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Édito
par epimae

La Blonde, le prof et la racaille

Les séries télévisées se trouvent être très en vogue actuellement. Les sujets sont variés et peuvent passer de drames familiaux, de comédies un peu légères à des thrillers prenants, sans oublier le fantastique, la science fiction ou l’historique. Depuis quelques années, un grand soin est donné à la technique de tournage et aux scénarios. C’est ainsi qu’on a commencé à voir apparaître des séries tournées par de grands réalisateurs de cinéma.

Les séries télévisées se trouvent être très en vogue actuellement. Les sujets sont variés et peuvent passer de drames familiaux, de comédies un peu légères à des thrillers prenants, sans oublier le fantastique, la science fiction ou l’historique.

Depuis quelques années, un grand soin est donné à la technique de tournage et aux scénarios. C’est ainsi qu’on a commencé à voir apparaître des séries tournées par de grands réalisateurs de cinéma. Les plus marquantes furent celles de David Lynch (Twin Peaks), d’Alan Ball (Six Feet Under et plus récemment, True Blood) ou même de Scorcese (Boardwalk Empire), dans cette dernière, Martin s’est contenté d’en être le producteur même si selon les rumeurs de coulisses, il ne se limite pas à financer cette œuvre.

Oubliées, les « plus belle la vie », les « Dallas » et autres séries mièvres et répétitives, le début du 21 ème siècle restera très certainement marqué par de très belles œuvres télévisuelles, les Golden Globes leur réservent d’ailleurs une part non négligeable.

Parmi toutes ces fictions de petit écran, Breaking Bad semble être actuellement la série qui se rapproche la plus de la technique cinématographique, voire photographique.

Une histoire de drogue sur fond de cancer

Walter White est un banal professeur de chimie dans un lycée américain tout aussi banal, non loin de la frontière mexicaine. Il mène une vie tranquille, pour ne pas dire ennuyeuse, coincé entre une femme enceinte et un fils handicapé un peu niais. Autour de cette famille triste à mourir, gravitent un beau frère flic et une sœur stupide et névrosée qui prendront toute leur importance dans le scénario de Breaking Bad.

L’acteur, par son jeu incomparable, embarque le téléspectateur dans sa monotonie et notre première réaction est de se demander ce qu’on fait là devant sa télé.

Mais, le cancer vient s’immiscer dans cette histoire amenant enfin un peu de vie (c’est un comble) dans cette histoire tristounette de cadre moyen américain. C’est aussi le choc pour White qui n’a qu’une obsession : protéger sa famille et assurer à cette dernière des conditions de subsistance décentes après sa mort.

C’est cette obsession qui lui fera commettre l’irréparable et qui le poussera à collaborer avec le jeune Jesse, un looser paumé qui ne sait pas quoi faire de sa vie.

Louant dans un premier temps un vieux camping car, les deux compères vont aller confectionner de la meth en plein désert mexicain, mais très vite ils vont se rendre compte que les talents du chimiste leur feront faire une « cooking » exceptionnelle que tous les dealers vont s’arracher.

C’est alors la course à l’argent qui commence, les billets appelant d’autres billets, cette petite affaire de cuisine familiale de meth va devenir petit à petit une sacrée entreprise avec les dangers qu’elle peut comporter et engendrer.

L’intrigue est lancée : Walter White devient un Heisenberg chauve et froid, Jesse est désormais un riche tout aussi paumé, et la famille banale plonge dans une spirale dangereuse et destructrice.

Un réalisateur/scénariste aux frontières du réel

Vince Gilligan, né en Virginie il y a 44 ans, est directement issu du monde de la série. Scénariste, puis réalisateur, il a fait ses premières armes sur les X Files après être sorti d’une école de production cinématographique.

Même si les exploits de Mulder et Scully n’ont pas constitué une grande série, il faut lui reconnaître des scénarios souvent surprenants, des idées tordues et bien souvent un suspens auquel le spectateur ne pouvait que se faire prendre.

Dans Breaking Bad, on retrouve le don de Vince Gilligan pour les rebondissements inattendus, les questions demeurant longtemps sans réponse et la manière subtile de faire émerger un suspens progressif mais haletant.

La caméra manie finement les énigmes et il faut souvent être très attentif pour percevoir le détail essentiel de la scène. Ainsi, Vince fait parler les couleurs et ce langage inédit vaut la peine d’être exploré.

Une série très colorée

Dès le générique, la couleur verte est présente, soulignant des symboles chimiques. Puis au fil des épisodes, il y aura toujours un détail, une pièce, un mur, un vêtement de Walter quelque chose qui porte ce vert couleur dollar, et ce, tout le long des 4 saisons (la cinquième est en cours de diffusion). Il est d’ailleurs fort probable que Vince Gilligan ait voulu faire référence à l’argent gagné par les deux protagonistes, argent qui revient de façon récurrente rappeler aux héros que leurs activités ne sont pas bien honnêtes.

Le rouge est également une couleur qui revient fréquemment. Couleur du sang, de la colère, mais aussi du pouvoir et de la puissance.

C’est là où le génie de Vince Gilligan frappe à nouveau au sein de plans réellement photographiques où la couleur vient s’imposer et guider le regard vers des personnages et éléments du décor essentiels.

Le rouge est souvent présent quand vont se dérouler des évènements dramatiques ou mortels. Il introduit le suspens de façon subtile et angoissante.

Le jaune quant à lui, souligne les scènes se déroulant au Mexique. La couleur suggère une chaleur étouffante donnant aux scènes des allures de drame.

Enfin, tel un photographe, Vince Gilligan joue avec les noirs et blancs et les saturations des couleurs. Dans la deuxième saison, de nombreux épisodes débuteront avec des niveaux de gris très ternes et très peu contrastés (gros plan sur un escargot, sur une piscine, sur un œil) pour continuer par des zooms sur des objets hyper colorés, voire sur-saturés dans un univers monochrome.

Cela crée une ambiance très particulière, voire angoissante où le suspens pousse le téléspectateur à enchaîner les épisodes jusqu’à tard dans la nuit.

Une série aux allures hollywoodiennes

Vous l’avez compris, Breaking Bad est bien plus qu’une série. La prise de vue extrêmement travaillée techniquement, un scénario bien ficelé, des psychologies en perpétuelle évolution au fil des saisons, des acteurs crédibles font de cette œuvre un petit bijou à ne pas rater. La caméra saisit avec finesse le moindre détail et le réalisateur n’hésite pas à utiliser des vues en surplomb ou au contraire des vues au sol qui donnent une impression de réalité saisissante.

Les visages des acteurs sont travaillés au travers de l’objectif, aucun artifice ni maquillage ne venant cacher les rides du prof, les bourrelets de la blonde ou les yeux caverneux des junkies.

Breaking Bad est à voir et à revoir, on ne s’en lasse pas. Cette série signe véritablement la nouvelle génération d'objets télévisuels, sachant réunir suspens, technique de tournage, jeux d’acteurs pour devenir de véritables films, au sens noble du terme.

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