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Édito
par Antoine Champagne - kitetoa

Je ne suis pas Charlie Hebdo, mais je suis Charlie Hebdo

Cabu - Salon du livre - Photo : Georges Seguin (Okki)
Cabu - Salon du livre - Photo : Georges Seguin (Okki)

C'est le type d'article que l'on voudrait ne jamais écrire. Il sera forcément gauche, incomplet. La tuerie dans la rédaction de Charlie Hebdo est inqualifiable. Toutes nos pensées vont aux familles des victimes. Parmi les victimes, Cabu et Bernard Maris étaient des gens que j'avais souvent croisés. Je ne suis pas Charlie Hebdo parce que je n'adhérais pas à sa ligne éditoriale. Mais je suis Charlie Hebdo parce que le meurtre d'un être humain est inexcusable. Peut-être encore plus lorsque le meurtrier veut ainsi lutter contre les arguments de sa victimes. C'est une preuve d'inhumanité. Celui qui ne peut dialoguer autrement que par la violence démontre son incapacité à raisonner, le propre de l'être humain. Pour avoir longuement échangé par le passé avec Bernard Maris, pour avoir plusieurs fois discuté avec Cabu au Canard Enchaîné, ces hommes  étaient des esprits brillants et leurs idées, que leurs meurtriers croient tuer, leur survivront. Depuis ce matin je pense à leurs épouses, à leurs familles, à leurs amis.

Bernard Maris
Bernard Maris

Comme je pense aux familles d'enfants juifs, de militaires, tués par Mohammed Merah et de bien d'autres victimes moins connues, d'attentats par des fanatiques qui croient pouvoir kidnapper un Islam qui leur échappe. Et ce, à la consternation totale des musulmans.

Ce soir, on associe cette tuerie à la liberté de la presse que l'on voudrait assassiner. Mais ce n'est pas que cela. Les meurtriers s'en sont pris à une rédaction comme d'autres avant à des enfants parce que Juifs, aux visiteurs du musée juif de Belgique.

Ce n'est pas tant un attentat contre la presse, c'est un attentat de plus contre le pacte républicain. Celui qui nous permet de vivre ensemble, dans une société apaisée.

Honoré
Honoré

La presse, précisément aurait dû, depuis de longues années déjà, s'indigner lorsque des brèches étaient portées au pacte républicain, et au premier chef, celle ignominieusement ouverte par Nicolas Sarkozy avec son cynique et opportuniste débat sur l'identité nationale en octobre 2009.

C'est en effet à cette période qu'une certaine parole s'est libérée, décomplexée. Ce débat a été clivant -un mot cher à Nicolas Sarkozy, pour la société française, la divisant encore plus qu'elle ne l'était jusque là. Plus récemment encore, le temps de parole indécent accordé par la presse et particulièrement la télévision à un Eric Zemmour, pour monter l'audience, a également contribué à briser ce pacte républicain, à radicaliser les positions.

Charb, directeur de Charlie Hebdo
Charb, directeur de Charlie Hebdo

Cette tuerie ne fera bien entendu que renforcer ce clivage. On entend déjà pointer les discours qui créent un amalgame entre Islam et terrorisme. Chacun devrait pourtant savoir, l'Histoire aidant, que le terrorisme, l’inhumanité de ses acteurs n'a pas de couleur, pas de religion. Les motivations des auteurs d'attentats sont si diverses et inexcusables que tenter de désigner une communauté comme en étant à l'origine est stupide et à nouveau, un peu plus clivant, menaçant encore plus le pacte républicain.

"Celui qui tue un homme, tue toute l’humanité" (Coran, sourate 5, verset 32)...

Tignous
Tignous

portrait michel renaud
portrait michel renaud

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