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par Antoine Champagne - kitetoa

Manifestations samedi : le cercle de violence

L'exécutif dans une impasse

En dépit d'annonces visant à calmer les gilets jaunes, l'exécutif est dans une impasse, pris dans le cercle de la violence à laquelle il ne compte pas renoncer. C'est l'habituelle politique de la carotte et du bâton, si chère au vieux monde...

Domenjod - CC-BY-SA-4.0

Ce n'est pas la première fois que l'exécutif vacille et recule face à la pression de la rue. En 1984, la loi Savary sur la réforme de l'école est retirée. En 1986, après la mort de Malik Oussekine, la réforme Devaquet passe à la trappe. Même punition pour les réformes d'Alain Juppé en 1995, du CPE de De Villepin en 2006. Cette fois, c'est donc le projet de hausse des taxes sur les carburants qui a été retiré mercredi dans la soirée. Dans le même temps, le Premier ministre appelait journalistes, politiques, syndicats et autres corps intermédiaires à demander aux Français de ne pas manifester samedi 8 décembre. En d'autres termes, l'exécutif et une partie du pouvoir législatif -Gérard Larcher, président du Sénat a parlé de "sauver la République, aujourd'hui menacée" - espèrent sonner la fin de la récréation. Les gilets jaunes ont exprimé une colère, maintenant il faut rentrer à la maison, on vous a donné quelques carottes. Mais avec les carottes, il y les habituels coups de bâton.

Le nombre de blessés graves s'allonge dangereusement. Trois lycéens, c'est à dire des enfants, plus jeunes par exemple que Malik Oussekine, ont été blessés mercredi par des tirs de lanceur de balle de défense (LBD). Une lycéenne, touchée par un projectile, "présente des blessures graves au visage qui vont occasionner une incapacité de travail supérieure à trois mois", a indiqué Jean-Yves Coquillat, le procureur de la République de Grenoble. Comment justifier l'idée qu'une jeune fille puisse mettre en péril des forces de l'ordre sur-armées ? Au point de lui infliger trois mois d'ITT ? Les lacrymos pleuvent depuis deux jours dans la région parisienne sur les lycéens. Même à Saint-Cloud (où se trouve le siège de Reflets, NDLR), ville cossue des Hauts de Seine.

A Mantes-la-Jolie, quelque 146 personnes ont été interpellées devant le lycée Saint-Exupéry ce jeudi...

A paris, samedi dernier, 412 personnes ont été arrêtées, dont une bonne partie avant même d'atteindre la manifestation, à leur descente de car ou de voiture. Près d'une centaine a été jugée en comparution immédiate. Il ne fait pas bon venir à une manifestation avec des lunettes de piscine et du sérum physiologique.

Le pouvoir craint donc pour la République. Une façon de dire qu'il craint que le système s'effondre. Pour éviter cela, il faut réprimer fortement, mais en évitant un événement dramatique (comme la mort de Malik Oussekine qui avait déclenché une manifestation massive). Car la violence entraine la violence.

Pour samedi prochain, l'Elysée a prévenu, faisant passer des messages à la presse : il anticipe "un noyau dur de plusieurs milliers de personnes" qui viendraient à Paris "pour casser et pour tuer". Diable !

Le Canard Enchaîné, racontait pour sa part mercredi que plusieurs policiers avaient été sur le point de "défourailler", c'est à dire sortir leur arme de service, pour se défendre samedi 1er décembre. La grosse bavure n'était donc pas très loin la semaine dernière. Qu'en sera-t-il samedi prochain ? Le cercle de la violence pousse l'exécutif a annoncer des mesures exceptionnelles, notamment un renforcement du nombre de forces de l'ordre (en plus des 65.000 déjà déployées en France). L'arrivée dans paris de véhicules blindés de la gendarmerie est envisagée. Selon Le Parisien, "la préfecture de police de Paris va mettre en place un pôle judiciaire, susceptible de traiter en temps réel 600 à 800 interpellations". La force sentinelle (l'armée) pourrait être utilisée pour protéger les bâtiments publics...

Le bâton et les quelques carottes suffiront-ils à calmer les esprits échauffés par un profond sentiment d'injustice sociale ? Rien n'est moins sûr car les deux camps continuent d'évoluer dans des dimensions qui n'envisagent pas la possibilité de l'existence de l'une ou de l'autre.

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