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par Antoine Champagne - kitetoa

Supersarko, sauveur du monde : il y a du laisser aller...

Et voilà que votre copain ne comprend pas la feinte. Il lâche tout de go devant la représentation nationale française que non, vous n'aviez pas parlé de ce sujet. Bon bref, l'abandonner aujourd'hui, ce n'est pas si grave. En plus, maintenant, vous l'aviez compris, l'achat des Rafales et de la centrale nucléaire, c'était du flan, il n'allait jamais les prendre. Le seul truc qu'il avait pris, c'était des missiles Milan. Pratique pour balancer sur des insurgés, en plus c'est filoguidé...

Merci monsieur le président. Merci d'utiliser à bon escient vos super-pouvoirs tant de fois vantés. Vous avez six cerveaux bien irrigués et cela se voit : vous avez sauvé l'économie mondiale, vous avez tué les paradis fiscaux, vous avez sauvé l'euro de la désintégration, sauvé l'Europe de la guerre et maintenant, vous avez sauvé le peuple libyen, car tout le monde le sait, sans vous, il n'y aurait pas eu de résolution de l'ONU imposant une zone de non survol.

Vous et votre gouvernement étiez en vacances pendant les manifestations en Tunisie et en Egypte, ce qui explique le lourd silence de la France. Mais on ne vous y reprendra plus et cette fois sur la Libye, vous y allez, finalement, à fond. Aucun doute, M. Strauss-Khan n'a pas la stature internationale que vous avez. Il peut aller se rhabiller et qu'il n'espère pas pouvoir se prévaloir d'une quelconque action à l'échelle de la planète, comparé à vous. Tout de même, sauver le peuple libyen dans son ensemble, éviter la guerre entre la Géorgie et la Russie. Ce n'est pas rien.

Bon, mais maintenant que vous avez sauvé la Libye, il ne faudrait pas vous laisser aller. Attention, hein, ça va être beaucoup plus compliqué.

Sur le coup de la Libye, c'était assez simple et ça rapportait gros. Bien sûr il vous fallait lâcher un ancien copain, que vous aviez reçu en grande pompes en lui laissant planter sa tente dans les jardins d'un palais de la république. C'était un bon copain, vous étiez allée le voir chez lui, vous lui aviez vendu (pensiez-vous) des Rafales, une centrale nucléaire, des missiles Milan, que sais-je. Mais bon, c'est un copain un peu étrange quand même. Un copain qui vous lâche en rase campagne, ce n'est pas vraiment un bon copain. Peut-être parce qu'il ne comprend rien à la diplomatie. Vous aviez bien été obligé de dire pendant son voyage à Paris, que vous aviez abordé avec lui le petit souci des droits de l'Homme en Libye. Sinon, les sales gauchistes auraient continué leur harcèlement. Ca permettait aussi à François Fillon de dire que la polémique sur la visite de Kadhafi était "déplacée". Un visionnaire ce François Fillon.

Et voilà que votre copain ne comprend pas la feinte. Il lâche tout de go devant la représentation nationale française que non, vous n'aviez pas parlé de ce sujet. Bon bref, l'abandonner aujourd'hui, ce n'est pas si grave. En plus, maintenant, vous l'aviez compris, l'achat des Rafales et de la centrale nucléaire, c'était du flan, il n'allait jamais les prendre. Le seul truc qu'il avait pris, c'était des missiles Milan. Pratique pour balancer sur des insurgés, en plus c'est filoguidé... Bon, lâcher un vrai faux copain, ce n'était pas trop dur. Maintenant, il faut préparer l'avenir. En bon VRP des entreprises françaises, vous savez en voyant le drapeau français déployé par les insurgés à Benghazi que l'avenir est rose pour les entreprises françaises, y compris d'armement. Finalement, on va peut être les vendre ces Rafales. Mais au prochain gouvernement.

Allez, maintenant que c'est fait pour la Libye, il vous faut continuer à utiliser vos super-pouvoirs et vous attaquer à quelque chose de sérieux. Il s'agit également de pays qui massacrent leurs populations. Pas un mort, pas 5, pas 10, des dizaines et des dizaines de morts.Si vous n'avez pas la télévision pour suivre ces événements, ou si personne ne vous fait remonter de câbles diplomatiques, vous pouvez demander à votre ministre des Affaires étrangères Bernard Henry-Levy. Lui qui ne tolère aucune injustice, il est forcément au courant. Votre ministre Eric Besson pourra aussi vous répéter ce qu'il disait cet après-midi sur RFI à propos de la Libye : on assiste à des massacres, soit on laisse faire soit on y va pour sauver les populations. Pour lui comme vous, le choix est simple. Tant mieux.

Prenez le Yémen. Un pays très sympa que l'occident soutient pour l'aider à lutter contre le terrorisme. Le soutien a ses limites, hein, comme pour votre ancien vrai faux ami, le colonel Kadhafi. Ou alors, quelque chose nous échappe. Au Yémen, donc, vendredi ce sont 52 cadavres qui ont grossi les rangs des victimes d'une répression aveugle. Y compris des enfants et Reflets.info avait d'ailleurs publié une photo sur laquelle Wael Ghonim (qui avait lancé l'appel sur Facebook en Egypte) attiré l'attention.

Si vous recevez les câbles de vos diplomates, ou si vous lisez le Canard Enchaîné, vous connaissez l'opinion d'un diplomate français sur le gouvernement Yéménite : "corrompu, incapable, comme celui de l'Afghanistan". Mais volontariste pour lutter contre le mouvement Al-Qaida en péninsule Arabique (Aqpa). Ceci explique sans doute la mansuétude de l'occident...

Les dernières images en provenance de Bahreïn, dont certaines illustrent cet article, sont tout aussi atroces. Je pense que ni vous ni votre gouvernement, qui n'êtes visiblement plus en vacances, n'allez rester les bras croisés. Vous noterez avec intérêt les méthodes de ce petit royaume lorsque des manifestants s'opposent au régime en place : arrestations massives, tirs à bout portant (voir la vidéo relayée sur Reflets.info), destruction de la place de la Perle, loi martiale.

Kick-Ass Sarko n'est pas à un aporisme près

Bien entendu, ça va être un peu plus compliqué qu'avec la Libye. Mais comment douter un instant que vos super pouvoirs viendront à bout de cet aporisme. Plus compliqué parce que Bahreïn, c'est un pays qui a le soutien de l'Arabie Saoudite pour réprimer et tuer ses contestataires. Or, l'Arabie Saoudite est un de vos alliés contre la Libye et un partenaire plus que privilégié des Etats-Unis. C'est aussi un opposant à l'Iran, qui lui, soutient pour son propre intérêt, les contestataires de Bahreïn.

En même temps, le soutien de l'Arabie Saoudite à la répression insupportable qui sévit dans le petit royaume devrait vous donner une vague idée ce ce qui se passera au pays du roi Abdhalah lorsque celui-ci sera confronté à une opposition importante. Il y aura du sang. Beaucoup de sang. De nombreux morts. Comme dit le dicton, mieux vaut prévenir que guérir. Il est donc peut-être temps de signifier à l'Arabie Saoudite que ce genre de choses est intolérable pour les oligarchies démocraties comme les nôtres.

Et puis il y a aussi vos amis Syriens. C'est amusant, parce que la Syrie a longtemps été considérée comme un soutien actif des actes terroristes qui ont secoué le monde au siècle dernier. Elle s'est récemment refait une image proprette. Et puis un petit jeune qui reprend le pays, ça permet d'imaginer un avenir meilleur. Les revoici donc, comme la Libye de Kadhafi, sur la scène internationale, drapés d'une nouvelle virginité.

Mais voilà que des mécontents protestent contre un état d'urgence qui dure depuis 48 ans. Réponse ? Quatre morts. Des tabassages. Des dizaines d'arrestations. Dont quinze enfants. En même temps, ça ne doit pas choquer le président français que vous êtes et qui clame depuis son arrivée au pouvoir qu'il faut ficher les enfants dès 3 ans pour dépister les futurs criminels, qui veut faire juger les mineurs comme des majeurs, qui vient d'ailleurs de voir son projet de peines plancher pour les mineurs être retoqué par le conseil constitutionnel. Les enfants... Ils sont adultes beaucoup plus tôt de nos jours, non ? Et puis Michèle Alliot-Marie vous le dirait, les prisons syriennes sont connues internationalement pour leur savoir faire dans le traitement des jeunes.

Ne nous décevez pas M. Sarkozy, utilisez vos super pouvoirs comme jamais et sauvez le peuple de Bahreïn, celui du Yémen, celui d'Arabie Saoudite... Avec vous, nous le savons, il n'y a pas deux poids deux mesures. Ni de storytelling.

 

 

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