de l'Espagne aujourd'hui qui est au bord d'un écroulement de son système financier pour bien le comprendre. Et là, nous ne sommes pas face au problème grec et ses 2% de PIB dans la zone euros. Non, là nous parlons d'un pays qui pèse 13% du PIB de la zone…)

Comment est survenue cette fameuse crise des dettes souveraines ? Vous vous en souvenez, ou bien faut-il d'un seul coup refaire l'histoire et répéter en cœur avec les chefs d'États européens que "nous dépensons trop", comme si, d'un coup d'un seul, les États de la zone euro s'étaient tous mis à jeter l'argent par les fenêtres ? Des gouvernements de droite pour la plupart, qui prétendent en permanence qu'ils sont "contre les dépenses publiques". Mais qui se contredisent en exprimant, comme ça a été le cas au pays des TGV, que "la dette est causée par la crise, mais que les dépenses de l'État sont trop importantes, et qu'il faut les baisser". Il faudrait savoir : soit c'est la crise, soit c'est la gestion des dépenses publiques. Ou les… deux ? Trop de cadeaux fiscaux cumulés à des effets "de crise" ? Ou une crise financière et bancaire soigneusement camouflée ?

Qu'est-ce que la "crise" en fin de compte ? Est-elle la même pour tous, avec les mêmes causes, les mêmes effets ? Pourquoi le chômage est-il monté à plus de 24 % en Espagne et "plafonne" à 10 % en France ? Parce que super Nicolas a fait un "job formidable" ? Et en Irlande ? Au Portugal ? En Italie ? En Grèce ? Et puis cette dépense, pourquoi a-t-elle autant explosé ? En investissant dans les services publics ? En injectant de l'argent frais dans la relance économique ? Non. C'est dingue quand même : on "dépense" de plus en plus (on creuse la dette quoi), et derrière on a de moins en moins de dépenses d'État puisque celui-ci pratique une politique d'austérité. Incroyable. À se demander comment ça marche. On peut regarder l'Espagne pour se faire une idée de ce qui pose un super-méga problème aujourd'hui. Le système bancaire. Oui, oui. Parce que si vous n'êtes pas amnésiques, vous devez vous rappeler que le début de la crise c'est en 2007, aux USA, avec les emprunts immobiliers toxiques, les subprimes, puis ça arrive en Europe, en 2008. Ça s'appelle une contamination de produits financiers toxiques. Suivie de spéculations massives à l'aide d'outils de trading haute fréquence bien enrobées dans des produits financiers garantis types CDO et CDS. La vache. Y'a donc une couille dans le potage comme dirait l'autre. Et vous allez voir, la couille, elle pèse un peu lourd du côté des mangeurs de chorizo. Ça fait cher la couille ibérique… Mais le pire, c'est que ce n'est pas le cas seulement chez eux.

L'économie espagnole est un mirage

Le problème ibère est le suivant, en résumé : l'Espagne entre dans la CEE qui devient l'Union au moment de la signature de l'acte unique, en 1986, et c'est un pays très peu développé. L'Espagne en 86, c'est un pays qui sort de 40 ans de franquisme, une très jeune et fragile démocratie, avec un niveau de vie très bas, des infrastructures faibles. En forçant le trait, c'est la France des années 50, l'Espagne, en 86, pas beaucoup plus. Alors, comment nos cousins de l'autre côté des Pyrénées parviennent à nous rattraper à l'aube du XXIe siècle et participent au "miracle économique européen de la première moitié de la première décennie dudit siècle ? Sur une grosse farce. Une fabrication totale et complète. En premier lieu, l'Espagne va bénéficier d'aides européennes colossales pour rattraper son retard. Puis ensuite jouer sur le crédit bancaire et l'immobilier.

Tout est immobilier en Espagne depuis 15 ans. On prête à toute berzingue, à tout le monde, on construit de partout, le pays est recouvert de lotissements, immeubles, villas. Une économie du bâtiment. Un grand bazar immobilier qui repose entièrement sur le prêt bancaire. Les Espagnols sont propriétaires, ils louent, ils investissent, ils claquent aussi. Mais sans créer beaucoup d'économie pérenne ou d'exportations, sans véritable industrie ou innovation. L'économie espagnole, de façon caricaturale, c'est des serres géantes de tomates hors-sol emballées dans du plastique qu'on envoie dans les carrefours français, un peu de service et de la construction immobilière en masse.

Banques espagnoles : y'a plus d'thunes, on fait quoi ?

Le fond du problème actuel est le suivant : l'Espagne découvre qu'elle vit à crédit mais avec une immense bulle immobilière qui a éclaté, avec un niveau de vie, d'emprunts qui ne correspondent pas à sa capacité réelle économique et qui fait que ses banques sont à sec. Oui, à sec. Aidées par un État de plus en plus endetté puisque attaqué par la spéculation sur ses obligations. Le gouvernement Rajoy doit donc trouver une solution demain pour refinancer les grandes banques du pays.

Mais pas qu'un peu, puisque s'il parle de 2 ou 3 milliards d'euros, on discute en réalité, du côté des financiers, de 100 nouveaux milliards d'euros, alors que 110 milliards ont déjà été consacrés à les "sauver", ces fameuses banques. Sachant que plus personne à l'étranger ne veut prêter aux banques espagnoles avec la seule BCE désormais pour jouer le jeu…

Alors la dette publique de l'Espagne est vaguement ennuyeuse, mais elle n'est qu'une conséquence de l'éclatement de la bulle immobilière, de la spéculation sur les obligations d'État. 68,5 % de dette publique fin 2011 en Espagne, 79,8 % prévu en 2012, mais 85,8 % en France pour 2011… La France ne serait pas aussi mal que l'Espagne et pourtant elle est bien plus endettée… cherchez l'erreur…

Voyez comment une bulle immobilière qui éclate peut créer de gros problèmes sur des comptes publics très bons auparavant :

La dette publique espagnole, en proportion du PIB, est en hausse continue depuis le premier trimestre 2008, où elle atteignait 35,8 % , après plus d'une décennie de baisse, alors que le pays était en forte croissance avec des comptes publics excédentaires. (source : l'expansion.fr)

Et aujourd'hui, de nombreux analystes financiers pensent que la chute de l'eurozone n'est pas du côté de la Grèce mais du côté de l'Espagne. Il y a un facteur qui peut inciter à les croire, et il n'est pas des moindres : les trois plus grandes banques espagnoles possèdent un montant d'actifs représentant… deux fois le PIB du pays. Et comme il est discuté aujourd'hui de nationaliser partiellement Bankia, que les actifs pourris issus de l'éclatement de la bulle sont estimés à plus de 120 milliards d'euros… Mais rassurez-vous, amis espagnols, ici, au pays des vaches qui regardent passer les TGV, on a aussi des banques dans une forme toute relative.

Un coup de boule de cristal…

On voit mal comment les économies assises sur des "fabrications de l'Union" vont pouvoir tenir. L'euro est une monnaie voulue par la France et l'Allemagne et totalement adossée à leurs économies. Économies basées sur l'industrie, au départ. Les autres ne peuvent plus suivre, surtout quand les systèmes financiers s'en mêlent avec l'intention de s'en mettre plein les poches. Parce qu'il ne faut pas se leurrer : les traders jouent sur la chute de l'euro, l'écroulement de l'Europe. Sachant que la contamination se généralise. L'Espagne ne va pas tenir longtemps, comme la Grèce, le Portugal. Mais si l'Espagne tombe, quatrième économie de la zone euro en termes de PIB, c'est la fin de la monnaie unique pour une très grande partie de ses membres. Resteront la France et l'Allemagne qui vont avoir du mal à quitter le navire. Encore qu'en Allemagne, le gouvernement Merkel a déjà parlé d'une possible sortie de l'euro si les choses empiraient. Mais créer une zone économique avec une monnaie commune en impliquant 17 pays dont 14 qui sont des nains industriels (seuls l'Allemagne, la France et l'Italie avaient des économies industrielles fortes), était-ce bien raisonnable ? On commence à se le demander un peu partout aujourd'hui…

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