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par Antoine Champagne - kitetoa

A chacun ses combats juridiques...

La CEDH rend une décision historique tout comme les représentants américains

La CEDH vient de reconnaître dans deux arrêts la responsabilité de la CIA dans des actes de torture. Les Représentants s'opposent à une guerre contre l'Iran. En France, Myriam Quéméner obtient satisfaction pour la deuxième fois dans sa lutte contre Bluetouff, le dangereux co-fondateur de Reflets...

Couverture du rapport de l'Open Society Justice Initiative sur la CIA et la torture - Copie d'écran - CC

Deux arrêts rendus le 31 mai dernier par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) sont passés un peu inaperçus. Pourtant il y avait une actualité à laquelle les relier. Dans une affaire contre la Pologne et une autre contre la Lituanie, la Cour reconnaît que la CIA a joué un rôle dans la torture de civils, dans le cadre de son combat contre le terrorisme et que certains Etats européens, dont les deux cités précédemment, ont joué un rôle facilitateur. Cela tombe à point, au moment où les Etats-Unis nomment à la tête de l'agence de renseignement extérieur Gina Haspel, qui gérait une prison occulte pratiquant la torture en 2002.

Dans son arrêt sur la Roumanie, la Cour revient sur le "extraordinary rendition program" (programme d'extraditions extraordinaires) des Etats-Unis qui ont mené à des cas de torture validés par l'Administration Bush. Et elle estime que :

"Following an extensive and detailed analysis of the evidence in the present case, the Court has established conclusively and beyond reasonable doubt that Romania hosted CIA Detention Site Black from 22 September 2003 to 5 November 2005; that the applicant was secretly detained there from 12 April 2004 to 6 October 2005, or, at the latest, to 5 November 2005; that Romania knew of the nature and purposes of the CIA’s activities in its country and cooperated in the execution of the HVD Programme; and that Romania knew that, by enabling the CIA to detain terrorist suspects on its territory, it was exposing them to a serious risk of treatment contrary to the Convention"

En ce qui concerne l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants", la Cour estime que la Roumanie n'a pas agi contre un programme dont elle savait qu'il comportait des risques pour les personnes qui y étaient soumis et a même apporté son aide.

"Romania was required to take measures designed to ensure that individuals within its jurisdiction were not subjected to torture or inhuman or degrading treatment or punishment, including ill-treatment administered by private individuals (see paragraph 668 above). Notwithstanding the above Convention obligation, Romania, for all practical purposes, facilitated the whole process of the operation of the HVD Programme on its territory, created the conditions for it to happen and made no attempt to prevent it from occurring.

Deux pays qui ont apporté une aide au programme de la CIA

Dans son arrêt sur la Lituanie, la Cour estime que la Lituanie était au courant de la présence sur son sol d'un centre de détention de la CIA:

"the Court has considered all the evidence in its possession and the various related circumstances referred to above. Having regard to all these elements taken as a whole, the Court finds that the Lithuania authorities knew that the CIA operated, on Lithuanian territory, a detention facility for the purposes of secretly detaining and interrogating terrorist suspects captured within the “war on terror” operation by the US authorities."

"The Court accordingly finds it established beyond reasonable doubt that: (a) the Lithuanian authorities knew of the nature and purposes of the CIA’s activities on its territory at the material time; (b) the Lithuanian authorities, by approving the hosting of the CIA Detention Site Violet, enabling the CIA to use its airspace and airports and to disguise the movements of rendition aircraft, providing logistics and services, securing the premises for the CIA and transportation of the CIA teams with detainees on land, cooperated in the preparation and execution of the CIA rendition, secret detention and interrogation operations on its territory; and (c) given their knowledge of the nature and purposes of the CIA’s activities on their territory and their involvement in the execution of that programme, the Lithuanian authorities knew that, by enabling the CIA to detain terrorist suspects – including the applicant – on their territory, they were exposing them to a serious risk of treatment contrary to the Convention.

Ce sont désormais cinq Etats européens qui ont été reconnus coupables par la CEDH pour leur participation au programme de torture des Etats-Unis : Macédoine, Italie, Pologne, Lituanie, Roumanie. Toutes décisions qui ne font ni chaud ni froid aux présidents Américains ayant succédé à George Bush, y compris Barack Obama qui s'est refusé à toute poursuite de l'Administration précédente. Les membres les plus impliqués dans le programme continuent d'ailleurs de faire ouvertement (premier amendement sur liberté d'expression oblige) la promotion de ces techniques d'interrogatoires "avancés". En d'autres termes, de torture.

Aux Etats-Unis, ce sont les représentants qui ont poussé un combat sur le plan législatif en introduisant un amendement au National Defense Authorization Act of 2019 (H.R. 5515) interdisant de partir en guerre contre l'Iran. Une façon pour le Congrès (si le Sénat le maintient) de reprendre la main sur les autorisations de déclenchement de guerres. Emmanuel Macron ne risque pas grand chose de son côté dans ce domaine, le Parlement français étant totalement démissionnaire sur les guerres déclenchées par les présidents Français. Il n'est même pas capable de déclencher des enquêtes parlementaires. C'est la commission des affaires étrangères du parlement britannique qui s'est chargée d'en déclencher une sur la guerre en Lybie, décidée par Nicolas Sarkozy.

Meanwhile, in France...

Pendant ce temps-là, en France, Myriam Quéméner remportait sa deuxième victoire contre Bluetouff, le co-fondateur de Reflets. Deux procès hauts en couleurs et d'une importance vitale. Dans les deux cas, il n'y avait pas de partie civile, pas de victime, et dans les deux cas, Bluetouff avait été relaxé en première instance. Le parquet, plus précisément Myriam Quéméner, avait fait appel de ces décisions.

Voilà donc Bluetouff, ce dangereux énergumène, condamné pour le téléchargement de données de l'ANSES déposées dans un répertoire public, archivé par Google, sans protection aucune. Et pour diffusion de code sous forme de proof of concept accompagnant un article mettant en garde contre une technique de DDoS.

On a les combats que l'on peut...

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