Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Antoine Champagne - kitetoa

La (non) preuve numérique

Tout est désormais numérique. Nous avons tous, y compris les plus jeunes, une projection de nous-mêmes sur le réseau. Il y a, paraît-il, des "crimes" numériques. Plutôt des délits, mais ne tente-t-on pas d'assimiler ces délits à du terrorisme, à des guerres ? Ne parle-t-on pas de cybercrime et de cyberguerre à tout bout de champ ? Pourtant, la cyberguerre et le cyberterrorisme ne font que des cybermorts.

Tout est désormais numérique. Nous avons tous, y compris les plus jeunes, une projection de nous-mêmes sur le réseau. Il y a, paraît-il, des "crimes" numériques. Plutôt des délits, mais ne tente-t-on pas d'assimiler ces délits à du terrorisme, à des guerres ? Ne parle-t-on pas de cybercrime et de cyberguerre à tout bout de champ ? Pourtant, la cyberguerre et le cyberterrorisme ne font que des cybermorts. Bien moins grave, donc que la vraie guerre disséminée dans toutes les régions de la planète par les civilisations supérieures chères à Claude Guéant. Moins grave aussi que le terrorisme réel mené par des illuminés. Alors, si crime il y a, preuve (numérique) il doit y avoir pour confronter les auteurs à leurs actes, devant des tribunaux.

Sauf que ces preuves ne valent pas un kopeck.

 

1,2,3... coucou, une preuve sortie du chapeau !

 

Pour avoir été confronté à la justice dans l'affaire Tati/Kitetoa, je sais ce que valent les experts près les tribunaux. Ils ont parfois un titre un rien survendu. Ils sont surtout expert de rien du tout ou de tout autre chose que d'informatique. Même topo dans l'affaire Tegam/Guillermito. Si l'avenir des mis en cause n'était pas en jeu dans ces histoires, ce serait à mourir de rire.

Mais non, ce n'est pas drôle de voir quelqu'un qui a l'oreille d'un tribunal raconter n'importe quoi sur ce que vous avez supposément fait.

Ces pseudo-experts sortent n'importe quel lapin décharné de leur chapeau.

S'il n'y avait que cela...

Tout le monde comprend, grâce à notre bon président, comme dirait MMM, que le numérique facilite la contrefaçon. C'est paradoxalement vrai aussi en matière de preuve. Pourtant, comme pour l'ADN, toute une frange de la population, dont des juges, croit dur comme fer que tout cela, des zéros et des uns, des séquences ADN, c'est infaillible. Comment ? On pourrait récolter des preuves ADN et les placer sur une scène de crime pour induire en erreur la justice ? Comment ? On pourrait implanter des "preuves" numériques dans un ordinateur que l'on saisirait opportunément par la suite ? Nooooon... Impossible. Théorie du complot...

Avez-vous noté que la loi LOPSI2 permet à la police de placer des chevaux de Troie sur les ordinateurs de suspects ? Je ne sais pas vous, mais moi, je trouve que #çafoutlatrouille.

Voilà qui ouvre la voie à toutes les dérives possibles. Les récentes affaires liées à l'IGS et celles liées au patron de la DCRI permettent d'imaginer que comme partout, il y aussi chez les policiers des gens pas tout à fait honnêtes pouvant se laisser aller dans certaines circonstances.

 

Demain des cyberpreuves permettant une vraie guerre ?

 

Si l'on applique cette théorie du complot à la guerre, la cyberguerre, pour être précis, cela devient plus ennuyeux parce que ceux qui pourraient la déployer ont aussi de vrais chars, de vrais drones, de vrais avions de chasse et de vrais missiles nucléaires. Et il faut le savoir, un missile nucléaire qui tombe sur la table de votre petit déjeuner, ça vous ruine la journée.

Mais voyons cela en détail. Imaginons qu'un gouvernement annonce avoir les preuves que tel ou tel a lancé une cyberguerre contre ses serveurs essentiels, que ceux-ci ont été troués, et décide de riposter dans le monde réel...

Improbable ? Vraiment ?

Il y a quelques mois, Barack Obama a approuvé une nouvelle politique en ce sens.

Une fausse preuve pour justifier une guerre bien réelle. Un vrai cauchemar dans le cas d'un pays qui légitime l'usage de la torture, qui envoie des drones ou des avions de chasse bombarder des enfants (une question de civilisation sans doute) et qui envoie ses représentants mentir à la tribune de l'ONU sur les supposées armes de destruction massive et autre Antrax justifiant une "guerre préventive", un concept peu usité depuis celles déclenchées par un certain Adolf Hitler (ayé j'ai mon point Godwin).

Récemment, nous dissertions sur la destruction annoncée des données sur les serveurs de Megaupload. Seules subsisteront les "preuves numériques" à charge, détenues par les États-Unis. Pratique, mais pas très agréable pour la défense. Quoi que l'on puisse penser de Kimble.

Il ne serait peut-être pas inutile que la société civile se saisisse de ce sujet et en débatte avant que le législateur -- qui n'y entrave que pouic -- ne ponde de nouvelles lois dangereuses.

 

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