Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Antoine Champagne - kitetoa

La France continue-t-elle à acheter du pétrole libyen et à qui ?

La transparence n'est visiblement pas une qualité du gouvernement français. Il y a quelques jours, Reflets.info posait au service de presse de Bercy les questions suivantes : Sait-on quel est le montant des avoirs libyens détenus par des banques françaises ou ayant une présence en France ? La répartition de ces avoirs (appartenant directement au colonel Kadhafi ou sa famille, au gouvernement libyen, aux entreprises libyennes, etc.) ?

La transparence n'est visiblement pas une qualité du gouvernement français. Il y a quelques jours, Reflets.info posait au service de presse de Bercy les questions suivantes :

  • Sait-on quel est le montant des avoirs libyens détenus par des banques françaises ou ayant une présence en France ?
  • La répartition de ces avoirs (appartenant directement au colonel Kadhafi ou sa famille, au gouvernement libyen, aux entreprises libyennes, etc.) ?
  • Quelles banques françaises gèrent des avoirs notamment détenus par la Libyan Investment Authority (LIA) ?
  • Pour quels montants et dans quelles activité (gestion de fonds, participations) ?
  • La répartition des avoirs de la LIA en France (participations dans des entreprises) ?
  • La France a-t-elle gelé des avoirs libyens et si oui, quelle est la répartition de ces avoirs ?

En ce qui concerne les importations de pétrole :

  • La France est destinataire d’environ 10% des exportations de pétrole libyen. La production libyenne a été réduite d’environ 50% ces derniers jours. Il reste donc 5% des Exportations qui continuent d’arriver en France. Quelles sont les procédures administratives et financières qui encadrent les importations de pétrole ?
  • Des autorisations de l’Etat sont-elles nécessaires ?
  • Les entreprises pétrolières sont-elles totalement libres d’importer ce pétrole. Comment sont effectués les règlements financiers et auprès de qui en Libye ?

A ce jour, à part un laconique tweet de @_Bercy_ sans aucune réponse à nos questions, le silence total est de mise.

Dans un article sur ces sujets, Reflets.info expliquait que le gouverneur de la banque centrale de Libye est également le président de l'Arab Banking corporation, une

sorte d'incongruité. L'ABC a une représentation en France depuis des années. Bercy est donc au fait de ces informations.

L'ABC a de son côté publié un communiqué pour expliquer qu'elle n'était pas concernée par le gel des avoirs libyens. Avant la crise libyenne, la France importait 10% du pétrole de ce pays. Qu'en est-il aujourd'hui ? Mystère et boules de gomme. D'autant que Bercy ne souhaite pas répondre. Nous incitons bien entendu nos lecteurs à se saisir de ces questions et à les poser à @_Bercy_. Les citoyens de ce pays démocratique et donc transparent qu'est la France, ont probablement le droit de poser des questions et d'obtenir des réponses des administrations auxquelles ils délèguent leur pouvoir ? S'il y a bien une chose qui est certaine, c'est que Bercy doit suivre au jour le jour avec une très grande précision et dans les moindres détails l'évolution des importations de pétrole en France. L'information ne manque pas. C'est la diffusion de l'information qui fait défaut...

Dans sa newsletter "Les coulisses de l'économie et des médias" datée du 8 mars, Le Monde indique que "le régime libyen tire toujours profit des revenus pétroliers". Si Le Monde ne donne pas de précisions sur les importations française, il pose la question de la destination des fonds lorsque le pétrole est exporté. Doit-on payer la banque centrale (dirigée par le président de l'Arab Banking Corporation) ou les rebelles :

Malgré les sanctions financières occidentales, le régime libyen bénéficie toujours des revenus pétroliers, grâce au maintien des exportations. Lors de la dernière semaine de février, les exportations de pétrole libyen se seraient élevées à 570 000 barils par jour, contre 1,58 million en moyenne de barils par jour avant le début des troubles. Au 6 mars, les exportations seraient tombées à 220 000 barils par jour, ce qui devrait rapporter 200 millions de livres (231,9 millions d'euros) de revenus à la Banque centrale, tenue par des hommes liges du dictateur de Tripoli.Bon nombre de compagnies occidentales ont arrêté le chargement de brut libyen en raison de l'envolée des tarifs d'assurance et du transport maritime. Par ailleurs, le flou des sanctions les incitent à l'attentisme. En revanche, pétroliers chinois et indiens sont toujours actifs.

Les négociants en pétrole libyen éprouvent des difficultés à se financer auprès de leurs banques, en raison non seulement du risque politique mais des incertitudes quant à la légitimité du vendeur. "A qui appartiennent vraiment ces barils, au régime ou aux rebelles ?", s'interroge un trader genevois.

Selon Reuters qui cite un autre trader, personne n'est payé. Ni la banque centrale, ni les rebelles... Les banques refusent

les transactions en dollars en raison de l'embargo américain. La plupart des grands pétroliers américains ont arrêté leurs importations en provenance de Libye.

Selon Goldman Sachs, une bonne partie des lieux de production et d'exportation de pétrole en Libye est déjà aux mains des révolutionnaires anti-Kadhafi (voir le tableau ci-contre). Selon la banque américaine, 1 million de barils par jour sur la capacité de 1,6 millions de la Libye ne sont pas exportés.

Goldman Sachs précise bien entendu que la situation est très confuse et qu'il est parfois difficile de savoir si les champs pétroliers ou les terminaux d'exportation sont aux mains des troupes fidèles au colonel Kadhafi ou aux mains des insurgés.

Si Goldman Sachs ne fait pas d'erreur, son tableau donne une raison supplémentaire de penser que Bercy et Total doicent suivre de très près l'évolution. L'un des champs gérés par Total serait aux mains des insurgés.

Selon le site de Total, en 2009, les activités du groupe en Libye se répartissaient comme suit :

Libye

En Libye, la production du Groupe s’est élevée à 60 kb/j en 2009, contre 74 kb/j en 2008 et 87 kb/j en 2007. Cette baisse est essentiellement due à l’application des quotas OPEP et aux nouveaux termes contractuels sur les blocs NC 115 (30%) 2 et NC 186 (24%) 2, sur lesquels Total est partenaire.

  • Sur le champ de Mabruk (bloc C 17, 75% (5), opérateur), le plateau de production de 19 kb/j a été maintenu en 2009. Par ailleurs, le plan de développement des structures de Dahra et Garian a été approuvé par la National Oil Corporation (NOC) mi-2009.
  • Sur le bloc C 137 (75% (5), opérateur), la reprise des activités sur le champ d’Al Jurf est intervenue fin décembre 2008 après l’arrêt temporaire de la production à la suite des difficultés rencontrées en avril 2008 lors d’une opération de forage. En 2009, la production s’est établie à 31 kbep/j. Par ailleurs, un projet de réinjection du gaz associé a été lancé en mai 2009.
  • Un protocole d’accord a été signé en février 2009 entre la NOC et Total concernant les blocs C 137 et C 17 afin de convertir les contrats existants en contrats EPSA IV (contrats d’exploration et de partage de production) et les étendre jusqu’en 2032. Dans ce cadre, des engagements de forage d'exploration supplémentaires ont été pris. Les contrats EPSA IV, signés en mai 2009, ont été ratifiés par le gouvernement libyen début 2010.
  • Sur les blocs NC 115 et NC 186, une campagne sismique de près de 5 000 km2 a démarré en décembre 2009.
  • Sur le bassin de Murzuk, à la suite du succès du forage d’appréciation de la découverte réalisée en 2006 sur une partie du bloc NC 191 (100% (5), opérateur), un plan de développement a été soumis aux autorités en 2009.
  • Sur le bassin de Cyrénaïque, le forage d’un puits d’exploration a débuté en février 2010 sur le bloc 42 2/4 (60% (5), opérateur).

(5) Participation dans le consortium étranger

Il est regrettable que dans un pays dit démocratique, il faille que les journalistes creusent pendant des jours pour obtenir des informations qui devraient être communiquée sur simple demande. C'est le cas pour les ventes d'armes à la Libye, les formations données par les forces anti-émeutes françaises dans ces pays, les importation (ou pas) de pétrole libyen en pleine révolution sur place... Il est regrettable que le service de presse de Christine Lagarde ne prenne même pas la peine de répondre aux mails qui lui sont adressés. Ne serait-ce que par politesse.

 

0 Commentaires
Une info, un document ? Contactez-nous de façon sécurisée