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Édito
par polR

Je mets les pieds dans le plat du libéralisme détaxé... pour une fois.

Il y a quelque chose que je n'aime pas, c'est l'idée que pour faire de l'innovation, il n'y a qu'une seule solution : la défiscalisation. Ce n'est pas que je sois contre par principe. On peut très bien imaginer que pour des raisons d'intérêt général, la nation considère qu'il soit utile de favoriser tel ou tel dispositif.

Il y a quelque chose que je n'aime pas, c'est l'idée que pour faire de l'innovation, il n'y a qu'une seule solution : la défiscalisation.

Ce n'est pas que je sois contre par principe. On peut très bien imaginer que pour des raisons d'intérêt général, la nation considère qu'il soit utile de favoriser tel ou tel dispositif. Par exemple des éoliennes pour compenser l'achat de pétrole, soutenir tel ou tel produit dans sa phase de démarrage, apporter une aide ici ou là, mais l'idée que plus rien de nouveau ne puisse se passer sans le petit avantage fiscal, ça me déprime.

On voit bien le problème. Il y aurait d'un côté le bas peuple, le business à l'ancienne, le mec normal, et là paf, tu passes à la casserole de l'inspecteur des impôts. Et de l'autre l'avant-garde, l'élite techno, le cercle des petits malins, et pour eux, la route à grande vitesse où l'on peut doubler sans souci, le grand accélérateur de croissance, le paquet cadeau garanti.

Je vais vous le dire tout net, je n'y crois pas. Ce qui me choque, c'est le côté automatique du dispositif. C'est innovant, donc chic, donc dérogatoire. On fera des statistiques après pour voir si c'est vrai.

Je ne pense pas que la détaxe soit décisive pour le soutien à l'innovation et ceci pour deux raisons : d'une part au niveau de celui qui finance, style le pharmacien de province qui se fait appeler le 18 décembre par son banquier qui lui susurre au téléphone : "Au fait, vous avez pensé à vos impôts de l'année prochaine ?" Et qui lui refile le premier produit maison qui lui passe sous la main, c'est-à-dire n'importe quoi. Vous vous imaginez que le pharmacien de Tulle en Corrèze va se lancer dans la lecture de Techcrunch pour miser sur la startup qui va bien ?

Et également au niveau de l'équipe qui bosse sur le projet. Il y a des centaines de paramètres à prendre en compte pour mener une entreprise au succès, mais très franchement, je n'ai encore jamais vu la défiscalisation produire de la bonne ligne de code ou de la user experience !

Je ne crois pas du tout que l'espoir de défiscalisation soit un critère de sélection de bons projets, de motivation des équipes et de succès. Ça me rappelle un peu toutes les mesures qui avaient été mises en place dans ce pays pour le soutien à l'emploi et qui s'étaient soldées par des chiffres du chômage parmi les plus élevés du monde.

Je crois tout au contraire que le yoyo de la défiscalisation conduit à produire des business models délirants, à mettre en œuvre des solutions qui ne verront jamais le jour, à entretenir un petit monde de l'entre-soi, décalé des réalités économiques, centré sur lui-même et quelques sensibilités pseudo libérées, in the cloud.

Vous me direz : "D'accord, tu as raison, on le sait déjà, mais comment entretenir la flamme d'une jeunesse désabusée, motiver les mecs à bosser tous les weekends, réveiller l'âme de l'entrepreneur dans le petit fonctionnaire qui sommeille en chacun de nous ?"

Ça, c'est une autre histoire...

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