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Dossier
par shaman

Palestine : rassembler pour espérer mieux régner

Prenant de court les analystes, devançant les rumeurs et supputations habituelles, la scène palestinienne a surpris. Il y a encore moins de 10 jours, nous pouvions lire sur le Centre Palestinien d'Information : "le Hamas a accepté la demande d'un pays arabe pour accueillir et parrainer le dialogue national global [...], mais ce pays n'a toujours pas obtenu  l'accord d'Abbas".

Prenant de court les analystes, devançant les rumeurs et supputations habituelles, la scène palestinienne a surpris. Il y a encore moins de 10 jours, nous pouvions lire sur le Centre Palestinien d'Information:

"le Hamas a accepté la demande d'un pays arabe pour accueillir et parrainer le dialogue national global [...], mais ce pays n'a toujours pas obtenu  l'accord d'Abbas".

Le mouvement déplorait alors encore les campagnes menées par le président de l’autorité palestinienne à son égard. Aujourd'hui le Fatah et le Hamas ont annoncés au Caire un accord portant sur la formation d'un gouvernement d'union nationale, constitué de politiciens indépendants, et sur l'organisation d’élections avant la fin de l'année, mettant ainsi fin à plus de dix-huit mois de pourparlers infructueux. Rarement les choses sont allés aussi vite. Les murs d’incompréhensions et les pierres d'achoppements entre les factions  semblent avoir disparu. Le vent qui balaye les pays arabes serait-il enfin à l’œuvre en Palestine ?

Le schisme palestinien était un obstacle majeur à toute solution, à toute avancée vers la paix dans la région. Et ne croyez pas les oiseaux de mauvaise augure qui essayeront de dénoncer cette entente, ils parlent encore une langue morte, un langage éculé, disparu depuis le martyr de Mohammed Bouazizi le 17 décembre 2010. Les stratèges américains commencent d'ailleurs à comprendre que pour obtenir la paix, il est nécessaire de parler avec ses ennemis. Ils auraient ainsi autorisé les talibans à ouvrir une ambassade en Turquie ou dans un pays du Golfe. Un minimum de logique leur permettra de comprendre que le Hamas au gouvernement n'est pas une menace mais une chance pour la paix.

L’événement est d'importance et les ennemis de cette paix ne s'y sont pas trompés. Benjamin Netanyahu, premier ministre d’Israël a déclaré: "Choisissez entre la paix avec Israël ou la paix avec le Hamas". Et le gouvernement israélien d'activer sa rhétorique guerrière … Avigor Liberman, ministre des affaires stratégiques, démissionnaire du gouvernement Olmert pour s'opposer aux négociations de paix en 2008, a ainsi affirmé: "Nous avons à notre disposition un vaste arsenal de mesures incluant la suppression des visas VIP de Abu Mazen [Abbas] et de Salam Fayyad, ce qui ne leur permettra plus de se déplacer librement". Et Ehud Barack de surenchérir: "L'armée utilisera un poing d'acier pour répondre à toute menace".

Découpez en suivant les pointillés …

L'histoire de l'affrontement entre les deux principales forces politiques palestiniennes est déjà longue.

Le gouvernement formé par Ismaël Haniyeh suite à la victoire du Hamas aux élections législatives de 2006 ne va pas résister longtemps au boycott international et aux pressions israélienne (comme l'emprisonnement des députés de tendance Hamas, l’arrêt du versement des salaires des fonctionnaires, …). Des affrontements armés ont lieu entre les deux factions, une grève illimitée est déclarée. Sous la pression, Abbas et Meschaal vont se réunir à la Mecque et y signer un accord. Le gouvernement Hamas démissionnera le 15 février 2007 et Ismaël Haniyeh sera chargé de former le premier gouvernement d'union nationale.

Mais les tensions ne vont pas s'apaiser. Israël poursuit sa répression politique, en incarcérant par exemple le ministre palestinien de l'Éducation Nasser Shaer, membre du Hamas mais considéré comme un pragmatique. Le point de non-retour est franchi le 14 juin 2007 avec la prise de contrôle par le Hamas de la bande de Gaza. Celui-ci affirme avoir agi de façon préventive, en état de légitime défense. En réaction, Mahmmoud Abbas dissoudra le gouvernement d'union nationale. Le magazine Vanity publiera en mars 2008 des documents prouvant que les Etats-Unis tentait de renverser le Hamas en armant une force palestinienne dirigée par Mohammed Dahlan, l'homme fort du Fatah.

De nombreux efforts en vue de réconcilier la scène palestinienne vont alors avoir lieu. Appelés de leur vœux par les diplomaties syrienne, puis turque, qatarie, par de nombreux mouvements et groupements nationaux palestiniens, ces efforts de réconciliation ne semblaient plus porter leurs fruits. Depuis février 2009, l’Égypte de Mubarak parrainait des pourparlers inter-palestiniens, mais ceux-ci piétinaient, chaque faction accusant sa rivale d'être la cause des blocages.

L'enfantement d'un « Nouveau Moyen Orient »

Alors qu'est-ce qui a changé? Pourquoi les choses sont-elles, cette fois-ci, allées aussi vite?

A vrai dire, en quelques mois, absolument tout a changé...

D'abord en Égypte, pays hébergeant les fameux pourparlers inter-palestiniens, la révolution est passée par là. Le régime de Hosni Mubarak, proche allié d’Israël, a été balayé par une révolte populaire et l’impartialité de façade dans laquelle il se drapait a des chance de devenir un peu plus tangible. Rappelons que l’Égypte participait au siège de la bande de Gaza en maintenant le passage de Rafah fermé. Et que le président Mubarak avait les frères musulmans en grippe, mouvement d’où est issu le Hamas palestinien.

En Syrie, la stratégie de la "résistance" ne semble plus suffire à contenir les mécontentements populaires. Se présentant comme un rempart pour des peuples soumis quotidiennement aux comportements colériques du gouvernement israélien, et aux massacres commis par l'armée "la plus morale du monde", le président Bachar El Assad justifiait le contrôle de fer qu'il exerçait sur sa population par l’état de guerre larvé régnant dans la région. Apparemment le peuple syrien en a eu assez d'attendre la paix régionale pour obtenir des droits sociaux et politiques. Il a décidé de s’occuper de son régime avant de passer aux autres problèmes. Rappelons que la plupart des organisations politiques et combattantes palestiniennes ont une représentation à Damas.

Ces événements syriens et égyptiens ont dû faire réfléchir les deux principaux protagonistes de la division palestinienne. Depuis quelques semaines, la jeunesse palestinienne s'organisait à travers les réseaux sociaux. Sous le mot d'ordre "Le peuple veut la fin de la division", plusieures mobilisations avaient eu lieux le 11 avril dernier. Mobilisations très vite réprimées aussi bien par le Fatah en Cisjordanie que par le Hamas à Gaza. Grèves de la faim, refus de récupération politicienne, le printemps promettait d'être chaud. Peut-être les pouvoirs politiques arabes commencent-ils à comprendre qu'il faut agir vite et bien s'ils tiennent à conserver une once de leur légitimité.

Enfinla diffusion début janvier des "Palestine Papers" a encore une fois démontré que le processus de paix était mort. Et que les Palestiniens n'ont pas d'interlocuteurs pour la paix. Ces documents confidentiels ont montré que l’autorité palestinienne était prête à faire des concessions extrêmement importantes pour obtenir la création d'un État. A tel point que les médias israéliens, à la lecture de ces révélations, ont interpellé leur gouvernement en leur demandant : "Si telles étaient les concessions, alors POURQUOI n'avez vous pas signé ?"

Une route longue, tortueuse et ardue

Si cette fin de la division palestinienne est une très bonne nouvelle, l'histoire nous apprend à être prudents. Chaque avancée sur ce conflit a généralement été suivie par une contre-avancée, propre à faire déchanter le plus utopiques des analystes.

Le vent de liberté qui ébranle des régimes en place depuis plus de 30 ans est-il assez fort pour faire tomber ce conflit majeur et symptomatique, vieux de plus de 60 ans ?

C'est fort possible. Le contexte géopolitique de la région est en pleine mutation et les peuples ont décidé, cette fois, d'être de la partie. Et d'autres surprises pourraient encore nous attendre …

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