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par Jet Lambda

La prohibition du cannabis, nouvel os à ronger pour Valls le pitbull

C'est encore une histoire exemplaire dans laquelle se distingue notre nouveau sinistre de l'intérieur. Dans le registre des réformes qui ne coûtent pas un rond mais qui ont le mérite de "positionner" le pouvoir PS dans un modernisme de gôche, la politique des drogues fait figure de baromètre hypersensible.

C'est encore une histoire exemplaire dans laquelle se distingue notre nouveau sinistre de l'intérieur. Dans le registre des réformes qui ne coûtent pas un rond mais qui ont le mérite de "positionner" le pouvoir PS dans un modernisme de gôche, la politique des drogues fait figure de baromètre hypersensible. Il y a quelques mois, c'est la question des "salles de shoot" — lieux de consommation d'héroïne sous contrôle médical — qui faisait la Une un peu partout, suite aux promesses du candidat normal. En octobre, la ministre s'y déclarait favorable et le gouvernement s'engageait dans une étude de faisabilité. Aux dernières nouvelles, rien de concret: les associations concernées restent dans le brouillard et crient toujours à l'urgence sanitaire.

L'autre chantier symbolique, c'est le défi lancé par le mouvement des Cannabis Social Clubs (CSC). L'idée de ces "clubs" est de briser le silence et mettre le régime prohibitionniste français à l'épreuve. Ces coopératives de producteurs-consommateurs ont l'intention de déclarer leur activité pour la vivre au grand jour. Jeudi 21 février, l'un des militants de cette forme particulière d'autogestion agricole vient d'en faire les frais à Tours: 27 heures de garde à vue, saisie de plants de cannabis, de son téléphone et de son ordinateur, avec une convocation au tribunal le 8 avril prochain pour « détention de cannabis » et « provocation à l’usage ».

Vous l'avez compris: il s'agit toujours de faire un exemple. Dominique Broc est le coordinateur national des Cannabis Social Clubs français. Le règlement intérieur des CSC est formel: si l'un des membres du club se fait choper, les autres seront immédiatement identifiés et ils sont alors censés réclamer un procès d'assises, histoire de rappeler que la loi fait facilement l'amalgame entre consommation personnel et trafic en bande organisée. Les coproducteurs de Dominique Broc devraient donc tester les premiers cette stratégie du rentre-dedans.

(Photo Alain Jocard. AFP)

Manuel Valls a du se sentir personnellement humilié suite à la Une de Libé cinq jours avant son interpellation: Broc, tout sourire, pose tranquille dans son local avec ses plantes. Ce jardinier — c'est son métier — est l'un des rares fondateurs de CSC qui ait accepté d'ouvrir ses portes aux médias, comble de la provocation pour les flics. Il n’est pourtant pas rétif, nous dit Libé dans son portrait, à un «encadrement sécuritaire des CSC. Si le gouvernement tolère le modèle et veut l’encadrer.» «J’y serai totalement favorable.»

La semaine prochaine, le 4 mars, il est prévu qu'une Fédération nationale des CSC fasse l'objet d'une officialisation à la préfecture d'Indre-et-Loire, à Tours. C'est bien entendu Dominique Broc qui est attendu ce jour-là pour assurer la bonne marche de l'opération. Le 25 mars, c'est au tour de chaque CSC, dans leurs départements respectifs, d'enregistrer leurs statuts. En gros, il y aurait 450 coopératives en France qui seraient prêtes à se déclarer en préfecture.

Les défenseurs du modèle CSC l'ont plutôt mauvaise:

En faisant cette démonstration de force, le gouvernement Valls-Ayrault-Hollande montre son vrai visage, celui de l’intolérance et de la répression bête et méchante.

Le pouvoir fait une erreur grave en s’attaquant à Dominique Broc, parce que cela concerne aussi les membres de son Cannabis Social Club, et plus largement l’ensemble du mouvement des Cannabis Social Clubs Français. Car nous ne nous attendons pas à ce que nos décideurs politiques reconnaissent une erreur d’appréciation en agissant de la sorte.

Faut dire que ces trublions sont vraiment sans scrupules. Ils vont pousser la provoc au point de créer un des ces clubs de débauche dans la paisible ville d'Evry (lire ici le papier du Parisien), le fief de Manuel Valls dans l'Essonne (c'est l'ancien maire). Interpellé par un militant de la cause l'autre matin sur France Inter, Valls est resté fidèle à la ligne dure: "on peut dialoguer — sauf de l'interdit"… Curieuse conception du dialogue.

Mais Broc ne cache pas sa joie, nous apprend Politis: "Ce sera sans précédent. Ils nous ont finalement rendu un fier service. Le mouvement est lancé. C’est une révolution qui s’amorce, contre la prohibition, le trafic et la corruption. » Il s'attend à ce que sa convocation devant le tribunal correctionnel — avant les assises, pas encore acquis — attire les médias du monde entier et déclenche une vague de symtathie qui devrait aller bien au delà des aficionados de la cause.

Ce bras de fer est somme doute logique quand on connaît la ligne de Manuel Valls. C'est le grand copain des prohibitionnistes. Il ne manque pas une occasion de rappeler son opposition farouche à tout aménagement légal ou règlementaire sur la consommation de drogues douces. Feu le bimestriel Zélium, qui a publié en plusieurs épisodes une passionnante histoire de la prohibition du chanvre, avait repéré en lui un digne successeur de la bande à Sarko (ci-contre) en le caricaturant côté à côté avec deux autres prohibitionnistes notoires, Étienne Apaire, l'ex-patron de la MILDT (mission anti-drogue du gouvernement), et Jean Costentin, un médecin qui dissimule son idéologie derrière un pseudo organisme de recherche.

D'après ce que nous a dit Laurent Appel, fin connaisseur du sujet au sein de l'association Auto-support des usagers de drogue (ASUD), la période n'est pas très propice à ce que le gouvernement lève le pied sur les fumeux de joints. La question des salles de consommation, ajouté à cela le débat enflammé autour du mariage pour tous, donne déjà des gages aux partisans d'une "gauche progressiste". Il se peut donc que la culture ganja fasse les frais de cet arbitrage.

* * *

MISE A JOUR 28 mars 2013 — En début de semaine, comme prévu dans leur planning, les fondateurs des CSC ont déposé les statuts d'une quinzaine d'associations de cultivateurs (notamment en Loire-Atlantique, Vendée, Creuse, Charente-Maritime, Indre-et-Loire ou Haute-Vienne). Gérard Villette, le président de la "Commission sociale" (sic) du Conseil général de Vendée, hurle déjà à l'hérésie ("une insulte", "un véritable scandale") et éructe son venin bourré des traditionnelles lubies prohibitionnistes:

... il est prouvé que tous les consommateurs de drogue dure ont commencé par fumer du cannabis [ben voyons]Le Conseil Général de Vendée ne doute pas que la Préfecture ne validera pas la constitution de cette association et demande aux autorités compétentes de faire appliquer strictement la loi qui condamne la production, la consommation et la promotion de l’usage du cannabis. 

Cf les sites des Amis du CSC français et celui de Cannabis sans frontières.

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