Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Yovan Menkevick

Histoire politique : tout dépend du point de vue (2)

— "Une dictature est un système politique totalitaire. Le terme dictature n'est peut-être pas le plus approprié pour caractériser les nations occidentales et leur organisation mondiale, l'ONU, mais je préfère l'utiliser par commodité, parce qu'il résume de façon pertinente le fonctionnement politique de cette époque. Le principe de la dictature est avant tout celui d'imposer une idéologie à la majorité. Une façon de voir le monde, de fonctionner en son sein, si vous voulez.

— "Une dictature est un système politique totalitaire. Le terme dictature n'est peut-être pas le plus approprié pour caractériser les nations occidentales et leur organisation mondiale, l'ONU, mais je préfère l'utiliser par commodité, parce qu'il résume de façon pertinente le fonctionnement politique de cette époque. Le principe de la dictature est avant tout celui d'imposer une idéologie à la majorité. Une façon de voir le monde, de fonctionner en son sein, si vous voulez. Le principe de la dictature est qu'une poignée d'individus, quand ce n'est pas un seul, parfois, décide pour le reste. Dans le cas des nations occidentales, c'est une dictature économique, financière, militaire et bien entendu politique qui se mit en place, au sortir de la seconde guerre mondiale, au milieu du XXème siècle. Une poignée d'Etat l'a mise en place, à l'encontre, principalement, des Etats du sud de la planète. Gardez en tête qu'une dictature est avant tout un système qui organise la vie d'une nation ou de plusieurs, et dans lequel des moyens étatiques ou privés sont mis en œuvre de façon massive pour forcer, inciter, obliger, amener les populations à aller dans un sens. Que ce soit au niveau des valeurs morales, du fonctionnement social, économique, ou même existentiel. Ai-je répondu à votre question ?"

— "Oui, merci orateur"

La foule d'étudiants se leva, puis se rassit dans un même mouvement. Dehors, la tempête s'amplifiait jetant des pierres grosses comme le poing contre les volets de métal. Les systèmes de distorsion acoustique intelligents annulaient le bruit effroyable présent à l'extérieur. Dans la salle, tout était silencieux dans l'attente de la reprise de parole de l'orateur.

—  "Le XXème siècle, à partir du dénouement de la seconde guerre mondiale, n'a été qu'une longue succession d'interventions militaires, politiques, économiques pour assurer la domination des 20% sur le reste de l'humanité. Les guerres d'indépendance ont amené les nations de l'ONU à pratiquer la torture, les meurtres de masse, les bombardements, le soutien à des régimes policiers sanglants. Le pays le plus en pointe dans cette terrible imposition d'un ordre global fut celui nommé USA. Sa capacité économique était le levier principal pour parvenir à maintenir une domination sans partage, ou presque : il détenait la maitrise de la monnaie mondiale de référence ainsi que et les structures financières les plus puissantes qui ruinaient des pays et des peuples à volonté. Les multinationales de l'économie numériques étaient aussi les leurs lors du basculement dans le siècle de l'exode, le dernier"

L'orateur saisit un verre d'eau, le but lentement, le reposa sur son pupitre et embrassa l'assemblée d'un regard sombre. Sa voix, lorsqu'il reprit la parole, était un ton plus grave.

— "Ce que je vais vous dire maintenant n'est pas quelque chose qui me fait plaisir, puisque cela met en cause notre fonctionnement, sachant que dans l'absolu nous sommes issus de cette humanité. Mais il le faut. Le meilleur antidote à tout poison est le poison lui-même, l'ignorance est mère de toute violence, vous le savez bien"

La foule se leva et d'une seule voix parfaitement harmonieuse reprit la phrase de l'orateur :

— "Le meilleur antidote à tout poison est le poison lui-même, l'ignorance est mère de toute violence"

Les deux mille étudiants se rassirent d'un même mouvement parfaitement synchrone. L'orateur ne put réprimer un léger sourire, et poursuivit :

— "Le système idéologique, à partir de la dernière décennie du XXIème siècle devint unique avec la disparition d'un bloc politique intitulé Union Soviétique. Ce système, le communisme — dictatorial lui aussi — avait échoué à imposer son idéologie sur le reste. Ses dirigeants et sa population se rangèrent donc du côté de celui des USA et de ses alliés occidentaux, et donc du capitalisme. Cette idéologie capitaliste s'était modifiée en une vingtaine d'année sous la pression de quelques chefs d'Etats importants, aidés de grands capitaines de l'industrie et de la finance pour devenir un système libéral ou libéraliste. Certains le nommèrent même ultra-libéralisme ou néo-libréalisme à l'aube du XXIème siècle. Ce système libéral fut la clef de la domination totale des 20% des plus riches, le monde blanc occidental, sur le reste de l'humanité. Et ce que je vais vous révéler, ne va pas vous inciter à considérer l'humanité sous un angle favorable, puisque si ce système put se mettre en place aussi facilement, avec autant de force et fit autant de ravages, c'est qu'il n'était ni imposé, ni subi"

L'hologramme représentant le globe terrestre se mit à tourner et des traits lumineux de couleurs différentes se mirent à le parcourir. Une dizaine, puis une centaine, jusqu'à strier sa totalité. Les pays de couleurs différentes se mirent à clignoter, à pâlir pour certains, d'autres à devenir plus foncés.

— "Vous pouvez accéder au détail explicatif de cette animation via le holo-mind mis à votre disposition pour comprendre le détail des interactions complexes qui s'affichent en ce moment même. Comme vous le comprenez, ces interactions de flux fiananciers, transferts de richesse, de matières premières, échanges commerciaux, interventions militaires, augmentation, baisse ou stagnation du niveau de vie des populations, permettent de voir des changements majeurs s'opérer entre 1990 et 2025. Ces 35 années sont décisives puisqu'elle démontrent comment le continent nommé Afrique a été pillé, comment celui nommé Asie s'est enrichi de façon globale sans améliorer la condition de ses habitants, et comment le continent Amérique du sud, s'il a mieux résisté, n'a pas fortement progressé comme certains échanges pourraient le laisser envisager. Dans le même temps, les pays en bleu se sont renforcés. Toujours les mêmes : USA et ex-empires coloniaux"

Une voix, identique à celle de la première intervention, mais située ailleurs dans la salle, se fit entendre :

— "Cette domination des pays en bleu, ce sont les 20% des humains les plus riches, les blancs occidentaux, n'est-ce pas, orateur ? Mais pourquoi les populations noires, ou jaunes, ou marrons n'ont rien fait contre cela ? Elles étaient pourtant autonomes depuis la fin des colonies ?"

L'orateur avala sa salive et dirigea son regard vers l'espace d'où le système amplifiait la voix .

— "Oui, elles étaient autonomes, en théorie. Mais ce qui détermine la domination des 20% n'est pas la capacité des dominés à se défendre, mais celle des dominants à ne jamais douter de leur bonne foi. Et c'est cela que je vais tenter de vous expliquer. L'arme principale de cette domination n'était ni les menaces, ni les armées, ni la finance, en tant que telle. L'arme principale de ce système était un poison, et ce poison était… les écrans"

L'orateur tendit le bras vers son verre d'eau, but une gorgée et attendit. Personne ne bougeait. Dehors, la tempête commençait à faiblir. Les robots nettoyeurs allaient bientôt sortir.

 

(Fin du chapitre 2)

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