Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Yovan Menkevick

Ta mère en string sur Facebook : tu l'as vue ma contradiction ?

C'est marrant tous ces commentaires à propos du "réseau social" de Mark Zukerberg et des théories diverses et variées qui fleurissent pour la défense ou non de ce "truc" ayant capturé presque un milliards d'abrutis qui passent un temps infini à tenter d'exposer leur misérable personne un peu plus chaque jour. Restons sérieux : Facebook est au départ un machin d'adolescent, fait pour permetter à des étudiants de s'échanger des blagues potaches et des photos de soirées arrosées.

C'est marrant tous ces commentaires à propos du "réseau social" de Mark Zukerberg et des théories diverses et variées qui fleurissent pour la défense ou non de ce "truc" ayant capturé presque un milliards d'abrutis qui passent un temps infini à tenter d'exposer leur misérable personne un peu plus chaque jour.

Restons sérieux : Facebook est au départ un machin d'adolescent, fait pour permetter à des étudiants de s'échanger des blagues potaches et des photos de soirées arrosées. Le potentiel commercial de la bestiole s'est révélé un peu par hasard avec l'arrivée massive d'entreprises ou de stars qui y ont vu une aubaine. Mais l'objectif de de ce modeste article n'est pas de faire ou défaire l'histoire de Facebook : non, il serait plutôt de remettre les pendules à l'heure. Parce qu'à force de balancer des déclarations binaires pour défendre le réseau social de Mark Zukerberg à tout crin, on en vient à vraiment raconter n'importe quoi.

Facebook est un portail captif

Le monopole, là est toute la substance moelle de ce type d'outils du net : si vous estimez qu'un réseau mondial, enrichi (pour beaucoup bénévolement) par des millions de contributeurs depuis des décennies peut se retrouver capté sans problème par une seule entreprise qui organise la vie numérique en ligne de ses milliards d'adhérents en faisant absolument tout pour qu'ils ne sortent plus ailleurs sur la toile et restent consommateurs de leur outil (celui de l'entreprise en question), alors vous êtes simplement contre la diversité. Et ce qui fait un écosystème viable c'est justement la diversité.

Que l'outil soit "formidable", "extraordinaire", ait "une puissance inégalée en termes de communication" n'est pas la question : iriez-vous défendre une chaîne de télévision tellement "captivante" qu'elle aurait une audience de 70 ou 80% de téléspectateurs qui se mettraient à la regarder deux fois plus de temps qu'auparavant ? Si elle était publique, la majorité viendrait crier à la propagande d'Etat, au stalinisme audio-visuel.  Facebook est un portail captif, ce qu'avaient rêvé de créer Microsoft ou AOL à la fin des années 90. Et comme l'entreprise Facebook ne vend rien en tant que tel, la question de sa viabilité financière se pose, et avec elle, l'utilisation de son unique produit : les données personnelles des adhérents.

Facebook : l'aboutissement de la dictature du marketing

La démarche n'est pas très compliquée, il suffit d'ouvrir un peu les yeux et d'accepter ce que l'on croit être une "bonne chose" ou une "mauvaise chose". Si vous estimez que les grandes multinationales sont une bonne chose pour l'humanité, que leurs profits démesurés et distribués (en premier lieu) à leurs actionnaires est une évolution positive, si vous pensez que le marketing en ligne, le ciblage publicitaire des internautes par l'utilisation de toutes les données qu'ils laissent au cœur d'un système, est normal, alors vous avez totalement le droit de défendre Facebook.

Mais dans le même temps, vous ne pouvez pas crier au scandale des licenciements boursiers, des délocalisations et autres casses sociales organisées par les entreprises mondiales et mondialisées. Si vous défendez Facebook, vous défendez la mondialisation néo-libérale, la lutte pour les profits maximums, les méthodes les plus agressives du marketing, et au final ce qui est appelé la dictature du marketing. Que l'on peut aussi nommer "dictature de l'argent".

La règle qui prédomine est donc celle du "cerveau disponible" que TF1 avait inventée en son heure, et dans le cadre de Facebook, celle des "cerveaux et des données disponibles". Tout ceci est donc une histoire de choix personnel des individus au sein de la société dans laquelle ils évoluent.

Apprécier la publicité, la compétition capitaliste sans limite est quelque chose de partagé depuis des décennies, cela a même été la règle jusqu'à il y a peu. Mais des "petites choses "un peu embrassantes sont apparues dans cette voie, et pouvoir la critiquer est même devenu possible sans se faire traiter de "sale communiste". Dingue.

Ta mère en string, ton père à poil, et toi ?

On peut refuser de se poser des questions, comme avec tout sujet. Décider qu'il n'y a pas de problème, que tout est normal. Mais dans le cas de Facebook, la prison numérique sur laquelle nous proposons, à Reflets , que ceux qui y sont, puissent faire connaître nos publications (nous n'allons quand même pas priver les prisonniers de Facebook de lire Reflets sous prétexte que nous ne sommes pas nous même dans la prison) il y a quand même des questions très dérangeantes. La première est l'aspect autoritaire de l'outil : comment peut-on accepter que des médias, comme Lemonde.fr, par exemple,  demandent à leurs lecteurs de continuer des articles sur Facebook via leur compte ? Ne pas posséder de compte Facebook serait donc un handicap pour s'informer ?

Facebook propose de partager des données de manière "publique" ou "privée" et utilise ces données à des fins commerciales : refuser d'être pisté n'est pas possible ? Mettre sa vie sociale en ligne est dangereux, c'est une évidence, et pourtant des millions d'individus le font. Et ils ont l'air contents de le faire. Si tu vois ta mère en string sur Facebook via un faux compte d'ami que ta mère n'a pas vérifié, tu vas faire la gueule. Mais toi, pourquoi es-tu sur Facebook, au juste ? Pour rester en relation avec les autres ? Ah oui, c'est ça : tu es seul, et tes amis sur Facebook te donnent l'impression d'être en relation. Il n'y a pas d'autre issue. Ou bien tu as peur que professionnellement tu puisses être un peu "has been", ne pas être assez au courant des derniers trucs si tu ne suis pas les dernières infos sur les murs de ceux qu'il faut avoir comme "ami". Bon. Bien. Et si tu contactais tes amis, tes vrais amis, pour discuter autrement, via un forum ou un  blog ? Trop nul, trop has been ?

Et bien pas grave, reste sur Facebook : assume ta contradiction, continue à cautionner le système monopolistique qui gave les actionnaires rentiers et affame les 99% de la population. Mais un truc quand même : en dehors de Facebook, ne viens pas revendiquer pour le respect des libertés ou la neutralité du net. Ca vaut mieux…

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