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par oliver stein

Mondialisation agricole : fatalité ou pas ?

Plus personne ne peut prétendre aujourd’hui ignorer que notre économie est globalisée, mondialisée. La mondialisation est vue comme un phénomène inéluctable, une conséquence inévitable du capitalisme, une fatalité pour certains. Rares sont ceux qui osent s’élever contre l’économie de marché qui la sous-tend. Ceux qui le font sont vite assimilés à des trublions ignares et inconscients.

Plus personne ne peut prétendre aujourd’hui ignorer que notre économie est globalisée, mondialisée. La mondialisation est vue comme un phénomène inéluctable, une conséquence inévitable du capitalisme, une fatalité pour certains. Rares sont ceux qui osent s’élever contre l’économie de marché qui la sous-tend. Ceux qui le font sont vite assimilés à des trublions ignares et inconscients.

Pourtant, pendant la campagne présidentielle, une grande partie des Français ont démontré qu'ils se préoccupaient du sujet. Le "made in France" vanté par de nombreux candidats est souvent revenu sur la table. Mais pourquoi relocaliser ? Est-ce possible ? De quelle manière ?

La mondialisation agricole : un constat alarmant

Depuis la création du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) en 1947 puis, plus récemment, de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) en 1995, le libre-échange et la libéralisation du commerce se sont vus imposés au monde agricole. L’idée initiale était de rééquilibrer les productions dans le monde et d’endiguer le problème de la faim. Nous sommes en 2012 et les problématiques sont toujours les mêmes. De là à dire que la situation s’est aggravée, il n’y a qu’un pas.

Les accords internationaux sur l’agriculture ont été conclus dans les années 1990-2000 lors du cycle d’Uruguay. Il était prévu de réduire les tarifs douaniers, les soutiens financiers à la production et les subventions à l’exportation. Les pays développés s’étaient donc engagés sur un pourcentage de baisse. Les pays les moins avancés, eux, n’avaient aucune obligation. Les échanges étaient donc censés se rééquilibrer entre Nord et Sud. Or, selon la FAO (Food and Agriculture Organization), si les aides et tarifs douaniers ont bien baissé, l’impact n’a pas été homogène sur tous les types de culture. En effet la diminution des tarifs douaniers s’est surtout constatée sur les cultures tropicales non transformée tandis que les produits agricoles de base, originaires pour la plupart des pays développés ou en développement, ont beaucoup moins bénéficié de ces baisses. La PAC en Europe participe grandement à ce verrouillage des échanges commerciaux en subventionnant massivement la production et en soutenant les prix (ce que l'on appelle le "premier pilier" des aides). Le montant de ces seules mesures de soutien en 2009 atteignait plus de 43 milliards d'euros. Cette situation est très désavantageuse pour les pays du Sud qui doivent produire plus et à très bas prix, tout en achetant des produits de plus en plus chers.

L'exemple des importations de poulets congelés au Sénégal reflète très bien le déséquilibre entre pays développés et pays du Sud. La filière avicole sénégalaise était un secteur très attrayant pour les jeunes à la recherche d'un emploi. La capacité de production permettait de couvrir la demande totale du pays. La croissance du secteur était forte. Mais en 2000, le marché a été totalement déstabilisé par la baisse des droits de douane qui sont passés de 60% à 20%. Les importations ont donc explosé au détriment de la production locale. A tel point que les importations de poulet, à 99% sous forme congelée, ont dépassé la production nationale. En 2003, le Sénégal a produit 5 982 tonnes et en a importé 11 950 tonnes. Près de 2 000 emplois ont été supprimés et environ 70% des fermes ont disparu.

Le constat est aujourd’hui alarmant, l’Afrique, autosuffisante sur le plan alimentaire en 1970 est devenue totalement dépendante des pays développés. Certains, comme le député de la 4ème circonscription de la Dordogne et membre de la commission aux affaires économiques, Germinal Peiro, comparent cette situation à un néo-colonialisme des pays africains par la voie alimentaire.

Un secteur qui a bien changé

Le marché agricole s’est totalement transformé depuis les années 50. Désormais, les acteurs du secteur ne sont plus les fermes artisanales et familiales que nos parents et grands-parents connaissaient. Non, la tendance est plutôt à l’industrialisation des cultures. Le marché est aux mains de firmes transnationales qui imposent leurs lois. On peut en citer quelques-unes : Monsanto, Cargill, Philip Morris, Unilever. Ces multinationales contrôlent la totalité de la chaîne agroalimentaire, de la production à la commercialisation. Elles produisent les semences[brevetées], incitent les agriculteurs à leur céder la propriété de leurs terres et contrôlent le circuit de distribution.

Cette situation d’oligopole conduit à une exploitation des petits producteurs, une emprise sur les gouvernements trop importante, un assouplissement des lois au détriment de la biodiversité et de l’environnement. L’arrivée du monde la finance dans l’agriculture a également eu des effets désastreux. Les marchés à terme, censés garantir à l’avance à l’agriculteur un prix de vente pour sa production, sont devenus des lieux de spéculation pour les investisseurs peu scrupuleux. Créés pour gérer la volatilité des prix, ces marchés sont constitués d'outils complexes où bon nombre de producteurs se sont brûlés les ailes, faute d’une maîtrise suffisante du milieu financier.

Les clés de la relocalisation ?

Helena Norberg-Hodge, prix nobel alternatif en 1992, avance des solutions et essaye de les mettre en œuvre grâce à son ONG, la Société Internationale pour l'Écologie et la Culture. Elle refuse la fatalité de la globalisation et propose de relocaliser notre économie en remettant au cœur du système le consommateur et ses besoins primaires.

A savoir : se nourrir. Cela passe par un changement de nos habitudes de consommation en raisonnant local. Dans son projet Ladakh, qui vise à favoriser un développement durable d’une région du Tibet, elle a donc repensé tout le système agricole. Avec le rapprochement des producteurs et des consommateurs, la biodiversité des produits a été retrouvée et une véritable communauté s’est reconstruite grâce à cela. Au-delà des effets bénéfiques sur l’économie locale, le lien social renait. Et c’est un point crucial.

Le PIB est aujourd'hui une référence pour juger la richesse et le développement d’un pays. Pourtant, c’est un indicateur purement financier et monétaire. Il ne prend aucunement en compte les effets sociaux et environnementaux de la production d’un Etat. On peut penser à l’effet Kobe qui fait référence à un tremblement de terre au Japon dans les années 90 ayant causé des milliers de victimes mais grâce aux travaux de reconstruction des infrastructures, avait également entrainé une hausse de PIB du Japon. Pierre Rabhi, avec son mouvement Colibris, propose de sortir de cette logique purement financière et de renoncer à notre mode de vie actuel basé sur une surconsommation superflue. Il parle de "sobriété heureuse". Remettre l’humain et la relation à la nature au cœur de nos préoccupations quotidiennes.

On peut citer en exemple le système des AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) . Le principe est de rapprocher un agriculteur et un groupe de consommateur qui s’engagent mutuellement via un contrat. Dans ce dernier, ils définissent ensemble le type de produit, la quantité et la qualité des aliments proposés. Ce système favorise la biodiversité, le respect de l’environnement et limite les mises au rebut des aliments dits « non-conformes » par les industriels. Le prix quant à lui est fixé de manière équitable, assurant un minimum de revenu pour l’exploitant tout en restant raisonnable pour le consommateur.

D'autres exemples…

Il y a également l’exemple des locavores, mouvement né en Californie. L’idée est de ne consommer uniquement la nourriture produite à moins de 100 miles (160 km) autour de son habitation. Les avantages sont la fraicheur des aliments, le respect de la saisonnalité, et l’encouragement de l’économie locale. La réduction à son plus bas niveau du transport des produits permet également d’agir favorablement sur l’environnement.

Au niveau international, le commerce équitable est de plus en plus connu : les consommateurs s’engagent ici, dans les pays riches, à payer un prix plus important afin de mieux rémunérer les agriculteurs. En contrepartie, ces derniers doivent respecter certaines règles : le principe de transparence est de mise dans les relations commerciales,l’agriculture respectueuse de l’environnement et à taille humaine est privilégiée. Mais le côté social est également très présent en mettant en avant les conditions de travail, l’éducation des enfants ou encore l’égalité homme-femme.

Il est donc possible de sortir du circuit traditionnel verrouillé par les firmes transnationales : en favorisant l’économie locale, mais aussi en adoptant une relation commerciale plus juste avec les pays du Sud. Mais pour cela, les consommateurs des pays développés doivent être prêt à adopter un nouveau mode de consommation. En guise de conclusion, cette vidéo de Pierre Rabhi raconte la légende amérindienne du Colibri, pleine de sens.

 

 

La légende du colibri, par Pierre Rabhi from Mouvement Colibris on Vimeo.

 

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