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par Delphine Courel

Tatouage : réglementation sanitaire et lobbying des dermatologues

Nous avons eu les psy, venus demander à l'état de légiférer en se mêlant de l'éducation donnée à nos enfants. Puis, les institutions religieuses et même d'état (les maires) réclamant à l'état de ne pas autoriser les mariages homosexuels. Mais aussi les pharmacies, venues pleurer pour qu'on leur octroie la distribution de e-cigarettes.

Nous avons eu les psy, venus demander à l'état de légiférer en se mêlant de l'éducation donnée à nos enfants. Puis, les institutions religieuses et même d'état (les maires) réclamant à l'état de ne pas autoriser les mariages homosexuels. Mais aussi les pharmacies, venues pleurer pour qu'on leur octroie la distribution de e-cigarettes.

Maintenant nous avons les dermatologues, venus pleurer dans les jupons de l'état sous couvert de l'ANSM, pour nous dire que « le métier de tatoueur n'existe pas » dixit le Pr Nicolas Kluger dermatologue à l'Hôpital universitaire d'Helsinki, et que les encres utilisées sont nocives.

Vous avez dû l'entendre depuis quelques temps déjà, cette nouvelle qui gronde depuis mars dernier : l'utilisation d'encres de couleurs servant dans les tatouages sera interdite en France ? What ?! Et bien, c'est officiel depuis le 27 novembre.

Le Syndicat National des Artistes Tatoueurs, avec en tête Tin-Tin, a été entendu le 27 novembre dernier par le député Olivier Véran. En effet, le SNAT proteste contre cet arrêté qui interdit les encres colorées dans les tatouages et n'a réussi à obtenir qu'une prolongation de remise de peine au 1er janvier 2014, mais le SNAT espère bien faire annuler cet arrêté.

Que l'on remette bien les choses en place. La plupart des tatoueurs se fournissent auprès du Chemical-Technological Laboratory, un laboratoire allemand certifié et accrédité au niveau européen notamment pour les produits de tatouage. Accrédité au niveau européen oui, mais pas en France, puisque la France ne reconnait pas cette accréditation. Si les tatoueurs ne se fournissent pas auprès de ce laboratoire, ils se fournissent la plupart du temps sur le territoire, et ce pour des raisons de sécurité. En cas de problème avec les encres, le tatoueur se retournera vers son fournisseur d'encres.

Là où le bat blesse, c'est qu'aujourd'hui cet arrêté interdit bon nombre d'éléments chimiques entrant dans la composition des encres de tatouages, car l'ANSM n'est pas en mesure aujourd'hui de déterminer le degrés de toxicité ou même et pire encore, de savoir lesquels peuvent provoquer des allergies. Aussi, ils en arrivent à la conclusion que ne seront autorisées que quelques couleurs comme le noir, le blanc, le violet, le vert. On ne parlera pas du rouge source d'allergies, et du bleu contenant du cobalt, lui aussi allergène. Comprenons, tout de même que ces composés chimiques se trouvent déjà dans certains aliments. Pour exemple, le Bisphénol A, interdit dans les tétines et biberons, est lui, présent dans le téflon de vos poêles.

 

De plus, le Pr Nicolas Kluger, souligne, que beaucoup de personnes tatouées regrettent et/ou ont des ennuis d'allergies, et qu'il faut par la suite les enlever au laser.

Oh là là là. Une rentrée d'argent non remboursée par la sécurité sociale et qui rentre directe dans ma poche en plus... ? Zut, je dois pouvoir trouver une solution. Oh mais attendez les amis, et si on interdisait les encres de tatouages. Laissons leur le noir et le blanc. De toutes façons «Ce que les gens ne savent pas, c'est que le métier de "tatoueur" n'existe pas, ils ont un statut de travailleurs indépendants, et doivent bien sûr avoir du talent en dessin. »

WTF ?!...Il n'est pas indépendant lui ?

Nous avions déjà eu droit à la polémique concernant le maquillage permanent. Les dermatologues étaient déjà montés au créneau, en interdisant aux instituts de beauté de tatouer les femmes. Les tatoueurs, eux, ont un peu plus de conscience professionnelle, n'en déplaise à ce cher professeur sur l'utilisation du mot professionnel, ils refusent de tatouer le visage.

Il faut bien comprendre que les allergies aux encres de tatouages sont très rares. D'ailleurs, et pour une fois même les dermatologues le reconnaissent, à commencer par le Pr Kluger : « Il y a toujours des risques de petites infections locales ou bactériennes, mais elles sont très peu fréquentes. Le plus souvent, on observe des réactions "allergiques", notamment à une couleur spécifique, mais on ne sait pas s'il s'agit réellement d'une allergie. Chez les personnes tatouées, parfois très longtemps après, le dessin se met à gonfler et la peau gratte sur une seule couleur. »

Il était donc plus simple pour le gouvernement de partir d'une liste de produits interdits en cosmétique et de l'étendre aux encres de tatouages, une fois de plus le législateur préfère sacrifier un peu de nos libertés en refusant la complexité du sujet sur lequel il légifère. Et oui, si ces produits sont toxiques en application, imaginez en injection... Oui mais voilà, cet argument n'a jamais été prouvé scientifiquement. Aussi l'ANSM mène actuellement une étude. Mais ce sera long ; plus de 10 ans... et coûteuse qui plus est. Avec 10 à 15 % de le population tatouée, on se demande quand même comment ça se fait que ce « problème sanitaire » ne soit pas remonté plus vite.

Certaines personnes bien intentionnées, nous proposent de nous tourner vers des encres aux pigments naturels, 100 % bio, rien que du naturel. Oui...mais. En effet, ces encres peuvent être utilisées, leur souci, c'est qu'elles ne sont pas permanentes et qu'au bout de 3 mois il faudrait déjà retourner chez le tatoueur pour refaire son tatouage. Quand on connaît le nombre d'heures passées sur une table, et le prix que ça coûte, la perspective du "bio" devient moyennement séduisante. Ou alors on se fera tatouer au henné. Oh wait ! l'utilisation du henné aussi à été encadrée par les dermatologues...

Finalement, n'aurait-il pas été plus simple, de demander aux fabricants de justifier de leurs produits plutôt que d'interdire aux tatoueurs l'utilisation des encres ? Après tout, les tatoueurs ne sont pas des inconscients, ils savent aussi faire la part des choses et surtout concernant la qualité et la provenance de leurs produits. Aujourd'hui nous pénalisons la profession des tatoueurs, au lieu de nous en prendre au véritable problème, les produits utilisés rentrant dans la composition des encres, responsabilité des fabricants.

Le risque, comme le soulignent beaucoup de tatoueurs eux-mêmes, c'est que ces professionnels du tatouage, vont retomber dans la clandestinité et que pour le coup, nous retomberons dans des dérives sanitaires qui avaient enfin pu être éradiquées. Quand on parle de clandestinité, entendez qu'ils n'auront plus d'enseigne et officieront à domicile, dans des conditions d'hygiène non adéquates. Les professionnels ayant plus de courage, s'exporteront en dehors du territoire. Pire encore que la condition des professionnels, des tatoueurs du dimanche, des escrocs, referont surface, avec des encres achetées en Chine, où pour le coup, et là il y a des études le prouvant, gavés aux métaux lourds.

La vraie question à se poser aujourd'hui, c'est que veulent les dermatologues ? Ne serait-ce pas une manière bien déguisée de tenter de récupérer le marché du tatouage en promulguant un nouvel arrêté pour obtenir le monopole de la fabrication des pigments de couleurs destinés aux tatouages ?

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