Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Antoine Champagne - kitetoa

Surveillance généralisée : connards ou menteurs ? Ou les deux ?

A quoi peuvent bien servir les grandes oreilles de la NSA si elles sont celles d'un malentendant ? Tout comme la vidéo-surveillance peine à démontrer son efficacité, le vaste système d'écoute massive de la planète par les barbouzes américaines ne permet pas de contrer les actions terroristes. Premier point et non des moindres, la NSA elle-même reconnaît (devant les représentants américains) que son machin a -au mieux- permis d'éventer deux plans terroristes. Et encore...

A quoi peuvent bien servir les grandes oreilles de la NSA si elles sont celles d'un malentendant ? Tout comme la vidéo-surveillance peine à démontrer son efficacité, le vaste système d'écoute massive de la planète par les barbouzes américaines ne permet pas de contrer les actions terroristes. Premier point et non des moindres, la NSA elle-même reconnaît (devant les représentants américains) que son machin a -au mieux- permis d'éventer deux plans terroristes. Et encore... Mieux, alors que la Suède, limitrophe de la Norvège,  semble être un pays largement impliqué dans le scandale PRISM, le système n'a pas vu venir l'auteur de la tuerie d'Utøya et d'Oslo, Anders Behring Breivik, bien qu’il ait largement documenté (plus de 1500 pages) et publié son plan sur Internet.

En juin dernier, alors que le scandale des écoutes massives américaines commençait à prendre son envol, le général Keith Alexander, patron de la NSA, expliquait devant un  comité du Sénat que le système avait permis d'éviter "des dizaines" d'attentats terroristes sur le sol américain. A ce stade, il soutenait que le nombre exact était classifié. Peu après, il lâchait le morceau : 54.

Puis, quelques mois plus tard, cuisiné par un représentant américain, il revenait sur ce nombre. Ce sont en fait, 2 attentats qui ont pu être déjoué. Doit-on le croire sur parole ?

De son côté, à la même époque et avant que l'étendue du système ne soit connue, Barack Obama expliquait tout en arborant son sourire ultra-brite habituel : "personne n'écoute les communications téléphoniques des gens" et qualifiait même les premières révélations de "battage médiatique".

Forums extrémistes suédois

De récents articles dans la presse suédoise révèle que depuis l'été 2013, L'Institut national de défense radio de la Suède (FRA, Försvarets radioanstalt), les services de renseignement locaux, ont un accès direct à l'énorme base de données issue des écoutes planétaires américaines (Xkeyscore). Et le journal de citer le manuel de la NSA à l'attention du FRA, fuité par Edwad Snowden : "Dans cet exemple, je recherche toutes les personnes qui ont visité un certain forum extrémiste sur le Web". Voilà un outil qui aurait été très utile à la Norvège quand Anders Breivik préparait pendant des mois son double attentat d'Utøya et d'Oslo qui a fait 77 morts et 151 blessés.

Si la Suède n'avait pas en 2011 accès à Xkeyscore (officiellement), elle était déjà un partenaire privilégié de la NSA. Et celle-ci n'a visiblement pas repéré les 1500 pages de son manifeste "2083 – Une Déclaration d’indépendance européenne" contenant tous les mots-clefs nécessaires, ni les deux vidéos mises en ligne par le tueur d'extrême-droite. Pas plus que ses préparatifs qui ont duré deux ans. La Norvège est également présentée dans les documents Snowden comme un partenaire très privilégié de la NSA. L'un des deux principaux en Europe... Et pourtant... Dans son "manifeste" publié le jour des attentats, le tueur explique comment il a passé 200 heures pour trouver via Google, les informations nécessaires à la préparation d'explosifs. Les grandes oreilles n'ont visiblement pas "entendu" les mots-clefs comme "Nitromethane explosives", "Mujahideen Explosives Handbook", "Ammonium Nitrate", "ANFO" frénétiquement tapés dans Google...

Les auteurs du rapport commandé par Barack Obama sur les dérives de la surveillance globale opérée par la NSA et publié il y a quelque temps expliquent eux-mêmes que le système est défaillant : « Notre étude suggère que l'information récoltée dans le cadre d’enquêtes sur le terrorisme par l'utilisation de l'article 215 sur les méta-données téléphoniques n'était pas indispensable à la prévention d’attaques et auraient pu facilement avoir été obtenue en temps opportun en utilisant la section classique des requêtes via l’article 215 ».

Si même les copains de Barack Obama trouvent que le système merdoie…

Et dire que des milliards de dollars sont partis en fumée pour mettre en place le « machin ». En temps de crise…

C'est essentiel pour lutter contre le terrorisme et la délinquance !

Read my lips... Comme disait Bush père. Ecoutez tous les politiques qui à l'unisson trouvent géniale la nouvelle plate forme d'écoutes judiciaires centralisée française, Jean-Jacques Urvoas en tête... C'est essentiel ce "machin". Si, si. Cela permettra aux juges d'écouter les méchants, aux policiers de suivre à la trace un suspect, le tout en quasi temps réel.

Un vrai bonheur.

De quoi avez-vous peur ? Ce sont les écoutes judiciaires, elles sont encadrées par les juges. Bonne nouvelle.

Restent les écoutes administratives, très mal encadrées il y a peu par la Loi de programmation militaire (c'est quoi le truc militaire dans les écoutes administratives ?). Celles-ci sont décidées par le gouvernement, hors contrôle du judiciaire.

C'est mal ? Quelle différence ?

Elle est toute simple : a priori, les juges ne décident pas de mettre sur écoute une personne pour des raisons "politiques". Leurs décisions sont encadrées par des textes très précis et très contraignants. Les politiques, en revanche, décident généralement de mettre quelqu'un sur écoute pour des raisons... politiques ou très personnelles. Cf. les fadettes des journalistes du Monde. Quant aux règles qui encadrent ces écoutes, ne nous étendons pas, elles ont été largement commentées par les défenseurs des libertés publiques et tout le monde sait que la CNCIS n'a pas le personnel nécessaire pour contrôler toutes ces écoutes.

Vous ne trouvez pas qu'avec ces deux types d'écoutes, le pouvoir est déjà un peu trop curieux ? Qu'il s’immisce un peu trop volontiers dans votre intimité, dans votre vie privée ? Vous ne vous sentez pas concernés ? Vous n'avez rien à cacher ? Envoyez-nous vos sextapes, nous les publierons volontiers pour que vous puissiez nous redire sans rire : "je m'en fiche, je n'ai rien à cacher". Surtout si vous avez des pratiques zoophiles, tendance teckels morts.

Qu'est-ce qu'ils ne comprennent pas, nos politiques dans "vie privée" ?

Vie, ou privée ?

La troisième série d'écoutes, qui n'est encadrée par aucun texte de loi (elles sont réprimées par des textes de loi en revanche) est un tantinet plus inquiétante.

Demandez à votre député, à vos élus de tous bords : elles n'existent pas.

C'est rassurant hein ?

Ces écoutes, ce sont par exemple celles qui ont permis à la France de livrer les métadonnées de 60 millions de communications de Français sur un seul mois à la NSA dans le cadre de l'accord Lustre. Vous savez, l'accord qui n'existe pas, dont personne ne parle, ni les politiques de gauche, de droite, du centre et de la Galaxie des klingons, ni les journalistes. Et pourtant... Soixante millions de communications sur un mois livrées aux Etats-Unis. Gratos. Comme ça, juste pour entretenir l'amitié sur le dos de nos vies privées.

Je ne vous parlerai même pas du DPI qui s'installe un peu partout sur le réseau, y compris dans notre beau pays des Droits de l'Homme...

Du coup... Ces politiques qui autorisent ce genre de chose, ils sont quoi ? Des menteurs ? Ou des connards ? Oui, je sais, le mot est un peu fort. Mais tout de même, à force de nous prendre pour des cons, ce n'est que justice de leur retourner le compliment.

#Spanous, #Spagrave

On a rien fait. C'est Barack Obama qui le disait. Enfin... Ça c'était avant que les documents Snowden se mettent à pleuvoir en mode orage tropical.

Ce n'est pas grave, on a tout fait dans le cadre de la loi et on n'a pas écouté les américains, disait-il ensuite, un peu acculé.

Vraiment ? Les documents ont continué de pleuvoir et tout le monde a compris que les Américains étaient écoutés. Pas toujours depuis les Etats-Unis, mais il est vrai que les pays amis, comme la Grande Bretagne peuvent se charger de ce genre de choses.

Et là, hier, on apprend (vous ne vous en doutiez pas ?)  que le GCHQ a écouté les échanges par webcam de millions de personnes pendant des années... Si, si... Vous savez, la sextape dont on parlait plus haut, avec les teckels morts... Elle est déjà entre les mains (si l'on peut dire) des surveillants.

Quelqu'un chez les politiques pour nous expliquer en quoi ces millions de personnes écoutées dans leur intimité la plus intime (lisez l'article du Guardian en lien ci-dessus) sont une cible utile à la lutte contre le terrorisme ?

Dans quelques semaines on va découvrir (c'est déjà fait en partie) que les services secrets siphonnent nos disques durs à la recherche de photos de nous à poil pour nous faire chanter, si besoin.

Et là franchement, à la lumière de ces deux articles, des réponses données par le patron de la NSA aux représentants américains et des conclusions des experts mandatés par Barack Obama,  je repose la question : tous ces politiques qui autorisent de telles choses, sont-ils des menteurs quand ils nous disent que ce n'est pas grave ou sont-ils des connards qui ont perdu à peu près tous les repères qui nous permettent d'analyser sereinement ce qui scelle un contrat social ? Avec bien entendu toutes les répercussions que cela suppose...

 

 

 

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