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par Antoine Champagne - kitetoa

Marchés financiers : les politiques vont embaucher des experts en "rassuritude"...

Il paraît, c’est le Monde qui le dit, que « La Zone euro ne parvient pas à rassurer les marchés ». Diantre. Voilà qui est fâcheux. Non ? Non. Pas simplement. C’est surtout l’effet de la logique. Personne ne peut « rassurer les marchés ». D’une part parce que « les marchés » c’est une entité informe.

Il paraît, c’est le Monde qui le dit, que « La Zone euro ne parvient pas à rassurer les marchés ». Diantre. Voilà qui est fâcheux. Non ?

Non. Pas simplement.

C’est surtout l’effet de la logique.

Personne ne peut « rassurer les marchés ». D’une part parce que « les marchés » c’est une entité informe. Ce sont des dizaines et des dizaines de places d’échanges de titres variés, des milliers d’êtres humains, acteurs desdits marchés, mais aussi des algorithmes désincarnés qui ne peuvent être rassurés, leurs réactions étant par principe plutôt binaires. De nos jours, ce sont près de 70% des échanges sur les places américaines qui sont le fait d’algorithmes.

D’autre part, les marchés carburent au risque. Pas de risque, pas de bénéfices. Et lorsqu’on leur livre une information rassurante, ils sont parfaitement capables de la transformer immédiatement en une information angoissante. Ou inversement. Les marchés sont tout sauf rationnels.

Titrer ainsi que le fait le Monde, c’est contribuer à modifier la réalité, continuer d’induire en erreur le public et les quelques politiques qui croient encore véritablement que l’on peut « calmer » ou « rassurer » des marchés financiers.

Il faudrait des décisions très différentes que celles qui ne sont pas prises (mais évoquées) par l’Europe pour que les marchés soient confrontés à la loi qu’ils vénèrent : le capitalisme. Tu joues ? Si tu perds, tu perds.  Une banque fait faillite ? Deux ? Dix ? Soit… Et s’il faut que l’état intervienne, que le capitalisme s’impose et que l’état en question reçoive en échange de son aide, les parts correspondantes dans le capital des établissements.

Un système de Ponzi qui s’effondre.

Inutile de remonter trop loin (pour cela vous vous reporterez au livre des « Economistes atterrés » paru aux éditions LLL : « 20 ans d’aveuglement, l’Europe au bord du gouffre » et de dérouler les erreurs qui nous ont menés où nous en sommes. Contentons-nous de la situation actuelle.

Les Etats en Europe sont surendettés. Les Etats-Unis sont surendettés. Le Japon est surendetté. La Chine est au bord d’une crise de l’immobilier qui fera paraître celles des subprimes comme une mini-crise.

A cette situation, les politiques opposent des « plans d’austérité » drastiques. Minant les chances d’une reprise économique, et donc de nouvelles rentrées fiscales. Le résultat de ces décisions est à envisageable par un enfant de 10 ans. Mais pas par nos politiques qui continuent de les appliquer : on ne peut pas combler les trous dans les budgets quand la croissance est faible et que corolaire, les rentrées fiscales sont faibles.

La Grèce est au bord du défaut de paiement. Soit. Mais comme l’a noté Bloomberg, l’Italie est en mauvaise posture, surtout si l’on regarde l’encours des CDS sur la dette de ce pays. Imaginez un défaut de l’Italie et ce qui se passerait dans ce cas sur le front des CDS…

La Belgique est dans un état sympathique également. Ne parlons pas du Portugal et de l’Irlande, les titres de leur dette sont désormais classés comme junk bonds. L’Espagne est une bombe à retardement. Il y a quelques jours, La région de Castille a découvert que le déficit de la région atteignait le double de ce qui avait été annoncé. Et la France. Aaah, la France… Avec son gouvernement de pointures. Les « professionnels », comme avait annoncé Nicolas Sarkozy. Et bien, la France ne tardera pas à rejoindre les autres pays européens dans la liste des cibles des « marchés ». Marchés qui, bien que choyés par les politiques, sont bien peu reconnaissants puisqu’ils continuent de décréter que les titres de dette des pays européens ne sont pas très « rassurants ». Jamais rassasiés ces « marchés ». Ni en termes de bénéfices, ni en termes « rassuritude ».

Les méthodes appliquées pour sauver  les pays de la périphérie de la zone euro n’ont fait que contribuer à l’accentuation des effets d’un défaut qui interviendra tôt ou tard.

L’impact de l’engagement de la Banque Centrale Européenne est par exemple largement sous-estimé par la presse.

Il suffit de constater l’animosité croissante de Jean-Claude Trichet contre les agences de notations pour comprendre dans quelle situation dramatique se trouve l’institution et l’Europe tout entière. Et pendant qu’avec ses amis politiques il aggrave la situation, lesdites agences continuent de reconstruire cette réalité altérée : la dette du Portugal et de l’Irlande est désormais considérée comme des junk bonds. Bon courage à nos politiques pour trouver une porte de sortie. Et bon courage à nous pauvres membres inertes de l’ensemble économique qui s’écroule. Car il ne faut pas en douter un seul instant… Ceux qui paieront le prix fort, ce ne sont pas les politiques qui n’ont pas su réagir et s’opposer à « la dictature des marchés », ni les acteurs des marchés. Pour eux, tout va bien, merci. Ils ont gagné la guerre (évoquée par Waren Buffet) qu’ils mènent contre nous.

Ceci dit, ils ont utilisé la méthode de la terre brûlée. Ils arrivent au point où ils ne peuvent plus que gagner un peu de temps. Quelques mois, quelques heures parfois. Après, il ne restera plus rien de leur terrain de jeu habituel. C’est amusant finalement l’auto-canibalisme.

 

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