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par bluetouff

Julian Assange : ou quand les démocraties occidentales montrent leurs limites

Le ministre des Affaires étrangères équatorien vient d'annoncer que son pays accordait l'asile politique à Julian Assange. Le ministre a également profité de son intervention pour faire part publiquement des pressions diplomatiques que son pays a subies pour le contraindre à livrer le fondateur de WikiLeaks aux autorités britanniques. Mais il est encore trop tôt pour se réjouir.

Le ministre des Affaires étrangères équatorien vient d'annoncer que son pays accordait l'asile politique à Julian Assange. Le ministre a également profité de son intervention pour faire part publiquement des pressions diplomatiques que son pays a subies pour le contraindre à livrer le fondateur de WikiLeaks aux autorités britanniques. Mais il est encore trop tôt pour se réjouir. Londres reste déterminé à extrader Julian Assange vers la Suède, pays dans lequel une plainte a été déposée à son encontre pour un rapport sexuel non protégé, une accusation qui, pour la justice suédoise, est assimilable à un viol.

Les USA ont beau démentir toute pression sur Londres, personne n'est dupe, nous savons tous que l'extradition vers la Suède n'est qu'un premier pas pour extrader Julian Assange aux USA, pays dans lequel il pourrait comparaître devant un tribunal militaire. Comme l'a justement rappelé le ministre équatorien, Julian Assange pourrait être condamné à mort pour avoir permis la publication de 250 000 câbles diplomatiques américains.

Le crime de Julian Assange

Derrière les accusations fantasques de viol d'une plainte déposée peu après la publication de collateral murder, une vidéo où l'on voit un hélicoptère américain faire feu sur des journalistes, se cache une lutte de Washington pour faire venir Julian Assange sur son territoire et être en mesure de le juger. Mais le juger pour quoi au juste ? Il est en fait accusé d'espionnage pour avoir reçu anonymement ces câbles diplomatiques et avoir permis aux plus grands quotidiens nationaux du monde entier de publier ces câbles. Les rédacteurs en chef des quotidiens qui ont publié ces documents, ne sont, eux, pas inquiétés.

Washington s'acharne donc ouvertement sur la personne de Julian Assange et fait pression sur Londres, qui ne semble avoir d'autre choix que de faire pression sur l'ambassade d'Équateur.

Nous nous rappelons bien que tout a été fait pour faire taire WikiLeaks. Attaques informatiques par dénis de service, intimidations et même appels au meurtre par un sénateur américain ! Tout récemment, WikiLeaks était encore la cible d'attaques soutenues par dénis de service, ainsi que le site du Fonds de Défense de la Neutralité du Net qui collecte les dons pour WikiLeaks et dont votre serviteur est par ailleurs l'un des membres du conseil de gouvernance. Une plainte a d'ailleurs été déposée, pour l'instant sans aucun résultat concret, pas même un début d'enquête à notre connaissance.

Que va faire le Royaume-Uni ?

Londres pourrait annuler le statut diplomatique de l'ambassade d'Équateur dans laquelle le fondateur de Wikileaks est réfugié depuis maintenant deux mois, risquant ainsi une crise diplomatique majeure. Ceci constituerait à n'en pas douter une première mondiale pour un rapport sans préservatif !

Les autorités britanniques semblent décidées à faire extrader Julian Assange coûte que coûte, probablement sous la pression américaine. La police encercle actuellement l'ambassade et se tient prête à y pénétrer, une intrusion qui violerait la convention de Vienne. Pour ne pas contrevenir à cette convention, la pirouette des autorités britanniques consiste donc à retirer à l'ambassade d'Équateur son statut diplomatique d'ambassade ! ... Oui... pour un rapport sans préservatif !

Cette situation est tout bonnement ahurissante et marque bien les limites d'un pays qui n'a décidément plus rien d'une démocratie. Qui peut décemment croire que les autorités britanniques puissent en venir là pour un motif aussi ridicule, ce, alors que Julian Assange n'a même pas été inculpé par la justice suédoise pour les faits qui lui seraient reprochés !

Si Londres en venait à prendre une décision si démesurée, il serait alors du devoir des Nations unies et de l'Union européenne de réagir avec la plus grande fermeté à l'encontre des autorités britanniques.

Nous nous rappellerons en tout cas de ce jour comme celui où l'Équateur a donné une grande leçon de droits de l'Homme au Royaume-Uni et aux USA, mais aussi à toutes ces autres "démocraties", la France en tête, cette France qui aurait dû se faire un devoir d'accueillir Julian Assange, au nom des valeurs qu'elle se doit de représenter.

UPDATE 16/08/2012 :

  • 17h00 : Le NouvelObs rapporte que la Suède aurait convoqué l'ambassadeur équatorien à Stockholm pour "s'expliquer sur les accusations de partialité de son gouvernement contre la justice suédoise".  UPDATE 17/08/2012  :

  • 10h30 : El Pais et Le Parisien rapportent que l'Équateur a commencé à étendre le champs de bataille diplomatique en provoquant une réunion des ministres des affaires étrangères des pays de l'Union des Nations Sud Américaines (UNASUR) et de l'Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA). Objectif avoué de l'Équateur, faire bloc face aux intimidations de Londres. Quito se dit prêt à saisir la Cour Internationale de Justice (CIJ) de la Haye pour contraindre les autorités britanniques à laisser Julian Assange quitter le Royaume-Uni.

  • 11h00 : Selon Mediapart, Julian Assange dispose encore d'un recours, contrairement au son de cloche des autorités britanniques. Ce dernier pourrait "saisir la Cour Européenne des Droits de l'Homme et solliciter une mesure provisoire d'urgence au titre de L'article 39 ». Le Royaume-Uni et la suède ont ratifié la Convention européenne des Droits de l'Homme et il existe une solide jurisprudence favorable à Julian Assange, menacé de mort aux USA.

La jurisprudence Soering de la CEDH s'applique et doit être respectée : «  En conclusion, la décision ministérielle de livrer le requérant aux États-Unis violerait l’article 3 (art. 3) si elle recevait exécution.  ».

(...)

Cette jurisprudence a été confirmée par la CEDH à de nombreuses reprises. Ainsi, dans l’arrêt Jabari c/ Turquie du 11 juillet 2000, la Cour a considéré que l’expulsion d’une femme vers l’Iran où elle risquait d’être condamnée à mort par lapidation est incompatible avec l’obligation de la Turquie de respecter l’article 3 de la ConvEDH. " (Source)

  • 12H00 : Numérama expose 5 stratégies d'évasion pour Julian Assange.
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