Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Yovan Menkevick

12 cigarettes (4)

Partie 4 : dernière bouffée Les dernières bouffées de la dernière cigarettes sont particulières. Elle ne sont plus vraiment agréables, et pourtant, je les apprécie quand même. Je sais qu'il n'y en aura plus d'autres, jusqu'au matin. C'est une sorte de sevrage, une conclusion entre moi et la tige de papier-tabac. Je sais que je vais mourir, et même si cette cigarette m'épuise, me blesse la gorge et les poumons, elle est une dernière chance d'être présent au monde.

_ Partie 4 : dernière bouffée _ Les dernières bouffées de la dernière cigarettes sont particulières. Elle ne sont plus vraiment agréables, et pourtant, je les apprécie quand même. Je sais qu'il n'y en aura plus d'autres, jusqu'au matin. C'est une sorte de sevrage, une conclusion entre moi et la tige de papier-tabac. Je sais que je vais mourir, et même si cette cigarette m'épuise, me blesse la gorge et les poumons, elle est une dernière chance d'être présent au monde. J'aime la douleur de la fin de la dernière cigarette. Quand la fumée s'efface, le monde fait de même. Jusqu'au matin.

*  *

—  « Il a découvert quelque chose d'incroyable. Quelque chose qui démontrait ce qu'était réellement l'univers, la théorie unificatrice que tous les physiciens cherchent depuis 150 ans. Mais il ne l'a pas trouvé de façon théorique. Non, il a trouvé la réponse dans le code. Il a trouvé la clef, dans le code quantique, avec le calculateur. » Le médecin psychiatre attendait, l'air pensif. Il avait déclenché une alarme de niveau 1 avec le pad. La sécurité était prévenue que quelque chose se tramait, ils ne feraient rien, mais se tiendraient prêts au cas où il enclencherait le niveau 2. La femme parlait de façon détendue, mais sa voix trahissait une émotion profonde. Son histoire devenait surréaliste. Peut-être une psychose ? Ou bien… — « Vous avez travaillé là-bas pour connaître cette histoire ? » — « Ma propre histoire est sans importance, vous vouliez connaître la sienne, mieux savoir qui il était, n'est-ce pas ? » — « Oui, c'est vrai, mais… » — « Alors laissez-moi parler de lui. » Le médecin se redressa un peu et tapa avec trois doigt sur le bureau un texte qui s'afficha instantanément sur le pad : « comportement agressif — difficulté avec l'autorité - Instabilité émotionnelle ? » — « Excusez-moi, je vous en prie, continuez… » — « Je ne vais pas vous donner tous les détails scientifiques, vous devez savoir que la physique quantique est d'un abord plutôt ardu, mais disons que la découverte fondamentale démontrée par le programme quantique était entre autres que la matière n'existait pas. Même si les chercheurs s'en doutaient depuis longtemps, puisque le photon est par exemple à la fois une particule et une onde. Cette démonstration informatique avait des répercussions très profondes. Au point qu'il a même été demandé d'arrêter le programme… » Le médecin profita de la pause qu'elle effectuait pour poser sa question : —  « J'entends bien ce que vous me racontez, mais cela ne donne pas beaucoup plus d'indications sur mon patient, vous comprenez. Vous me disiez vous même que son métier n'était pas important au début de notre discussion, et là, vous me parlez des activités professionnelles qu'il avait il y a 7 ans. C'est intéressant la physique quantique, les calculateurs, les théories scientifiques, mais je ne sais toujours pas mieux qui il est. Vous pouvez m'en dire plus à son propos ? Quel homme il était ? » Elle hocha la tête. — « Je comprends votre agacement. Le problème est que je n'ai pas tous les éléments intimes que vous désireriez avoir, je sais des choses, mais je n'étais pas avec lui, donc… Disons qu'il était passionné, entièrement captivé par son programme. Il ne sortait plus du bâtiment de recherche, il dormait avec le calculateur, il respirait avec lui.  Lorsque les responsables ont vu ce qu'il avait créé ils lui ont demandé d'arrêter. D'arrêter le programme. Il n'a pas pu. Je pense que c'est la raison qui explique sa présence ici. Il est venu de lui-même, je crois, n'est-ce pas ? » — « Je ne peux pas vous révéler ce type d'information. Je vous en prie, continuez. » — « Vous savez que les particules élémentaires n'ont pas de masse ? La découverte de ce que les scientifiques ont nommé la particule de Dieu, le Boson de Higgs a permis de relancer la recherche sur le fonctionnement de l'univers…» Le médecin hocha la tête pour marquer son assentiment. — « Les particules élémentaires n'ont pas de masse, parce qu'en réalité, tout n'est qu'information. L'univers entier n'est qu'information, rien d'autre. Et ce qu'il a fait, c'est de le démontrer avec le C-Quantum. » Le médecin haussa un sourcil. — « Et comment a-t-il fait ? » Elle sourit, presque malicieusement : — « Il a créé l'univers. » Le doigt du médecin hésitait à valider le passage en alerte niveau 2. Il balançait entre plusieurs attitudes. La femme attendait, comme si elle savait ce qu'il était en train de penser et d'hésiter à faire, se dit-il. Dehors, la température était de 20° Celsius, le ciel était d'un bleu profond. Une allumette s'enflamme. Une cigarette s'allume. Un homme regarde le ciel à travers une petite fenêtre dans une pièce aux murs blancs. Il tire une bouffée. Tout est parfait. Immanquablement.

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