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par Antoine Champagne - kitetoa

Gloubi-boulga intellectuel

Les derniers articles de Yovan Menkevick ont attiré une nuée de commentaires. Résumons. On ne peut pas parler de sectes quand on parle de micro-courants politiques. On ne peut pas dire que leurs leaders se fourvoient quand ils fricotent avec des gens ouvertement placés à l'extrême-droite. Et pourquoi ? Parce que chez un homme, même d'extrême-droite, il pourrait y avoir de bonnes idées, et même s'il soutient un révisionniste ou un antisémite. Et puis quoi, merde, on est plus à la même époque.

Les derniers articles de Yovan Menkevick ont attiré une nuée de commentaires. Résumons. On ne peut pas parler de sectes quand on parle de micro-courants politiques. On ne peut pas dire que leurs leaders se fourvoient quand ils fricotent avec des gens ouvertement placés à l'extrême-droite. Et pourquoi ? Parce que chez un homme, même d'extrême-droite, il pourrait y avoir de bonnes idées, et même s'il soutient un révisionniste ou un antisémite. Et puis quoi, merde, on est plus à la même époque. L'extrême droite d'aujourd'hui, ce n'est pas Hitler. N'est-ce pas ?

Comment en arrive-t-on a penser cela ?

En faisant du gloubi-boulga.

Les plus jeunes, qui font souvent partie des trolls attirés par le pot de miel de Yovan, ne savent peut-être pas ce qu'est le gloubi-boulga :

Selon Casimir, la recette du gloubi-boulga est la suivante :

Mélanger dans un saladier : - de la confiture de fraises, - du chocolat râpé, - de la banane écrasée, - de la moutarde très forte, - de la saucisse de Toulouse « crue mais tiède ». Selon son humeur, Casimir ajoute parfois à ces cinq ingrédients majeurs un autre ingrédient (crème chantilly, anchois...).

Partons du principe que nous sommes dans une sorte d'oligarchie où une élite tente de préserver ses acquis et ceux de ses amis, au détriment de la majorité. On a le concept des 1% et des 99% porté par le mouvement #Occupy. Dans un monde désabusé, les 99% recherchent un projet pour sortir de l'impasse dans laquelle nous nous trouvons.

Photo pterjan : http://www.flickr.com/photos/cmoi/

Pourquoi une impasse ? Parce qu'il n'y a aucune chance que les choses changent. Les 1% ont bien travaillé. Leurs factotum sont au pouvoir par la grâce de la démocratie. Élus par le peuple souverain. Vouloir les déloger, vouloir changer les règles, le contrat social, c'est aller contre la démocratie. CQFD.

Lorsque l'on se retrouve dans une impasse, dos au mur, que ce qui arrive vers nous ou ce que l'on voit fait peur et ne convient pas, on cherche n'importe quelle solution pour s'échapper. Trouver une issue... Quelle qu'elle soit.

C'est là qu'arrivent les sauveurs providentiels. Ils ont des réponses simples à des problématiques complexes. Ces réponses sont compréhensibles même par le plus ballot d'entre nous. D'ailleurs, il est assez probable que cette rhétorique mise au service des masses soit encore plus compréhensible par ceux qui ont une culture générale proche de zéro que par ceux qui en ont une grosse. Quoi que. Il faut se méfier, les sectes (les vraies) attirent souvent des gens très cultivés, dans des strates élevées de la population. Comme IVI qui recrute dans le secteur médical. Pourquoi ? Parce que ces gens-là se croient tellement malins qu'ils sont persuadés que ça ne peut pas leur arriver. "Moi dans une secte ? Impossible, je les verrais arriver à 200 kilomètres". En clair personne n'est à l'abri.

Mais revenons aux amitiés discutables.

Chez Reflets, nous devons être câblés différemment. Des trolls en question en tout cas. Il nous apparait impossible de chercher une idée valable chez quelqu'un qui valide implicitement celles de gens parfaitement infréquentables en les côtoyant. En d'autres termes, lorsque Etienne Chouard trouve qu'il y a de bonnes idées chez Alain Soral ou chez Faurisson, il leur offre une sorte de virginité, un transfert de notoriété qui nous semble inacceptable.

Inacceptable parce que stigmatiser les Juifs pour leur simple appartenance à une "ethnie" est inconcevable. Tout comme il est inconcevable de stigmatiser des Arabes parce qu'ils sont Arabes. Ou des Chinois parce qu'ils sont Chinois, etc. La haine appelle la haine. La haine sépare. Et in fine, elle tue.

Visiter Auschwitz ouvre l'esprit. En Pologne, c'est systématique pour tous les enfants scolarisés. Cela a un sens. Cela permet de mesurer ce que des hommes peuvent faire subir à d'autres. Les limites de l'imagination sont repoussées très loin.

Ecouter Karol Pila (il parle très peu) permet de se faire une vague idée de ce que des hommes ont pu faire subir à d'autres. A des enfants comme lui. Avoir eu la chance de discuter avec lui, encore plus.

Alors non, désolé... Même en faisant des efforts, nous ne pourrons jamais accepter le gloubi-boulga intellectuel qui fait dire à certains que, chez les ennemis de la liberté, chez ceux qui prônent la haine, on peut prendre de bonnes idées simplistes sans se compromettre.

Être conscient ou ne pas être

Dans le lot de nos trolls attirés par les articles, il y a ceux qui sont conscients. Qui savent que leur mentor est en train de glisser vers des idées boules-puantes. On peut ne pas être d'accord avec eux, comme nous. On peut les trouver pathétiques. Ils le sont. Mais il y a pire sans doute.

Ceux dont le cerveau  a été totalement grignoté par le gloubi-boulga. Ceux-là se sont laisser entrainer, ils ont glissé peu à peu, mangé des mots sans les comprendre. Ce sont ceux qui ont tellement envie de trouver une issue au monde qui leur fait si peur, qu'ils ne savent plus juger de la dangerosité d'une idée. Qu'ils n'ont même plus conscience du pouvoir des mots.

Pendant les cinq ans de Sarkozysme, Aporismes.com affichait cette phrase :

Words offer the means to meaning and for those who will listen, the enunciation of truth.

Pas en vain.

Les mots ont un sens, ils peuvent être transformés en armes.

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