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par Antoine Champagne - kitetoa

Alerte : les rouges ont pris le pouvoir partout

Voilà une chronique qui ne devrait pas passer inaperçue. Dans Le Monde daté du 10 septembre, Arnaud Leparmentier publie « Chiffons rouges » sociaux. D’inspiration ultra-libérale, ce texte appelle à une libéralisation forte du marché du travail, laissant tout le loisir aux entreprises de licencier sans risquer de soucis avec les tribunaux, dans l’espoir que le marché du travail redevienne fluide. Sur le mode « on perd son travail, mais on en retrouve un aussitôt ».

Voilà une chronique qui ne devrait pas passer inaperçue. Dans Le Monde daté du 10 septembre, Arnaud Leparmentier publie « Chiffons rouges » sociaux. D’inspiration ultra-libérale, ce texte appelle à une libéralisation forte du marché du travail, laissant tout le loisir aux entreprises de licencier sans risquer de soucis avec les tribunaux, dans l’espoir que le marché du travail redevienne fluide. Sur le mode « on perd son travail, mais on en retrouve un aussitôt ». En route donc pour une profonde modification du code du travail, si ces socialo-communistes qui nous gouvernent veulent bien, enfin, prendre les décisions qui s’imposent. Il faut « passer en force. Courageusement ». Les exemples, selon Arnaud Leparmentier, ne manquent pas de décideurs ayant suivi cette voie avec un résultat, toujours selon Arnaud Leparmentier, extrêmement positif. Son ainsi cités Gerhard Schröder, Peter Hartz, Matteo Renzi, Mariano Rajoy.

Le journaliste éco du Monde énonce ensuite les « chiffons rouges » français auxquels il faudrait s’attaquer d’urgence. En vrac, un smic trop élevé, des salaires qui progressent trop, des prud’hommes lents et imprévisibles, une Cour de cassation « rouge », une formation professionnelle gaspillée, des indemnités chômage trop longues.

C’est une évidence, avec un smic à un peu plus de 1000 euros, des indemnités de chômage qui s’étalent sur près de deux ans, tous ces profiteurs plombent l’économie de la France. On ne parle même pas (tiens, pourquoi ?) des remboursements de sécurité sociale qui permettent aux assistés de végéter dans leur position de profiteurs ? Si les soins médicaux étaient à leurs frais, il est certain que :

  • le trou de la sécu serait bien moindre.
  • Ils ne consulteraient pas à tort et à travers et garderaient leurs caries un peu plus longtemps.

Captain Obvious…

D'autres pistes, peut-être ?

Curieusement, Arnaud Leparmentier n’évoque pas les pistes de réflexion des économistes atterrés (encore des « rouges », sans doute). Et c’est dommage. Car leur « Nouveau Manifeste » (Edition les liens qui libèrent, 10 euros) regorge de pistes de réflexions et d’analyse de notre société.

« Notre rôle d’économistes critiques est de montrer que la société peut refuser de se laisser imposer les lois supposées du marché et choisir de définir elle-même les conditions de son bien-être. Le défi écologique peut nous mener vers une société plus sobre, plus égalitaire au lieu de renforcer les inégalités de niveaux de vie. La retraite peut être gérée socialement plutôt que confiée à des fonds de pension. La fiscalité peut réduire les inégalités de revenus ou de patrimoines, et non les conforter ou les accroître. […] L’entreprise peut être conçue comme une institution collective plutôt que réduite à la propriété du chef d’entreprise ou des actionnaires. Nous pensons que la société a le pouvoir de délibérer et de choisir démocratiquement. Notre deuxième conviction est que la démocratie est inséparable de l’égalité. Le marché est le royaume des inégalités. La firme actionnariale fait primer le principe « une action, une voix ». La démocratie repose, à l’inverse, sur un principe d’égalité, où chacun compte pour un. »

En continuant de demander toujours plus pour les entreprises, Arnaud Leparmentier creuse un sillon ultra-libéral dangereux, pour son propre camp.

Passons sur le fait qu’avoir des idées affirmées ultra-libérale en 2015 revient à peu près à avoir les convictions politiques et géopolitiques de George Bush en 2015. Ce qui est plus grave est que la situation sociale mondiale est telle que le jour où les masses de « profiteurs rouges » auront vu comment vivent les 1%, ils descendront dans la rue pour leur couper la tête comme en 1789. Mêmes causes, mêmes effets. C’est probablement parce que les smicards n’ont pas d’idée précise de la manière dont vivent les 1% qui les gouvernent qu’ils n’ont pas encore pris les armes.

Pragmatiques, les économistes atterrés soulignent que le système social français et son système public de formation est bénéfique pour les entreprises. « bénéficiant de travailleurs formés et en bonne santé, d’infrastructures publiques de qualité , les entreprises profitent largement de l’action publique ». Et de donner quelques pistes sur ce point : « Les libéraux insistent pour que la dépense publique soit évaluée. Nous y sommes favorables : les aides aux entreprises sont aujourd’hui colossales et l’efficacité de certaines (le crédit d’impôt pour les dépenses de recherche, les exonérations généralisées sur les bas salaires) est clairement sujette à caution. Il faut un audit des aides aux entreprises pour vérifier leur efficacité ».

Le chapitre sur la dette publique est également intéressant. Là où les libéraux nous prédisent le pire et annoncent une dette de 29.000 euros par personne en France, les économistes atterrés rappellent que l’endettement public est moindre que celui du secteur privé. En outre, la dette servie comme épouvantail par les libéraux est un chiffre brut qui ne prend pas en compte les actifs réels de l’Etat. Avec eux, le solde était positif de 326 milliards d’euros fin 2012.

A l’heure où les pays européens reviennent sur la libre circulation des personnes, les économistes atterrés proposent de revenir sur la libre circulation des capitaux. Une idée qui plairait sans aucun doute à Arnaud Leparmentier.

 

 

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