Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Yovan Menkevick

Le #FN fait les bons constats, le #FN a la côte, le #FN aime la France, le #FN…

(Il faut à tout prix arrêter de dire n'importe quoi sur le Front national : ce parti a modifié son discours de façon radicale depuis 2011 et se positionne aujourd'hui comme un parti de gouvernement potentiel. Il est donc nécessaire de comprendre ce qu'il dit, qui il séduit, pourquoi il séduit, puis tranquillement, faire les constats qui s'imposent au cas où il parviendrait à prendre le pouvoir, où tout du moins le partager avec d'autres…

(Il faut à tout prix arrêter de dire n'importe quoi sur le Front national : ce parti a modifié son discours de façon radicale depuis 2011 et se positionne aujourd'hui comme un parti de gouvernement potentiel. Il est donc nécessaire de comprendre ce qu'il dit, qui il séduit, pourquoi il séduit, puis tranquillement, faire les constats qui s'imposent au cas où il parviendrait à prendre le pouvoir, où tout du moins le partager avec d'autres…)

Avec les derniers sondages d'opinion qui placent les "idées du Front national" au plus haut,  un possible raz-de-marée électoral aux municipales, mais surtout aux européennes est possible. La "classe politique", comme on l'appelle, est aux abois. Et l'attitude de condamnation du FN, bien connue et largement utilisée depuis 30 ans, d'une majeure partie de cette classe politique, ne semble plus vraiment fonctionner. Pourquoi  ? Parce que le FN n'est plus considéré comme un parti d'extrême droite. Mais par qui ? Par les détenteurs de cartes électorales. Les plus nombreux, soit dit en passant, comparé aux analystes politiques et aux politiciens, qui poussent, eux, des cris d'orfraie. Comment un parti d'extrême droite peut-il ne plus être d'extrême droite et parvenir réunir autant d'opinions positives ?

Le constat du FN 2.0

Ce qu'a réussi à faire la présidente du Front national, Marine Le Pen, en deux ans et demi, est un tour de force : transformer un parti raciste, entièrement centré sur des préoccupations d'extrême droite (immigration, insécurité) en un parti de droite contestataire-conservateur-anti-mondialisation, parfaitement en phase avec les analyses d'une majorité de la population. Ce FN 2.0 s'appuie sur Internet, a un réservoir de jeunes gens emballés qui travaille sur les réseaux sociaux au succès du parti, et sait exactement où se situent les malaises de la société, mais surtout, quelle est l'analyse populaire, (du plus grand nombre, donc) de ce même malaise. Le FN dénonce le déclin français, exactement comme les grands partis de gouvernement, le PS et l'UMP. Ce déclin cause de nombreuses souffrances, d'énormes changements dans la société : près de 9 millions de personnes sont en dessous du seuil de pauvreté en France en 2013. Désindustrialisation, chômage, croissance économique en berne, perte de marchés, incapacité à se maintenir dans la compétition mondiale, pouvoir d'achat de la population au plus bas : la France a commencé à perdre son statut de grande nation industrielle. Mais là où le FN se distingue des autres partis, ce n'est pas sur ces purs constats, mais sur les raisons qui amènent ces constats. Si l'UMP estime que le problème français est avant tout celui des charges qui pèsent sur les entreprises, de compétitivité pure, d'impôts trop élevés, le PS est à peu près sur la même ligne. Ce qui les sépare ne se joue qu'à la marge, autour de sujets périphériques au déclin économique, comme la justice ou l'école. Tout réunit en réalité le PS et l'UMP, et plus spécialement une chose : la "construction" européenne. Sa commission, ses critères contraignants, sa toute puissance technocratique, son libéralisme débridé vouant les pays a n'être que de vastes supermarchés jouant à se taper dessus dans une vaste et splendide "concurrence libre et non faussée". Cette Europe qui impose au Etats des budgets restreints et sous contrôle, basés sur des critères subjectifs, menant à une austérité éternelle.

Qui peut encore défendre la politique économique de l'Union européenne ? Le président actuel fustigeait le TSCG fin 2011 et disait en synthèse : "C'est une honte, ce traité va étouffer toute possibilité pour l'Etat de pratiquer une relance qui est nécessaire ! Une fois élu, je ne le signerai pas je le renégocierai !". A peine élu, le traité est signé par François Hollande moi-président, tel quel (avec le mot croissance en plus dans le titre, mais sans changer le contenu). Traité qui lui permet de justifier ses dizaines de milliards d'impôts, taxes, et autres réductions budgétaires qui étouffent à peu près tout et tout le monde. Les Français ne sont pas entièrement stupides, tout ça ils le savent. Comme ils savent ce qu'a fait le président du travailler-plus-pour-gagner-plus : 600 milliards de dette en plus en 5 ans, des contraintes légales franco-européennes sur à peu près tous les sujets, jusqu'à la façon de se comporter dans un espace public.

Et que dit le FN ? Il dit "UMPS". En réunissant ainsi les deux partis de gouvernement, le FN établit ce constat : "ces partis vous ont mené à ne plus pouvoir partir en vacances, alors que vous n'avez jamais travaillé autant, ces partis sont identiques, se connaissent, se passent le pouvoir, et surtout ils ont vendu le pays : à la technocratie européenne, aux multinationales, à la finance internationale".

Le discours du FN 2.0

Quand les grands partis de gouvernement de droite ou de gauche refusaient de faire de l'immigration un problème central, le FN passait pour ce qu'il était : un parti politique raciste d'extrême droite obnubilé par le fait de se jeter sur l'immigré maghrébin ou noir africain, déclaré centre de tous les maux de la société. Aujourd'hui, les quotas de reconduite à la frontière de sans-papiers est pratiqué de la même manière par un Guéant-Hortefeux qu'un Valls. L'effet de cette politique de "fermeté migratoire" sur le FN, est exactement inverse à celui recherché : au lieu de convaincre les électeurs du FN que les autres partis peuvent faire une politique "comme le FN", elle a démontré que désormais, vouloir atteindre des quotas humains d'étrangers qu'on parque dans des camps de rétentions dégueulasses en attendant d'être renvoyés dans des pays où ils peuvent se faire tuer, n'est pas être d'extrême droite. Plus besoin donc, pour la nouvelle présidente de se focaliser comme son père sur l'immigration ou la sécurité : Valls s'en charge, et ses gesticulations font sourire Marine Le pen, et ses électeurs avec elle.

La présidente du Front national a donc décidé de sortir son parti du rôle que le père Le Pen lui avait fait endosser : un parti poujadiste et raciste mais qui ne cherche pas à prendre le pouvoir, sème le bazar et joue aux grand méchant loup. Marine Le Pen a décidé de faire de son parti un parti de gouvernement. Il était donc nécessaire de le faire sortir de sa case extrême droite, et surtout de le faire parler au delà de son électorat naturel : les gros beaufs racistes nostalgiques de la gégène d'Algérie. Le discours ne peut donc plus être le même, plus du tout.

Les constats effectués plus hauts sur la prédominance d'une oligarchie financière dans le système économico-politique est le cheval de bataille de Marine LePen. Les dénonciations de cette mondialisation qui enrichit les ultra riches et met au chômage les Français désormais soumis aux décisions des conseils d'administration à la solde d'un actionnariat sans frontières qu'effectue Marine Le Pen sont identiques à celles de la gauche de la gauche et de l'extrême gauche. Avec une cerise sur le gâteau, et pas des moindres : le souverainisme-nationaliste comme réponse à cette opa euro-mondialiste sur le pays chéri du saucisson pinard et de la pétanque. Cette solution souverainiste-nationaliste est assez simple, et a une capacité de séduction très forte pour une raison principale : elle n'a jamais été appliquée par personne, et personne ne la propose. Sortir de l'Union européenne qui nous a menée là où nous sommes, dans le fossé, sortir de l'euro, cette monnaie qui nous appauvrit chaque jour un peu plus, battre de nouveau monnaie, faire le ménage entre nous, sans plus aucune contrainte extérieure. Par exemple, sur les Roms, si l'Europe peut venir rappeler à l'ordre la France et l'empêcher de "faire des trains de Roms" (comme ce fut le cas avec Sarkozy, sermonné par l'UE) avec la solution Marine de sortie de l'Europe, plus personne ne pourra nous empêcher quoi que ce soit. Cette proposition d'un retour à la France d'antan, glorieuse, est le cœur du discours lepeniste 2.0. Et vue la situation sociale, économique, politique…il emballe. De plus, l'aventure proposée est exaltante, il se passerait enfin quelque chose dans ce pays totalement éteint, c'est en tout cas ce que peuvent croire les électeurs potentiels (ou non) du Front national.

Conclusion : Le FN n'a plus rien à démontrer

Le "tous pourris" du FN arrivait à convaincre une partie des électeurs, mais à la marge. Avec des Cahuzac, des DSK ou autres Takiedine-Sarkozy-Juppé additionnés aux reniements permanents des derniers présidents élus, cette affirmation est partagée aujourd'hui par le plus grand nombre. Mais cette conviction populaire ne suffit pas, et le FN le sait bien. Il faut donc pour le parti d'extrême droite souverainiste anti-corruption/mondialisation, amener des réponses concrètes aux problèmes des "gens". Les seuls aspects de sortie de l'union européenne, du retour au franc ne sont pas suffisants. Le FN se positionne donc comme défendeur de la laïcité, celle qui chasse les femmes voilées et que la gauche plébiscite. Le FN n'est plus contre l'IVG, comme la gauche, et comme la droite, par force. Le FN n'est plus libéral, il veut de la régulation, il croit au pouvoir de l'Etat et veut combattre les abus des "voyous en col blanc". Le FN veut protéger les citoyens, pas seulement des délinquants, il n'a même plus besoin de le dire tellement chacun connaît sa "fermeté" sur le sujet, mais aussi socialement : les citoyens qui méritent, les bons français, une majorité lorsqu'on y réfléchit bien, puisque se définir comme "mauvais français" doit être assez rare. Le FN a des propositions économiques, parle des vrais sujets qui touchent les gens, pratique une parole politique de bon sens populaire, et prétend être en mesure d'amener des réponses concrètes aux problèmes des citoyens. Et il le fera. Surtout si les problèmes des gens sont des camps de gens du voyage, des cambriolages et autres incivilités. L'esprit Front national est partagé par le plus grand nombre, et si personne ne sait comment cet esprit se concrétisera dans les urnes, il est parvenu à s'immiscer dans la société qui, effarée par l'inconséquence des élites au pouvoir, n'en peut plus de se voir soir et matin sur les écrans de télévision ou sur son compte en banque, décrite comme une bande de losers piégés par une petite tribu d'oligarques et leurs valets en costume cravate qui se pavanent dans les ministères ou dans les chambres des représentants.

Nous sommes au seuil d'un changement de paradigme très important.

A chacun de chercher comment l'éviter…ou pas le vivre.

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