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Édito
par drapher

Le long sanglot profiteur du Hulot des bois

(pris à son propre piège)

La démission du Hulot des bois est très intéressante à plusieurs titres. L'un d'eux est la démonstration brutale que ceux qui sont censés résoudre les problèmes en sont la cause.

Tweet de Ouest France pendant l'interview-démission de Hulot sur France Inter ce 28 août 2018 - Twitter

Hulot a été « émouvant ». Sa démission en direct ce mardi 28 août 2018 est un « coup de tonnerre », un « avertissement » à tous, un acte de responsabilité qui devrait « nous ouvrir les yeux » sur la terrible voie dans laquelle nous sommes engagés. Car c’est « la fin du monde si on continue à ne pas faire assez pour le sauver » qui nous a été annoncée par le ministre de l’écologie. Un monde qu’il a tenté de protéger en vain, selon lui, durant plus d’un an, et qui — malgré la profonde admiration qu’il a pour Emmanuel Macron et Edouard Philippe, renouvelée en direct sur Inter — n’a pas pu l’être. C'est triste. Et émouvant à la fois.

L’ex présentateur de TF1 sponsorisé par Rhône-Poulenc, bénéficiaire des royalties de la marque de shampoings « Ushuaia » via une société conseil, Eole — shampoings réputés pour leurs perturbateurs endocriniens et dont les flacons plastiques encombrent les océans (mais aussi président de sa fondation de protection de l’environnement subventionnée par EDF, Veolia et Vinci), a fait des constats terribles en direct sur « l’incompatibilité entre le système libéral et l’arrêt de la destruction de la planète ».

"En 1992, ce deal juteux lui rapportait déjà 113.000 euros. A partir des années 2000, Eole Conseil a dégagé entre 480.000 et 715.000 euros de chiffre d'affaire par an. Une machine à cash pour l'écolo. Seul salarié, Hulot en possède 99,9% des parts."

Un éclairage politico-économique que les auditeurs de la chaîne publique n’avaient pas envisagé jusque là et qui les a illuminés par la grâce des paroles anti-capitalistes du défenseur préféré des Français de l’écologie. L’un des éléments clef générateur de ce long sanglot [profiteur] d’impuissance du Hulot des bois sur France Inter, semble avoir été — entre autres — la présence d’un lobbyiste lors de la réunion sur la chasse, la veille à l’Elysée. Il est vrai que devoir discuter de la régulation des tontons flingueurs des campagnes avec un vendeur d’armes est un peu… surréaliste. Surtout quand la conclusion de cet échange offre l’opportunité au patron de la France d’annoncer qu’il va baisser le prix du permis de chasse de moitié. Avec plus de 60 espèces d’oiseaux autorisés à se faire descendre en France (dont un tiers sont en extinction) contre 14 seulement en moyenne en Europe, la décision jupiterienne laisse songeur…

Sur les 64 espèces d’oiseaux chassables, 20 sont placées sur la liste rouge de l’Union internationale de la protection de la nature. [Le Parisien]

Mais le fond de l’affaire [médiatique] du Hulot des bois — redevenu sauvage après 13 mois de captivité dans un gouvernement « ni gauche ni droite », gouvernement qui « n’aurait pas le pouvoir » selon lui — n’est pas réductible à ces simples constats de bon sens, déroulés pour une fois sans filtre, par l’homme qui possède 6 voitures thermiques émettrices de gaz à effet de serre et un bateau. Non, le fond de l’affaire est probablement plus obscur et surtout bien plus trivial.

Prendre d’une main ce que tu as donné de l’autre

Hulot s’est gavé financièrement et médiatiquement depuis 30 ans grâce à des survols en hélicoptère de paysages naturels magnifiques avec un discours marketing binaire et neuneu de protection environnementale formaté pour les amateurs de carte postale. Le business de ce journaliste — soutenu en haut lieu dans la plus grande chaîne de télé d’Europe — a été juteux, puisqu’il a pu allier en même temps, la défense de l’environnement et participer à sa destruction par des contrats juteux avec des multinationales. Gagner beaucoup d’argent en vendant des produits dérivés polluants censés représenter la défense de la nature, il fallait y penser. Mais à l’époque, personne n’y voyait que du feu, puisque la planète n’a commencé à devenir un véritable enjeu du point de vue écologique qu’il y a très peu de temps. Tant que la menace planétaire n’était due qu’aux «gaz à effet de serre causant un probable réchauffement futur, à diminuer en manipulant massivement des bourses carbone — tout en évitant de comptabiliser tous les secteurs causant les dits rejets » — les profiteurs de la défense de l’environnement jouaient sur du velours.

Mais il y a peu, une conjoncture d’études scientifiques, de rapports et de constats alarmants sont venus quelque peu remonter le niveau de conscience du danger à venir. 80% des insectes ont disparu en 30 ans en Europe. Un tiers des oiseaux en France en 20 ans. Les pesticides ne sont désormais plus bénéfiques mais causent « probablement » des cancers, les océans sont bourrés de micro plastiques que les (derniers) poissons et crustacés ingèrent tout comme les humains qui les savourent. L’effondrement de la biosphère est désormais acté, visible et s’accélère. Pas seulement durant un été comme c’est le cas avec le réchauffement climatique. Défendre les énergies vertes à tout crin ne va rien changer au désastre en cours. Changer les types de véhicules non plus. Déclarer que 50% de l’alimentation des cantines scolaires sera « bio » sous quelques années alors qu’en même temps on supprime les aides à cette agriculture, est une farce.

Préserver son business et donner le change avant la fin annoncée

En réalité, le long sanglot du Hulot n’est rien d’autre que la fuite d’un profiteur embarqué au sein d’un gouvernement de profiteurs, qui sait que son image ne s’en remettra pas (tout comme son business à terme) s’il continue à jouer à l’imbécile avec eux. Hulot sait très bien que l’affaire est pliée, qu’il n’y aura aucun sursaut, avec lui ou sans lui, maintenant que tout le monde est au courant que le problème n’est plus de simplement de moins consommer d’énergie et de réduire nos rejets de CO2. Hulot aurait bien voulu donner l’illusion qu’il était possible de « faire des choses écologiques » pour continuer à donner le change et assurer le « verdissement » d’une politique macronienne entièrement vouée à la finance qui tente d’engranger les derniers maxi-profits possibles avant l’écroulement final. Il n’y est pas arrivé. Avec toute sa bonne volonté de chef d’entreprise spécialiste en green-washing Hulot a échoué à convaincre ses camarades d’essayer d’au moins donner le change : leurs vassalisation est telle, qu’ils n’ont rien voulu entendre, trop affairés à donner des garanties aux groupes de pressions économiques, multinationales et autres fonds d’investissements.

Découvrir, en tant que ministre d’un pays dont le président est un ex-banquier d'affaires, que le système capitaliste, productiviste, mondialisé et financiarisé est le problème à résoudre pour empêcher l’écroulement écologique de la planète entière, tient plus de la comédie qu’autre chose. Surtout quand on est soi-même l’un des acteurs de cette économie et que l’on perçoit des centaines de milliers d’euros du fruit de cette financiarisation, chaque année. Hulot « le profiteur » a donc fui le bateau de profiteurs en train de couler et va certainement tenter de se refaire une image de militant écolo anti-mondialisation. Il irait bien chez la France insoumise, si c’était possible, le Hulot des bois, mais il y a une limite à tout. Disons que la seule bonne chose qu’a faite notre ministre démissionnaire c’est de renvoyer une réalité à la face de tout le monde : il n’y a pas d’issue à la destruction en cours des écosystèmes, à la pollution mortelle des océans, des terres et de l’air. L’humanité va à sa perte de manière accélérée et personne ne freinera ce mouvement systémique : que ce soit du côté des gouvernements, des entreprises, ou des populations.

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