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Entretien
par Yovan Menkevick

Les cassandres du GIEC et le matheux têtu…

  C'est à la suite de la publication de la vidéo d'Arte sur la conférence de Doha (et du pseudo débat qui eut lieu lors de cette émission) que nécessité s'est faite d'interroger le mathématicien "sceptique", Benoît Rittaud alors présent sur le plateau.

 

C'est à la suite de la publication de la vidéo d'Arte sur la conférence de Doha (et du pseudo débat qui eut lieu lors de cette émission) que nécessité s'est faite d'interroger le mathématicien "sceptique", Benoît Rittaud alors présent sur le plateau. Il faut savoir qu'il n'y a pas que les climatologues d'impliqués dans la recherche sur le climat : de nombreux corps scientifiques en font partie, et les mathématiciens, comme Benoît Rittaud au premier chef, avec par exemple le calcul de la température moyenne du globe. Posons bien les bases de cet entretien vis à vis du réchauffement climatique anthropique, devenu "changement" puis "dérèglement" climatique en quelques années : il est ici question de permettre à un scientifique qui a écrit un ouvrage très précis, argumenté et référencé sur le sujet, ouvrage qui conteste les discours du GIEC (relayés de façon massive par les médias dominants et les politiques), de s'exprimer librement. Rien d'autre.

Le réchauffement qui a eu lieu lors des années 80 et 90 n'est pas mis en cause par Benoît Rittaud qui se base sur de nombreuses recherches de "sceptiques" sur le climat. Ce qui est mis en cause par le mathématicien est avant toute la démarche scientifique des rapports ainsi que des modèles utilisés par le GIEC. Mais aussi le refus d'admettre des erreurs, des incohérences qui s'accumulent sur la tête des partisans d'un "dérèglement climatique" causé par l'homme et ses rejets de gaz à effet de serre, Co2 en tête. Parce que cette affaire de réchauffement-changement-dérèglement climatique mettant en cause l'humanité dans sa manière de fonctionner n'est absolument pas anodine, touche aux décisions politiques de nombreux domaines, nous enferme dans une vision du monde très particulière, il est intéressant d'entendre quelqu'un qui a étudié longuement le sujet, amène de nombreuses réflexions de fond tout en refusant de se plier à la doxa globale : un amoureux de la science qui rejette les pseudo-sciences, comme l'est la "climatomancie". Un esprit libre, dont l'ouvrage, "Le mythe climatique" (publié en 2010 au Seuil, collection Science Ouverte), mérite une attention et une audience bien plus large que les discours enflammés et apocalyptiques des "carbocentristes", ces nouveaux écolo-prêtres qui demandent à l'humanité de se repentir, quitte à mentir au delà de l'acceptable…et détourner la science de son objectif unique : décrire la réalité.

Vous avez été comme la plupart d'entre nous un défenseur de la thèse du réchauffement climatique uniquement causé par les rejets de gaz à effets de serre humains : quand avez-vous changé de vision et pourquoi ?** Benoît Rittaud :  "Défenseur" est un terme un peu fort : disons que j'adhérais passivement à l'idée, d'autant plus facilement que le climatoscepticisme n'existait pour ainsi dire pas dans les médias. Je ne m'intéressais pas spécialement au sujet, jusqu'au jour où j'ai voulu séparer le bon grain de l'ivraie. Comme beaucoup de monde sans doute, j'ai une méfiance instinctive envers les discours catastrophistes. J'étais persuadé que la source scientifique de l'alarmisme devait être beaucoup plus prudente que les annonces spectaculaires dont nous étions - et sommes encore - bombardés quotidiennement. C'est donc avec beaucoup de surprise que je me suis aperçu que la sphère scientifique était tout autant happée par cette angoisse de fin du monde climatique que les sphères médiatiques ou politiques. Il m'est très vite apparu que, malgré tout, tout cela était loin de reposer sur la seule science, encore très parcellaire et incertaine. C'était fin 2007. J'ai alors estimé que je pouvais jouer un rôle constructif dans le débat, et c'est ce qui a donné mon livre.   *Votre livre, justement, permet de découvrir des éléments très importants pour comprendre que les choses ne sont pas si simples d'un point de vue scientifique. Ces éléments sont publics, et pourtant très peu médiatisés. Il y a par exemple la fameuse courbe de hockey… Pouvez-vous nous expliquer cette histoire de courbe, et en quoi elle est importante pour comprendre la "guerre" scientifique qui fait rage sans que le grand public ne soit mis au courant de celle-ci ?* B.R : **La courbe en crosse de hockey est une reconstitution de l'évolution de la température globale au cours du second millénaire, qui montre un léger refroidissement, très régulier, jusqu'au milieu du XIXè siècle, moment qui marque le début d'une spectaculaire croissance des températures, donnant à voir une courbe qui a un peu la forme d'une crosse. Publiée en 1998 dans la prestigieuse revue Nature par trois chercheurs américains, Mann, Bradley et Hughes, elle est devenue l'emblème du réchauffement climatique d'origine humaine : le milieu du XIXè siècle correspond au début de l'ère industrielle et du rejet de gaz à effet de serre, il était tentant d'y voir l'origine de la brusque inflexion dans les températures. Il a fallu cinq ans avant que deux climatosceptiques, McIntyre et McKitrick, aillent regarder de plus près la manière dont cette courbe avait été obtenue. Ils ont établi que celle-ci avait été élaborée à partir de données très lacunaires et souvent fausses, mais aussi avec un traitement statistique incorrect. Cette pièce maîtresse de l'argumentaire carbocentriste, qui fut un puissant symbole utilisé pendant des années comme preuve d'un réchauffement d'origine humaine, s'est ainsi révélée n'être rien de plus qu'un artefact sans valeur.

Il est assez stupéfiant de voir que la remise en cause scientifique incontestable de ce graphique n'a rien changé à l'approche sur le réchauffement climatique. Normalement, en sciences, on se remet en question quand on découvre des erreurs aussi importantes : comment expliquez-vous cette situation incroyable ?** B.R : **Il est compréhensible que les carbocentristes n'aient pas renoncé à leur théorie sur la base de ce seul revers, si important qu'il ait été. Malgré l'opinion commune, il est courant et normal qu'une théorie scientifique possède des zones d'ombres et qu'il faille faire avec ; la science n'avancerait guère sans cette liberté de passer outre une difficulté, même grave. Les problèmes ont été ailleurs. Le premier est la manière dont les scientifiques ont réagi, en tentant de disqualifier leurs contradicteurs de façon véhémente, et en refusant de divulguer les détails de leur méthodologie ou les programmes informatiques qu'ils avaient utilisés. Le second, c'est de s'être montrés incapables de tirer des leçons pourtant simples de ce fiasco : la nécessité d'impliquer des statisticiens et des spécialistes des bases de données dans ce genre de travail, le devoir de transparence, la nécessaire modestie face à un système particulièrement complexe comme le climat terrestre, l'ouverture à la critique... à l'heure actuelle, les auteurs de la courbe en crosse de hockey n'ont toujours pas reconnu loyalement leurs erreurs, malgré toutes les évidences. L'enjeu d'amour-propre est devenu tel qu'il est peu probable qu'ils soient capables d'un tel effort avant longtemps.

A vous lire, on est presque dans une sorte de guerre de "religions" et la science n'en sort pas grandie… Dans votre ouvrage, "le Mythe climatique", vous parlez de "science pathologique" : pouvez-vous nous expliquez ce concept ?** B.R : **L'expression de science pathologique a été proposée par Irving Langmuir dans un exposé de 1953. Il y mentionnait un certain nombre d'exemples de théories scientifiques fausses qui avaient réussi, un temps, à rallier les suffrages d'un nombre important de scientifiques tout à fait compétents. Il identifiait six symptômes de théorie scientifique susceptible de constituer une science pathologique : (1) un effet maximal produit par une cause de très faible intensité ; (2) la nécessité d'un grand nombre de mesures pour pallier à la faible signification statistique des résultats ; (3) l'affirmation d'une très grande précision dans les résultats ; (4) des théories extraordinaires contraires à l'expérience ; (5) des réponses ad hoc aux critiques, faites sous l'impulsion du moment ; (6) un nombre de partisans qui grimpe jusqu'à environ 50% avant de chuter progressivement à zéro. Le carbocentrisme souffre de la plupart de ces symptômes, plus quelques autres liés à la présence de considérations économiques, politiques et idéologiques.

Si l'on se penche sur  le calcul de la température moyenne à la surface du globe, là aussi c'est assez surprenant : vous indiquez qu'une majorité des stations météorologiques sont aux USA, que l'urbanisation a envahi ces stations (autrefois en pleine nature), avec du bitume et de la pollution locale, et que les statistiques sont assez étranges d'un point de vue méthodologique : a-t-on réellement une température moyenne du globe correcte à votre avis ? Parce que si tout est fait un peu de façon un peu amateur, il est quand même assez ennuyeux de nous parler de hausse ou de baisse de température sans que cela soit scientifiquement correct…sachant que la "moyenne" est un concept que vous mettez lui aussi en doute, d'un point de vue mathématique.

B.R :  Un gros problème est que la température de la Terre est calculée à partir d'un réseau de stations météorologiques qui n'a pas été conçu pour cet objectif. On essaye de faire de la climatologie globale à partir d'un outil destiné à la météorologie locale. L'outil étant inadapté, il présente de nombreuses imperfections, la première étant une précision insuffisante pour mesurer ce qu'il faut mesurer. Nous parlons d'une augmentation de la température d'environ 0,7°C sur un siècle et demi : combien de stations météo de par le monde peuvent prétendre à une telle précision, et sur une durée aussi longue ? Extrêmement peu. On a donc recours à des rustines mathématiques. Il faut bien faire avec de qu'on a, mais lorsqu'il s'agit de mesurer une variation de température aussi faible, l'on ne peut que constater la faiblesse de nos moyens. D'un point de vue plus général, en effet, la notion même de température de la Terre est déjà contestable, parce que la Terre n'a pas une température homogène et qu'il n'y a pas de moyen théorique de définir une notion de "moyenne des températures" qui aurait un sens physique réel (il faudrait plutôt considérer des quantités de chaleur et non des températures). L'indicateur utilisé de "température de la Terre" est donc doublement problématique :  de graves lacunes théoriques et de graves défauts dans les observations.

Vous indiquez dans votre ouvrage, à propos des variations de températures au cours du temps (telles qu'elles sont référencées), la chose suivante : "Dans les années 20, le réchauffement marque toutefois de nouveaux points car les températures ont tendance à monter. Las ! Dans les années 70, la température recommence à baisser (une baisse amorcée en fait dès les années 40)".   Au final, le GIEC n'arrive pas à reconnaître ces variations, alors qu'elles sont dans leurs propres statistiques. Vous allez plus loin en effectuant une courbe de température sur des décennies en jetant une pièce de monnaie, et cette courbe est en gros la même que l'on pourrait avoir aujourd'hui… Vous pouvez nous expliquer ce phénomène de variabilité des températures et des méthodes statistiques employées, les modèles informatiques des observatoires et de leur totale opacité en termes informatiques ?** B.R : **Personne ne sait vraiment pourquoi la température a évolué comme elle l'a fait depuis le XXè siècle. Non pas que personne ne reconnaisse la forme de la courbe : personne, je crois, ne conteste que les températures ont stagné au milieu du siècle, qu'elles ont augmenté au début et à la fin à peu près à la même vitesse, et que nous soyons aujourd'hui sur un plateau. L'idée générale pour expliquer la stagnation du milieu du XXè siècle consiste à supposer que les aérosols ont freiné le réchauffement (en faisant en quelque sorte écran à la lumière reçue du soleil). Comme on ne sait pas bien quantifier le phénomène, on peut essayer d'en déterminer les paramètres à partir de la courbe de température elle-même. La bonne adéquation qui en résulte ne prouve donc pas grand chose, seulement qu'il est toujours possible de bien coller à une courbe en adaptant comme il faut les paramètres que l'on se donne. C'est une idée étudiée par Gordon en 1991 que la courbe de température pourrait être plus ou moins aléatoire, c'est-à-dire ne pas dépendre de quelques causes majeures mais d'un grand nombre de causes minuscules. Quoi qu'il en soit, le plateau actuel de la température globale, astucieusement baptisé "pause", marque à l'évidence que, même en ne considérant que les plus importantes, les causes de l'évolution de la température à l'échelle décennale ne sont pas toutes connues ou comprises.

Pour finir, quel est à votre sens le devenir du GIEC et de ses prédictions catastrophiques qui se révèlent de plus en plus décalées  ? Vous parlez dans un chapitre de votre livre de pseudo-sciences et de climatomancie…** B.R : **Aux côtés de la science existent beaucoup de disciplines non-scientifiques qui en sont des reflets déformés : l'astrologie (pour l'astronomie), la numérologie (pour les mathématiques), l'alchimie (pour la chimie), les médecines parallèles, etc. Ce qui est remarquable, c'est que l'histoire montre que ces disciplines, regardées aujourd'hui comme de la pseudo-science, ont été initialement fondées, et même longtemps prolongées, par des chercheurs par ailleurs éminents : Ptolémée ou Kepler pour l'astrologie, Pythagore pour la numérologie, Newton pour l'alchimie... Une explication est que les scientifiques, confrontés à un objet nouveau ou complexe, peuvent avoir du mal à en déterminer les parties susceptibles d'une investigation rationnelle. Ainsi, le climat terrestre, qui compte parmi les systèmes physiques les plus complexes que nous connaissons, donne un exemple contemporain d'apparition de pseudo-science : à côte de la climatologie, discipline scientifique, se créé la "climatomancie". Comme pour les autres pseudo-sciences, elle est d'abord l'oeuvre des scientifiques eux-mêmes.

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