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par drapher

Accaparement de terres agricoles en France : quel est le plan des Chinois ?

Source : societe.com Si Marc Fressange est directeur général de la Holding et gérant de toutes les structures SCEA/GFA, le PDG de Hong Yang, Monsieur Kequin Hu est lui Président de la holding et actionnaire majoritaire de toutes les structures agricoles, avec Beijin Reward International dans 3 d'entre elles. Hong Yang et Beinjing international sont donc les propriétaires de ce consortium agricole.

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Tiens, la plus grande usine à lait infantile d'Europe a été construite en 2015 en Bretagne par un investisseur chinois…

(Partie 2)

Le procédé et les acteurs des rachats de terres agricoles décrits dans le premier article, permettent de comprendre le "comment" de cette opération orchestrée par un entrepreneur français installé en Chine et les dirigeants de 2 multinationales chinoises. Reste le "pourquoi", et ce qui pourrait survenir dans un futur plus ou moins proche.

Photo finale du consortium agricole chinois ?

Les investisseurs chinois, M. Keqin Hu de la multinationale honkongaise Hong Yang en tête, étaient actionnaires de 6 sociétés d'exploitation agricole (SCEA), de 2 groupements fonciers agricoles, et d'une holding, jusqu'à que de nouveaux rachats effectués en 2016 n'apparaissent dans les registres du greffe des entreprises. Il y a désormais 7 SCEA. Pour compléter la photographie de l'édifice agricole de ces investisseurs industriels, un tour rapide des structures qui n'ont pas été détaillées dans l'épisode 1 semble intéressant.

Après Chambrisse à 4 millions d'euros, ou Le Grand Méee à 250 000 euros, La SCEA de la Tournancière n'a pas coûté très cher à Hong Yang (15 000€), et elle conserve ses anciens actionnaires avec une poignée de parts sociales, bien entendu :

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Cette SCEA est à l'origine dans l'Indre, elle est basculée en Normandie, toujours à la même adresse que les autres. Son nouveau gérant est toujours Fressange (allié à l'ancien gérant qui reste), et la représentante de Hong Yang qui signe le rachat, est comme d'habitude l'épouse de M. Fressange, madame Wang, .

Vient ensuite la SCEA du Grand Saulay, avec un patrimoine de 104 hectares de prés, taillis et terres, rachetée pour 10 000 euros en juin dernier, (plus des sommes de 30 000 et 60 000 euros séquestrées) par Beijing Reward International. Ce qui fait que cette multinationale du lait en poudre est désormais la propriétaire de trois SCEA ayant des terres à pâturages, comme nous le verrons plus tard. Avec le Grand Saulay, c'est 108 hectares de plus qui tombent dans l'escarcelle des multinationales.

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Une acquisition à peu de frais : 100 000 € pour 104 hectares, même si tout n'est pas en pâturages ou terres, le prix à l'hectare est ici à 1000€. Difficile de faire moins cher…

La SCEA des Plaines à blé a été rachetée par Hong Yang au tout début de l'opération globale, en juin 2014. Elle comporte des bâtiments agricoles et des terres : 102 hectares. Elle n'est pas située dans l'Indre, mais dans le département de la Charente (sud ouest). L'acquisition s'est faite pour la somme de 280 000 €, soit 2745€ l'hectare. Une fois de plus, c'est une très bonne affaire.

plaine-a-ble
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La toute récente acquisition de Fressange, Hu et consors, en 2016 est intéressante à plusieurs titres. En premier lieu elle contredit totalement la déclaration du ministre de l'agriculture qui — répondant à une question en mai dernier au sujet de ces rachats— a expliqué doctement que "Nous avons fait voter une loi, la loi d’avenir agricole, dans laquelle nous avons renforcé les critères, et surtout la capacité des SAFER à préempter. J’ai bien regardé le dossier. Tout cela s’est passé entre 2013 et 2015, avant la mise en œuvre du décret d’application de la loi, le 1er janvier 2016. Il a pu ainsi être acheté 1700 hectares sans que personne n’ait été au courant des transactions, pas même le président de l’APCA, Guy Vasseur, qui est lui-même de cette région et de ce département, avec qui j’ai déjeuné hier".

L'opération à 942 000 € qui a permis au groupe Beijing Reward International (associé à Hong Yang) de devenir propriétaire à 99% de la SCEA la Bergerie (encore) dans l'Indre, dément cette assertion. Personne ne semble en avoir entendu parler, selon nos sources, et la Safer — si elle a été mise au courant — a laissé l'opération se faire. Chinois : 1 Le Foll : 0.

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Cette SCEA est à la tête de matériels et de 138 hectares de terres agricoles. Une exploitation complète.

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terres-bergerie
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Restent les 2 GFA (et la holding). La GFA Laporte a été rachetée par le PDG de Hong Hyang à son nom et celui d'une Chinoise, Mme Dong. en janvier 2016, et possède 114 hectares de terres. Le montant de la transaction ? 8280 €, plus le remboursement de divers emprunts frôlant les 500 000€. Le deuxième GFA de Kluiskade a été acheté lui en septembre 2015, toujours par M. Hu et Madame Dong.

Vision d'ensemble…

Pour visualiser le petit empire agricole de plus de 1500 hectares de terres, constitué de 8 sociétés d'exploitation agricole, deux groupements fonciers agricoles et une holding, le plus simple est de "demander" le gérant/directeur permanent de toutes ces structures : Marc Fressange. Ce qui donne ça :

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Source : societe.com

Si Marc Fressange est directeur général de la Holding et gérant de toutes les structures SCEA/GFA, le PDG de Hong Yang, Monsieur Kequin Hu est lui Président de la holding et actionnaire majoritaire de toutes les structures agricoles, avec Beijin Reward International dans 3 d'entre elles. Hong Yang et Beinjing international sont donc les propriétaires de ce consortium agricole.

Un paysan à la retraite de l'Indre, habitant très près de l'une des exploitation, joint par téléphone, se fait l'écho des rumeurs et inquiétudes qui circulent dans la région : "On craint tous que ce soit une ferme des 1000 vaches qu'ils veulent faire".  Et c'est bien là le sujet…

Les super fermes des mille vaches chinoise qui fournissent la super usine chinoise géante à lait ?

L'ouverture de l'usine géante de lait en poudre,  à Carhaix en Bretagne, a fait l'objet d'un article du Monde Diplomatique il y a un an, intitulé "Razzia chinoise sur le lait". Un article où l'on apprend que cette usine est "Financée par un industriel du Shandong, et [qu'elle] vise à répondre aux besoins des Chinois, qui n’ont d’yeux que pour le lait importé depuis le scandale de la mélamine, en 2008."

Pour fournir une usine de lait en poudre, il faut des vaches, et dans le cadre de la production industrielle, de beaucoup de nourriture : les vaches ne mangent pas l'herbe des prés dans ces fermes- usines. Un industriel chinois spécialisé dans le lait en poudre s'est donc allié avec un autre industriel chinois pour acheter près de 2000 hectares de terrains, avec des bâtiments agricoles, des outils, machines, etc.

L'usine à lait en poudre bretonne est spécialisée dans l'export vers la Chine de ses produits. Le multi-gérant Marc Fressange a un réseau de magasins spécialisés dans la vente de produits agro-alimentaires français. Et tout ce petit monde aurait investi plus de 5 millions d'euros juste pour vendre du blé ou du colza à la coopérative du coin ?

Sachant que désormais, il est possible pour Keqin Hu, actionnaire des 2 GFA, de faire acheter ou louer des terres qui peuvent être revendue ou louées aux SCEA de l'actionnaire Keqin Hu, avec des agriculteurs toujours présents dans ces structures. La production intensive du lait et des aliments pour les vaches peut s'accroître sans problèmes. De plus, dans deux ans, la holding de ces structures, "Ressources Investment", pourra être maison-mère de l'ensemble… Pratiquer des investissements pour créer des fermes à vaches géantes ne sera pas un problème du tout.

L'accaparement des terres en France par les multinationales chinoises est très certainement une opération industrielle concertée autour de la production et l'exportation de lait en poudre vers la Chine. Les méthodes agricoles pour y parvenir ne sont pas encore connues, mais en observant les expériences déjà effectuées dans d'autres pays par les Chinois dans ce domaine, il n'est pas certain que celles-ci soient moins destructrices que ce qui est en cours avec la ferme des 1000 vaches.

Le problème est de toute manière mondial, ce qu'un bouquin qui sort en ce moment, "Terres à vendre", reflète parfaitement.

Les politiques françaises en matière d'agriculture semblent atones face à ce montage industriel. Au point de se demander si l'opération chinoise ne bénéficie pas d'un "laisser-faire" de circonstance, avec la promesse d'emplois et de finances dans la filière d'exportation du lait vers les 1,4 milliards de clients chinois potentiels ? Sinon, pourquoi laisser des rachats s'opérer cette année, tout en affirmant que ce ne n'est plus possible avec la nouvelle loi ? Le Foll a lu la presse, mais comme elle était très vague, notre ministre est visiblement passé à côté de quelque chose…

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