Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Yovan Menkevick

BCE, Italie, Grèce : les pyromanes prennent le pouvoir

(Pendant que les politiques, les "marchés" et les médias saluent le départ de Silvio, avec son remplacement par Mario, après celui de Trichet à la BCE remplacé lui aussi par un autre Mario, on cherche à comprendre en quoi cette valse des Marios va sauver l'euro, juguler la crise et nous empêcher de nous retrouver avec le même niveau de protection sociale que les Chinois.

(Pendant que les politiques, les "marchés" et les médias saluent le départ de Silvio, avec son remplacement par Mario, après celui de Trichet à la BCE remplacé lui aussi par un autre Mario, on cherche à comprendre en quoi cette valse des Marios va sauver l'euro, juguler la crise et nous empêcher de nous retrouver avec le même niveau de protection sociale que les Chinois.)

Ca y est les marchés vont être "rassurés", ça va repartir, la bourse va grimper de nouveau, tout va rentrer dans l'ordre, l'euro, ce cher euro, va être sauvé et la crise de la dette résolue. C'est en gros ce qui est renvoyé à qui mieux-mieux depuis quelques jours avec l'arrivée à la présidence du conseil italien de Mario Monti et depuis le 1er novembre avec la prise de direction de la Banque Centrale Européenne (BCE) par Mario Draghi. C'est marrant, mais on a du mal à croire que deux types élevés au pays de Cosa Nostra vont te régler les problèmes économiques structurels d'une union européenne agonisante en deux coups de cuillère à pot. On peut même se demander si ce n'est pas l'inverse qui risque de se produire, parce que les Marios, au delà de la boutade sur leur origine italienne (on ne mange pas de ce pain-là à reflets) ce sont surtout des types qui bouffent dans la gamelle ultra-libérale au point d'avoir été en responsabilités chez ceux-là mêmes qui nous ont pourri notre économie depuis trois ans (et bien plus que trois ans si on a lu les articles sur les origines de la crise). Ils pourraient bien être Finnois ou Mongols, les Marios, ce serait la même chose. Ce sont surtout d'ex-banquiers. Mais pas seulement, ni n'importe lesquels.

Petite visite guidée dans le CV du Mario N°1

A ma droite, Mario Draghi, nouveau boss de la BCE, celle qui produit de l'euro, décide des taux directeurs (c'est-à-dire les intérêts que touchent les banques qui refilent des euros à la dite BCE dans le cas des taux de refinancement, mais un article à lui seul est nécessaire pour expliquer correctement le fonctionnement de la BCE ), décide des politiques de taux de change, gère les réserves de change, et au final est censée nous garantir la stabilité des prix, donc empêcher l'inflation (le truc qui hante les ultra-libéraux). Sa principale mesure au Mario, en arrivant à la tête de la BCE , deux jours après avoir pris son poste, le 3 novembre dernier, a été de baisser le principal taux directeur de 1,5% à 1,25%. Super ! Très fort, très chouette : les banques empruntent à moins cher de 0,25%, et c'est censé lutter contre la récession qui pointe. Bon, ok. Clap, clap, les marchés saluent ce geste de très grande envergure. Le reste des gens ne voit pas bien ce que ça va changer.

Mais qui est ce Mario Draghi, au juste ? Peut-on lui faire confiance ? Va-t-il agir dans un sens qui calmerait les ardeurs des super-spéculateurs ? On peut en douter très fortement, voire à l'inverse, on peut se demander si le Mario de la BCE n'est pas un pyromane à qui l'on demande de venir diriger des équipes de pompiers. Parce que pendant 10 ans, en Italie, il a été chargé des privatisations au ministère du Trésor Public, il fut donc membre des conseils d'administration de pas mal de banques et d'entreprises qui sont devenues de gros acteurs financiers privés du "marché". Mais ce cher Draghi a fait plus fort : il fut vice-président de la banque Goldman Sachs (branche européenne) de 2002 à 2005… Et là, niveau CV, ça coince un peu. Parce que Goldman Sachs c'est une banque géante, mais aussi un hedge-fund, conseil en fusions-acquistions, commerce de biens, qui a vu son bénéfice dégringoler de 70% en 2008, un an après le début de la crise des subprimes. Puis qui s'est vue renflouer de 13 milliards de dollars par le biais de la FED. Mais encore pire, GS est soupçonné d'avoir maquillé la dette de la Grèce contre rémunération (300 patates en $). Ah nous y voilà, les petites combines des acteurs du "marché" qui permettent de toucher plusieurs fois la mise, et qui, dans le cas de la Grèce, déclenchent un tsunami financier. Et on file la BCE à un type qui a participé à tout ça pour régler le problème auquel il a contribué ? Ben ouais. No problem.

 Le Mario N°2, il est caaaaamé Léon…

Là, on vous en parle un peu plus dans les médias, parce que c'est difficile de le louper vu qu'il remplace super Silvio. Oui, Mario Monti (futur président du conseil italien), a aussi travaillé pour Goldman Sachs. Nooooooon ? Si, si. En 2005 il est embauché par GS comme conseiller international. Mais dans son cas, il y a encore mieux que d'avoir bossé pour les plus grands "escrocs financiers" de la planète (GS a été déclarée  en juillet 2009 responsable de la plupart des "bulles" et des manipulations de marchés depuis 80 ans par l'écrivain politique Matt Taibbi dans le journal Rolling Stones) : le Mario N°2, désormais aux manettes de l'Italie (après vote du parlement, mais ça ne saurait tarder), est membre du groupe Bilderberg et président de la branche Europe de la commission trilatérale dudit groupe. Et ça, on ne vous en parle pas. Mais qu'est-ce que c'est que ces trucs ? On va pas nous faire encore le coup des Illuminatis quand même ? Non, mais pas loin. Le groupe Bilderberg (du nom d'un hôtel où ces lascars se sont rencontrés la première fois en 1952, heureusement que l'hôtel ne s'appelait pas "Chez tantine", sinon ça aurait fait moins sérieux) est une réunion de types très importants qui bossent dans la politique, les (grosses) affaires, les médias, la diplomatie, disons tous les métiers qui peuvent faire "bouger la planète". Mais ils ne sont qu'une centaine et quelques (on ne sait pas vraiment combien, l'auteur n'en fait pas partie bien qu'il essaye depuis pas mal de temps d'y entrer mais sa candidature n'a jamais été acceptée). Il est dit 130 membres. En tout cas, ils se réunissent sur invitation une fois par an, on ne sait pas trop ce qu'ils se disent, mais il semble qu'ils ont des idées assez précises et qu'ils tentent de les faire appliquer à l'échelle mondiale.

Le club Bilderberg c'est une sorte de Davos mystérieux, secret, dont les membres les plus éminents seraient par exemple : les banquiers de chez Rockefeller, les anciens directeurs de Goldman Sachs, d'anciens premiers ministres, d'anciens vice présidents de la commission européenne, des PDG de multinationales des télécommunications, de l'informatique, du pétrole, de banques, des anciens chefs de renseignements britanniques… Il est trop fastidieux de citer tous les profils présents, mais vous comprenez bien qui se réunit chaque année dans le club Bilderberg. Et pourquoi ? Oh, pas grand chose, des bricoles, juste installer un gouvernement mondial (d'après ceux qui ont cherché à savoir ce qu'ils manigancent). Le plan du club Bilderberg dévoilé par un journaliste à la fin des années 70 aurait été "d’instaurer un gouvernement mondial dirigé par les Etats-Unis, qui comporterait l’abandon des souverainetés nationales, l’instauration d’une planification technique de l’économie, et l’établissement d’une monnaie internationale". Le plus drôle est qu'en ce moment même on parle de "gouvernements techniques" pour la Grèce et l'Italie. Mais la partie croustillante est quand même que ce truc, censé être privé, confidentiel, informel, l'équivalent d'un club des fumeurs de pipe version politique et finance internationale a trouvé le moyen de se réunir en France à Versailles en 2003 et faire que notre bon président Jacquot fasse fermer le château pendant une semaine au public. Juste pour ces messieurs. Impressionnant isn't it ?  Je vous passe la structure de la commission trilatérale, organisation créée par les gugus de Bilderberg en 1973 et qui bosse sur la mise en œuvre de la mondialisation par coopération entre trois zones clés du monde. Je vous laisse deviner quelles zones et avec quelles orientations.

On ne va pas rentrer dans des théories du complot quand même ?

Oh ben non, ce serait vraiment faire preuve de faiblesse intellectuelle. Et ce n'est pas notre tasse de thé à reflets, la faiblesse intellectuelle. Mais l'arrivée des Marios coïncide juste bien avec les événements créés par les Goldman Sachs et compagnie qui obligent à prendre des mesures terribles pour les peuples mais appétissantes pour les marchés. Et toutes ces "catastrophes" obligent à monter des "gouvernements techniques". Et les Mario ils ont bossé pour GS. Et puis le Mario d'Italie est membre du club des maîtres du monde de Bilderberg, il est aussi président de son bras armé, la commission trilatérale. Et le premier ministre de Grèce, ancien vice-président de la BCE, ce cher Papademos, il a juste été conseiller économique de la Federal Reserve Bank de Boston et gouverneur de la banque centrale de Grèce. Une valeur sûre ce Papademos. Comme les Marios. Rien que des banquiers mondialisateurs en chef. Pas impliqués plus que ça dans les décisions qui nous ont mené là où nous sommes, hein ? Non, juste rien qu'un peu. Et ils ont été élus par les populations le Mario N°1 et le Papademos ? Ah ben non. Zut, on avait oublié d'y penser. Oui, mais c'est la crise, on peut plus prendre le temps de laisser les gens voter, et puis ce sont des pompiers en chef. Laissons-les faire, ils connaissent bien le truc de l'incendie, ce sont eux qui ont participé à le déclarer…

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