Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par drapher

Démocratie fissurée : chroniques d’un mauvais élève de la République (Fin)

De Sarkozy à la disruption panoptique : tous aux abris

Si les attentats du 11 septembre 2001 sont un tournant mondial qui affecte toutes les sociétés et font basculer le monde dans une dystopie de classe internationale, en France, 6 ans plus tard, le mandat de Sarkozy est une apocalypse majeure : plus rien ne sera comme avant. Même — et surtout — la culture. Depuis cette époque, le pays des lumières est vraiment devenu celui des hypermarchés et des racistes décomplexés.

Le "digital" c'est chouette…

Je me rappelle l’avoir vu raconter n’importe quoi et déformer les chiffres sur un plateau de télévision en 2007 pour énerver la marquise socialiste Ségolène, son adversaire du deuxième tour de la présidentielle. Il était la caricature du petit mafieux politicien arrogant, bourré de tics à force de snifer trop de coke dans ses soirées échangistes. Un Trump avant l’heure, ce Sarkozy. Le populiste qui aspire l’électorat d’extrême droite et applique leur politique sans vergogne, avec comme seul objectif sa réélection pour continuer d’arroser tous ses potes placés un peu partout, que ce soit dans le « public » ou dans le privé. Ce type a été éduqué avec un poste de tv : il est une caricature de beauf inculte, vulgaire et méprisant, un arriviste sans scrupules qui ment comme il respire et utilise l’appareil d’Etat pour ses propres intérêts. Sans même s’en cacher vraiment. Je suis sur le cul. Et ça ne va pas s’arranger. Sarko était pote avec Berlusconi : on comprend pourquoi.

Évènement dystopique majeur : ON
Évènement dystopique majeur : ON

2007-2012 : au secours, je voudrais descendre de là


 Ce quinquennat Sarkozy est celui de tous les excès réactionnaires doublés de la mise en place d’un Etat policier, intrusif et paranoïaque, au service des grands comptes de l’économie mafieuse internationale : Sarkozy applique ce que ses amis chefs d’Etat en Afrique de l’Ouest font depuis des décennies, une politique de dictateur de république bananière. Avec cette petite touche française du type qui vend quand même la « grandeur culturelle » de son pays un peu partout  en sachant que son pays possède surtout la bombe et siège pour ça au Conseil de sécurité du « machin » à la botte des génocidaires d’outre-atlantique.

Ah la grandeur de la France !
Ah la grandeur de la France !

En France les Arabes rasent les murs, la peur du flic s’est généralisée, et l’on se demande (pour ceux qui n’ont pas voté pour lui ou pas voté du tout) jusqu’où ce type va aller dans sa passion pour les actes autoritaires et les discours clivants et paranoïaques. La société change, par force, sous Sarkozy. Le racisme  décomplexé apparaît, la vulgate populaire devient une sorte de deuxième pouvoir à consulter pour Sarkozy qui commande sondages sur sondages pour être bien certain d’aller là où son électorat néo-fasciste le souhaite. Les hypermarchés poussent comme les cèpes à l’automne… 
 A cette même période, le premier smartphone apparaît, suivi peu de temps après de sa version tablette. Le bling-bling du président se démocratise : la majorité de la population peut enfin s’identifier concrètement à ses modèles « vu à la tévé », les héros des soap chefs d’entreprises, les gagnants du monde néo-libéral, ce monde où « quant tu veux tu peux ». Dans la réalité, la crise financière est venue s’écraser sur le monde capitaliste et ça couine dans les gratte-ciel. Dans les usines on licencie. Mais qu’importe : les téléréalités ont remplacé les émissions culturelles et regarder une bande de beaufs coincés sur une île du pacifique se démener pendant des semaines pour gagner sa nourriture est plus intéressant qu’aller à des concerts. Oui, mais quels concerts ? De la soupe pop sans saveur, des chansons narcissiques, des reprises mal foutues ?

Pour mémoire, voilà comment se sont construits plein de jeunes gens disruptifs d'aujourd"hui.
Pour mémoire, voilà comment se sont construits plein de jeunes gens disruptifs d'aujourd"hui.

Hadopi est inventée et avec elle le concept de la culture-marchandise sous fliquage numérique : il fallait y penser. Le cinéma continue de faire du pognon avec des blockbuster plus ou moins réussis dans leur genre et ils sont américains puisque les réalisateurs français persistent à sortir ou des comédies potaches nostalgiques ou des histoires de prises de tête sentimentales à 4 dans une cuisine. Mais avec une piscine dehors et des téléphones portables. En 2010, « Collateral murder » est diffusé, Wikileaks et son fondateur, Julian Assange mettent une claque à toute la technocratie mondialisée : plus rien ne sera comme avant. 


A la fin, les gentils perdent


 Cette époque est tellement foisonnante d’événements uniques en leur genre, de changements massifs, d’évolutions colossales qu’il faudrait un bouquin entier pour en parler. Obama est élu en 2008, il est le premier président afro-américain à accéder à ce poste. Tout le monde est ému, croit en un monde meilleur, le type est classe, sa femme encore plus, ils sont intelligents, ils ont l’air bons et gentils à la fois, Démocrates, bref : l’opposé de Bush ou de Sarko-Berlusconi à la tête de la nation phare du monde libre capitaliste, c’est la garantie qu’on va aller vers du vraiment mieux. Et en fait, non. Mais alors, pas du tout. Très vite, Obama se révèle être un super communiquant, vraiment sympa, mais qui conserve toute l’équipe de faucons de Bush Junior autour de lui et commande des assassinats depuis son bureau, chaque semaine. Guantanamo n’est pas fermée. Les saloperies continuent de plus belle en Afghanistan, en Irak, et si ce n’est le grand plan de sécurité sociale qu’il mettra deux mandats à faire passer, Obama reste un président américain dans la parfaite lignée de ses prédécesseurs : libéral en diable, défenseur des pires pratiques de son administration, impérialiste et à la solde du lobby militaro-industriel. Le cas Snowden en 2013 à la suite de celui d’Assange en 2010 sont révélateurs de la vision politique d’Obama : la fin justifie les moyens. 

Oui, quelques années plus tard, le génie technologique député du pouvoir en place c'est lui…
Oui, quelques années plus tard, le génie technologique député du pouvoir en place c'est lui…

 Révolutions arabes, mouvement des indignés en Espagne, Occupy Wall Street aux Etats-Unis, la tournure contestataire mondiale est très intéressante à cette époque. Reflets, créé fin 2010 s’en fait l’écho. La Libye se fait bombarder par Sarkozy, Kadhafi est flingué, Ben Laden aussi et Assad envoie ses soldats réprimer les manifestants. En Syrie, très vite, l’affaire prend une tournure militaire de manipulations extérieures avec l’Arabie Saoudite et son ennemi juré le Qatar aux manettes. C’est le bordel le plus complet partout au Proche-orient, et en France, on regarde Hanouna tout en se demandant s’il faut ou non livrer des armes aux « rebelles » syriens qui deviendront des djihadistes sanguinaires deux ans plus tard. Ce pays est décidément complètement attardé et bourré de gens incompétents à l’arrogance crasse. Je décide de construire une maison bio-climatique autonome au solaire avec ma compagne et me demande combien de temps il va s’écouler avant que le grand écroulement ne survienne, à défaut du grand remplacement fantasmé par les nazillons identitaires qui fleurissent sur la toile. Je n’arrive plus à écouter de musique, chaque film au cinéma me déçoit, les restaurants ne savent plus cuisiner, les gens sont moches et idiots : je dois vieillir, forcément. Et Hollande se fait élire contre toute attente en mai 2012. Le gros abruti n’en revient pas lui-même, on dirait une poule qui a trouvé un cure-dent… 


Et la disruption arrive avec ses hypsters et le grand cirque du digital


 De 2012 à 2014 c’est là que se construit le plan de l’enfermement dans le "monde du doigt", celui qui a cours aujourd’hui : Twitter commence à devenir la référence de la presse, Facebook dépasse le milliard d’utilisateurs et entame sa campagne de recrutement globale de tout ce qui peut se compter de narcisses mondialisés : la mode du selfie devient un art de vivre pour dépressifs compulsifs, la capacité de raisonnement et d’empathie d’un bon quart des français commence à devenir similaire à celle d’Hanouna — toujours lui. Les émissions débiles à base de « clash » qui font le « buzz » fleurissent, l’arène numérique disruptive se met en place et les grandes entreprises « collaboratives » déboulent : Uber, AirbnB en tête. 

Et voilà le travail…
Et voilà le travail…

 En 2015, tout le monde parle de disruption pendant que Hollande continue à parler de son inversion de courbe dont tout le monde se fout puisqu’il a déjà filé 40 milliards par an au privé avec le CICE et un autre plan bidon d'économie de l'offre, tout en fermant le robinet des dépenses publiques. Le type parvient à un tour de force : faire une politique de droite basée sur l’austérité tout en criant partout qu’il est de gauche, en paupérisant au maximum les classes les plus populaires et en appliquant avec méthode toutes les demandes ultra libérales de Bruxelles. Plus une bonne dose d’extrême droite pour les libertés publiques avec Bernard et Manuel. Jusqu’à faire casser en partie le code du travail par l’entremise d’une ministre au nom arabe mais sous les ordres de son petit génie de ministre de l’économie : Emmanuel Macron. Pendant ce temps là des créatures tout droit sorties de l’enfer de la variété et de la pop musique en mode recyclage, viennent baver des textes sans aucun sens sur des arrangements qu’un ambulancier en manque de coke aurait pu faire. Ou a fait. On ne sait même plus.  
 Je me demande si tout ça n’est pas seulement un mauvais cauchemar et tente de me réveiller. Rien à faire, tout ça semble être le quotidien, celui appelé « réalité ». Un truc de dingues quand on y pense. On dirait presque un roman de Philippe K. Dick. 


Si à 50 piges tu fais pas de l'IA, t'as raté ta vie

De fin 2016 à aujourd’hui, plus rien ne semble vraiment compter, tout est possible : Donald est propulsé à la Maison Blanche par la grâce du neuromarketing, Macron bouffe le cul de Fillon sous les applaudissements des patrons d’instituts de sondage et de la presse, et au final près de 40 millions de Français errent sur Facebook tandis qu’une quinzaine d’autres, hypnotisés par Twitter surveille les polémiques en hurlant son mécontentement en 280 caractères. Mastodon est sous contrôle des admins d’instance, avec une liberté dans le « safe et l’inclusif » qui tend vers l’Union soviétique et est aussi sympa à fréquenter que pour une femme, fréquenter un hackerspace tenu par des geeks en manque de rapports sexuels.

Après 2015, tout le monde est devenu vieux, même les super-héros
Après 2015, tout le monde est devenu vieux, même les super-héros
  Au cinéma, ils ont tué Wolverine. Le glyphosate n’est toujours pas interdit. Le néo-fascisme de La République en Marche transpire de partout dans les médias tandis que le démontage du modèle social s’opère à marche forcée. Le jeune président comédien continue à jouer son rôle de Poutine français avec vernis de culture pour soirées bourgeoises. La majorité des pré-ados mate du porno sur des smartphones que leurs parents leur achètent compulsivement à grands coups de crédits à la consommation pour ne pas les « isoler socialement ». Les fellations collectives se répandent dans les toilettes des collèges pendant que le bon peuple continue à plébisciter « The Island » pour encourager des concurrents à survivre dans des conditions équivalentes à celles des migrants qui traversent la Méditerranée — tout en mangeant des produits gras bourrés d’agents chimiques cancérigènes et en pestant sur « la vie chère ». 
 En 2018 on a les loisirs, le gouvernement, la société qu’on mérite… et la qualité de réflexion collective qui va avec. Le web pue des pieds.  Le rock est mort. Je me planque dans des recoins du net et lis des livres papiers en écoutant de la musique qui a plus de 30 ans. Je suis vieux. J’attends l’IA de pied ferme, comme d’autres la fin du monde. Bientôt, je me casse de ce pays. Au moins l’hiver.

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