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par Fabrice Epelboin

#UnBonJuif et la fin de la Ve République

C'est sans doute l'annonce la plus intrigante de la réunion publique sur la Net Neutralité, tenue par le Conseil National du Numérique mardi 16 avril à la Cantine de Paris : le Conseil devrait être saisi (ou s'auto saisir) de la problématique soulevée par la demande de censure par le CRIF vis à vis de Twitter, faite à la suite de la déferlante antisémite lancée par le hashtag #unbonjuif.

hollande
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C'est sans doute l'annonce la plus intrigante de la réunion publique sur la Net Neutralité, tenue par le Conseil National du Numérique mardi 16 avril à la Cantine de Paris : le Conseil devrait être saisi (ou s'auto saisir) de la problématique soulevée par la demande de censure par le CRIF vis à vis de Twitter, faite à la suite de la déferlante antisémite lancée par le hashtag #unbonjuif. Une demande de filtrage d'un contenu internet, réalisée en fonction du destinataire (les Français), en contradiction flagrante avec le principe de base de la neutralité du net.

En octobre dernier, en effet, le hasgtag #UnBonJuif donnait naissance sur Twitter à un déferlement de haine populaire antisémite du plus mauvais goût. Révélant de façon assez déplaisante que les louables efforts de moultes associations censées lutter contre le racisme, l'antisémitisme ou l'homophobie, n'avaient visiblement pas été couronnées de succès.

Et pour cause. Après une courte période d'activisme de terrain à la naissance du mouvement, SOS Racisme s'est rapidement politisé, et s'est enfferré dans une approche législative de la lutte contre le racisme : sanction, interdiction, censure.

Une approche adoptée dans la foulée par l'essemble des associations luttant contre les haines présentes dans la société Française. Ainsi, depuis quelques décénies, il est strictement interdit aux médias d'afficher le moindre propos raciste, révisioniste, homophobe, etc, etc.

Le problème semblait avoir été réglé. La France était désormais une nation tolérante, ouverte, prônant et appliquant à la lettre les Droits de l'Homme (quoi de plus logique pour une démocratie se voulant universaliste ?).

Trente ans après la mise en place de cette judicieuse stratégie, sans doute inspirée par l'idée que la communication règle tous les problèmes, et que les populations finissent par prendre pour vérité révélée un message qu'on lui mattraque régulièrement, voici qu'arrive le wèbe deuzéro, et l'extension du domaine des média.

Alors que les médias étaient jusqu'alors en nombre limité, sous la coupe réglée d'un petit groupe de milliardaires bienveillants, voilà qu'en quelques années à peine, près de 80% des Français se mettent à l'autopublication et s'informent de façon croissante par le biais de ces même médias sociaux, faisant fi des contraintes qui pèsent sur la presse, et diluant par la même occasion ses capacités d'influence.

Dans la même lignée, tout comme, quelques années auparavant une génération entière se mettait au P2P et mettait à mal la distribution culturelle, c'est cette fois ci une large partie de la population qui se met à publier et partager ce que bon lui semble, avec aussi peu de respect pour les lois régissant l'homophobie et le racisme que leurs enfants n'en ont eu pour Universal et Vivendi.

La France de Séguéla sent le moisi

Patatras. La belle image d'une France ouverte et tolérante vole en éclat face à la réalité du terrain - confirmée depuis par les hordes de manifestants où se mèlent grenouilles de bénitier à poussette et néo fachos du GUD : faire le ménage, ce n'est pas, contrairement à ce qu'imaginait le Parti Socialiste de l'ère Mitterrandienne, mettre la poussière sous le tapis.

Mais pour avoir laissé le problème pourrir sur pied durant 30 ans (si ce n'est depuis l'après guerre), la situation est aujourd'hui catastrophique. Avec une islamophobie qui oscille entre 60% et 98% selon les tendances politiques, et un antisémitisme un poil moins élevé (mais bien plus marqué à gauche), les différentes études d'opinion sont formelles : la France est un pays raciste. La rue est par ailleurs ces temps-ci tout aussi formelle : le pays est également très homophobe. La loi n'y peut pas grand chose. Bien au contraire...

En s'attaquant à Twitter, l'UEJF ouvre une boite de pandore qui pourrait s'avérer fatale, si ce n'est à la démocratie, du moins au consensus mou qui fait que la population a le sentiment de vivre en démocratie. Car aussi sûrement qu'un dealer de banlieue pris sur le fait se retrouve à interpeller un juge en l'appelant 'votre honneur' – comme dans les séries télé américaines –, la majorité de la population est plus ou moins convaincue que la démocratie repose sur des fondamentaux tels que la liberté d'expression.

En France, c'est loin d'être la cas. Si vous avez le malheur d'être raciste, antisémite ou homophobe (un peu de compassion, que Diable), vous vivez, en France, dans un régime de censure, qui limite très sérieusement votre liberté d'expression.

Depuis quelques années, vous (si vous êtes raciste, toujours, faites un effort d'imagination) avez trouvé dans le webdeuzéro un véritable espace de liberté. Vous pouvez y lire ce que vous avez toujours su dans votre fort intérieur, échanger avec vos amis homophobes vos prédictions sur l'arrivée prochaine du mariage civil entre Médor, votre fidèle compagnon, et Marie Thérèse, votre cousine droguée, et vous baigner dans un fange d'idées nauséabondes tellement bien censurées dans la presse officielle qu'on a totalement perdu de vue que lutter et censurer étaient deux choses parfaitement distinctes.

Vous aurez pu constater au passage que la presse officielle ne limitait pas sa censure au racisme, à l'homophobie et à l'antisémitisme, mais qu'un paquet d'autre choses ne franchissait jamais ses colonnes, là encore du fait d'un marécage de conflits d'intêrets, de modèles économiques liés à la bienveillance d'annonceurs parfois douteux, ou par respect de lois, comme celle portant sur le respect de la vie privée, en passe justement d'être renforcée prochainement.

Que dire alors d'une loi sur la neutralité du net, qui s'appuierait sur la législation touchant à la presse, dont le net, jusqu'ici, n'a que faire et que des millions de Français effreingnent quotidiennement ?

Démocratie en France : une voie sans issue

On pourrait y voir une cohérence avec la stratégie française d'intégration - par opposition au communautarisme mis en place par nos voisins anglo saxons - mais le chemin emprunté par la démocratie Française s'annonce bel et bien comme une voie sans issue.

Brider en ligne la liberté d'expression à l'heure du webdeuxzéro ne fera que mettre une large partie de l'opinion française sous pression et préparer une explosion en plein vol, promulger - à l'image de la démocratie Américaine - une liberté d'expression totale, fera voler en éclat le 'vivre ensemble' qui subsiste encore de façon moribonde.

Les associations de lutte contre le racisme/l'antisémitisme/l'homophobie sont loin d'être dans un état d'esprit qui les amèneraient a envisager des stratégies alternatives à la loi pour faire avancer leurs causes, et en face, les manifestants qui voient dans le mariage pour tous les prémisses d'une décadence de l'occident, risquent de ne pas apprécier de voir leur toute nouvelle liberté d'expression bridée par une loi Hadopi-like, destinée à censurer en masse ou réprimer à la chaîne les propos racistes tenus en ligne.

La seule issue relève de la dictature soft. Reste à voir si ce sera une dictature socialiste-libérale - ce qui parait pour le moins peu vraisemblable - ou une, plus prévisible, aux couleurs bleue marine.

Face à une telle incertitude, la préservation réelle de la neutralité du net, qui pose comme principe absolu qu'aucun intermédiaire technique ne peut altérer le contenu d'un message du fait de son emetteur, de son destinataire ou de son contenu, se pose désormais comme une bouée de sauvetage d'une démocratie Titanic, pilotée par un capitaine de Costa croisière.

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