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par Antoine Champagne - kitetoa

Terrorisme : et si on enfermait les gens préventivement ?

La question stupide revient après chaque attentat

Quels que soient les arguments, quels que soient les contradicteurs de cette option, policiers, avocats, juges, la droite et l'extrême-droite reviennent à l'assaut après chaque attentat avec cette envie d'enterrer la démocratie, comme les terroristes qu'ils disent combattre.

"Terrorisme : emploi systématique de la violence pour atteindre un but politique". Le but de l'Etat islamique est sans aucun doute d'enterrer le système politique choisi par ses ennemis, c'est à dire la démocratie. Ce système n'est pas parfait et l'oligarchie qui a tendance à remplacer la démocratie dans nos contrées peut pousser à rechercher sa réforme en profondeur. Mais l'enterrer ? Enterrer le concept même de la Démocratie (avec un D majuscule) ? Le veut-on vraiment ? On sait ce que l'on perd, pas ce que l'on gagne. Et pourtant, les groupes Les Républicains et Front National ne manquent pas une occasion - un attentat - de s'ériger en fossoyeur, peut-être involontaires (qui sait ?), de la Démocratie.

De nombreux auteurs d'attentats sont fichés S et parfois au FSPRT, le fichier qui recense les personnes soupçonnées de radicalisation.

Alors, nous expliquent en cœur ces Captain Obvious, puisqu'ils sont déjà fichés, repérés, il suffirait de les enfermer préventivement pour éviter leur passage à l'acte. Mais comment est-il possible que l'on ait pas pensé à ça avant ?

En fait, si, il y a bien des gens qui y ont pensé. Dans la même veine, l'Administration Bush avait planché durant des mois sur un statut spécifique pour les combattants d'Al-Qaïda. L'idée était d'éviter d'avoir à les traiter comme des prisonniers de guerre et de leur déniant la protection de la Convention de Genève. Captain Obvious était également à la manœuvre :

  1. Comment obtenir des informations précises sur les plans des terroristes ? Le mieux serait de pouvoir les torturer.
  2. Mais comment faire pour avoir le droit de les torturer ? Le mieux serait d'inventer un statut spécial qui n'est pas couvert par la Convention de Genève.
  3. Comment passer sous le radar des médias gauchistes et droit-de-l'hommistes ? Le mieux serait de créer des prisons secrètes, des vols fantômes de la CIA pour les déplacer et des camps d'internement préventif.

Et voilà comment en 3 questions et 3 réponses, les Etats-Unis ont réussi à sortir du droit international, à fouler du pied les principes de la démocratie. Des gens ont été enlevés partout dans le monde, transféré dans des avions de la CIA sans existence, déposés dans des pays pratiquant la torture, enfermés dans des prisons secrètes, torturés. Fastoche.

En abandonnant les principes démocratiques, une démocratie devient "autre chose", expliquait encore hier Captain Obvious. En pratiquant la torture, en enfermant de manière préventive, sans perspective de procès, comme à Guantanamo, on récuse les principes élémentaires de la démocratie.

Et si l'on faisait la même chose en France ?

L'idée des politiques qui prônent un enfermement des fichés S ou FSPRT est tout à fait similaire. Il s'agit d'enfermer une personne avant qu'elle n'ait commis un crime ou un délit, sur la base de ses croyances ou ses idées, un droit constitutionnel, sans lui assurer un droit à sa défense puisque l'on ne peut pas lui faire un procès pour un crime ou un délit non commis.

L'horreur du terrorisme, les cohortes de blessés, de tués, de familles ravagées peuvent amener à s'interroger sur les moyens à utiliser pour lutter contre ce fléau. Mais c'est au moment de répondre qu'il faut faire preuve de la plus grande prudence. On peut tourner la question autrement et la poser ainsi : jusqu'où la démocratie peut-elle aller pour lutter contre ceux qui veulent la détruire ? Peut-elle adopter les mêmes armes que ses ennemis ? Ce faisant, ne devient-elle pas leur reflet ?

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