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par oliver stein

Les coulisses de la Finance - Acte 2

Pour cet acte 2, nous allons évoquer un aspect bien particulier de la Finance. Il s’agit de leur adoration pour Judge Dredd. Mais si, vous savez, le personnage incarné par stallone dans un vieux film américain prononçant la réplique culte « La loi, c’est moi ». Et bien les financiers ont repris le concept et s’évertuent à l’appliquer à leur business. La loi, c’est eux. Ils se moquent bien des instances de régulation et des règles inscrites dans le droit des affaires.

Pour cet acte 2, nous allons évoquer un aspect bien particulier de la Finance. Il s’agit de leur adoration pour Judge Dredd. Mais si, vous savez, le personnage incarné par stallone dans un vieux film américain prononçant la réplique culte « La loi, c’est moi ». Et bien les financiers ont repris le concept et s’évertuent à l’appliquer à leur business. La loi, c’est eux. Ils se moquent bien des instances de régulation et des règles inscrites dans le droit des affaires. Non, la Finance est au-dessus de tout, et peut-être même au-dessus de Chuck Norris…

Ce qui ne m’appartient pas… m’appartient quand même

Comme les financiers sont les rois du monde, ils ne voient pas pourquoi ils ne pourraient pas disposer totalement des biens qu’ils ont devant eux. Et cela se répercute donc dans les comptes des sociétés. Je m’explique.

La société achète du matériel : ordinateurs, serveurs, bureaux, etc… Ces biens sont achetés avec les comptes de l’entreprise. Ces mêmes comptes qui servent ensuite à verser les salaires des employés. Mais bien souvent les dirigeants et actionnaires ne font pas la différence entre bien social et bien privé. J’ai pu constater la disparition de nombreux matériels informatiques dans la société où je travaille. Entre les macbook pro et les Sony Vaio, une bonne dizaine d’ordinateurs ont été réquisitionnés au domicile des directeurs. Je me souviens même d’un jour où le DG a demandé sans gêne à notre admin réseau de paramétrer un PC de la société pour sa fille d’à peine 10 ans ! Quand ce sont des ordinateurs ou même des téléphones, le coût reste négligeable. Mais quand ce sont carrément des bureaux, là ça commence à chiffrer.

Parfois les biens détournés n’ont même rien à voir avec l’activité de l’entreprise. J’ai vu passer des factures de matériel Hi-Fi, de télévisions, de costumes Gucci…

De là à parler d’abus de biens sociaux, il n’y a qu’un pas.

Dans la finance tout est permis… même ce qui ne l’est pas

Tout est permis  dans la Finance, du moment que les directeurs sont contents. Le but dans ce milieu est de faire rentrer du cash, beaucoup de cash,  afin de pouvoir le dépenser pour contenter le directeur. Et pour ça, tout est permis et surtout les directeurs sont prêts à tout pour trouver leur bonheur.

Ma société avait décidé de lancer un nouveau produit afin d’engranger un peu plus de cash. Mais ce type de produit est très réglementé avec des règles strictes à respecter à la lettre sous peine de sanctions voire même d’interdiction future d’exercer selon la gravité de l’infraction. Pourtant, mon directeur financier, après avoir longuement galéré pour obtenir son agrément pour lancer le produit en question, n’a pas hésité à demander au chef de projet s’il pouvait changer telle ligne de code dans le logiciel de saisie des mouvements. Le code en question était une procédure obligatoire pour tout mouvement financier. Le chef de projet lui a fait remarquer mais mon directeur a quand même insisté en demandant s’il n’y avait pas un moyen de détourner la procédure…

Autre exemple : dans la Finance, les différents acteurs touchent des commissions et des rétrocessions de commissions. Et le calcul de ces rémunérations reste parfois opaque. Il est arrivé que pour éviter d’imputer trop de charges à une de nos filiales, des rétrocessions étaient versées par une autre entité du groupe pour un produit ne lui appartenant pourtant pas du tout. Cette pratique est totalement interdite par les différentes autorités de régulation.

Mais grâce à tout cela, mes directeurs peuvent rouler tranquillement dans leurs voitures de luxe allemandes.

Une régulation totalement absente

Je parle d’autorités de régulation. Nos hommes politique parlent également beaucoup de régulation de la finance en ce moment. Mais concrètement, dans les faits, la finance est libre. Je n’ai jamais vu un seul contrôle pouvant inquiéter les différentes sociétés où j’ai travaillé. Pas un.

Les seuls qui auraient pu nous inquiéter étaient les commissaires aux comptes lors de la clôture comptable. Ils sont chargés de certifier la validité des comptes. Pour cela, ils épluchent la comptabilité et cherchent les éventuelles irrégularités puis donnent ou non leur approbation.

Pourtant, à chaque fois, je n’ai rencontré que des CAC incompétents et complètement perdus face à la spécificité de l’activité qu’ils sont censés contrôler. Alors comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas dans une multinationale. Les CAC choisis pour certifier les comptes n’étaient donc pas les cadors du milieu. Dans le cas d’une grande banque internationale, la situation serait un peu différente mais je doute quand même de leur capacité à vérifier l’ensemble des comptes, même si ce sont les meilleurs experts de la place.

Dans mon cas, je me suis retrouvé à leur expliquer chaque année certains points clés de notre activité. Toujours les mêmes. Et à chaque fois, je pouvais lire la détresse dans leurs yeux face à la complexité des procédures que je leur énonçais. A la fin de leur petit séjour dans la société, ils repartaient en étant passés complètement à côté des points qui auraient pu poser problème.

Une fois, après un débrief avec mon directeur financier, je me souviens avoir entendu cette phrase :

Ils sont bêtes, ils ne sont même pas venus me voir au sujet des produits X. Ils auraient dû, c’est là où ils auraient pu faire leur travail… Tant mieux pour nous !

Oui tant mieux pour lui. Et tant pis pour les clients qui se font souvent plumer dans l’indifférence et surtout l’incompréhension générale. Mon seul plaisir lors de cette période de pseudo « audit », c’était de voir mon DG arriver en taxi pour ne pas éveiller les soupçons des CAC avec sa grosse voiture…

Voilà pour cet acte consacré au sentiment d’impunité des financiers. Pour le prochain acte, nous demanderons à un employé d’une grande banque de raconter son quotidien…

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