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par Antoine Champagne - kitetoa

Gaz de schiste : une bulle ?

Voir l'eau du robinet s’enflammer au contact d'un briquet a de quoi doucher les plus optimistes quant à l'intérêt de l'exploitation des gaz de schiste. C'est, entre autres choses, ce que montrait le film Gasland . Tout spectateur armé d'une once de bon sens comprenait lors du visionnage de ce film qu'il était urgent de mettre un frein à l'exploitation de ce type d'énergie. Une préoccupation écologique toute simple.

Voir l'eau du robinet s’enflammer au contact d'un briquet a de quoi doucher les plus optimistes quant à l'intérêt de l'exploitation des gaz de schiste. C'est, entre autres choses, ce que montrait le film Gasland. Tout spectateur armé d'une once de bon sens comprenait lors du visionnage de ce film qu'il était urgent de mettre un frein à l'exploitation de ce type d'énergie. Une préoccupation écologique toute simple. Si l'on veut conserver un environnement à peu près habitable, il faut interdire ces exploitations. A l'inverse, les pro gaz de schiste assurent que ce nouvel Eldorado créera des centaines de milliers d'emplois, apurera la dette des pays importateurs de pétrole et de gaz, mènera à l'autosuffisance énergétique, ramènera l'amour à ceux qui l'ont perdu, offrira la fortune à ceux qui s'y adonneraient... Bref, un vrai bonheur. En revanche, que l'on soit "pro" ou "anti" gaz de schiste, personne ou presque n'aborde la question qui fâche : ce type d'exploitation est-il rentable ? La France a choisi de ne pas autoriser l'exploitation des gaz de schiste et le Conseil Constitutionnel vient de le confirmer. Vient-elle de perdre des milliards d'euros de recettes, des milliers d'emplois, comment le martèlent les libéraux ? Pas si sûr. Dans une enquête sur ce sujet, votre serviteur avait expliqué l'année dernière chez nos amis d'Arrêt sur Images que l'exploitation des gaz de schiste ressemblait fort, de l'aveu même des exploitants, à une chaîne de Ponzi, bref, à une arnaque. Le tout risquant de se terminer par une explosion de bulle, façon bulle Internet de l'an 2000.

Plusieurs aspects montrent que l'exploitation des gaz de schiste sont un leurre économique.

Cette analyse se base sur les données américaines, ce pays étant en pointe dans l'exploitation.

Avec la surproduction engendrée par ces exploitations, les cours sont trop bas (ils n'ont pas bougé sur un an). Cette surproduction est par ailleurs quasiment impossible à exporter, le pays étant habitué jusqu'ici à importer, n'a pas les infrastructures nécessaires.

Mais surtout, les exploitations reposant sur la technique de fracturation sont plus coûteuses que celles permettant d’extraire du gaz de manière traditionnelle (nappes de gaz). Le cours du gaz naturel ne permet pas de les rentabiliser. Mieux, Les puits ont un rendement maximal durant les premières 24 heures, qui baisse fortement par la suite. Il faut alors recreuser. Pire, ils ont un temps de vie d’exploitation d’environ 3 à 5 ans contre près de 40 ans pour un puits classique.

Mais ce qui est véritablement intéressant à observer, c'est le nombre de plates-formes d'extraction. En 2008, au top d'une activité ayant démarré au début de ce siècle, on comptait 1600 plates-formes. En 2011, seulement 882. La semaine dernière, on n'en comptait plus que 359, soit une baisse de 14.5% sur un an.

Plus rentables, les exploitations de pétrole sont encore épargnées. Même si elles baissent, c'est dans une moindre proportion.

Passé plus ou moins inaperçu, une masse d'emails des acteurs de l'extraction de gaz de schiste a été publiée par le New York Times le 25 juin 2011. Leur analyse de leur secteur est confondante.

Il est d'autant plus étrange que les anti gaz de schiste ne se soient pas saisis de cette pluie d'informations que ces emails sont une preuve irréfutable du non intérêt économique de cette prospection.

Voici ce qu'indiquait le quotidien américain en introduction à ces documents (suivez les liens pour lire les emails):

Natural gas companies have been placing enormous bets on the wells they are drilling, saying they will deliver big profits and provide a vast new source of energy for the United States.But the gas may not be as easy and cheap to extract from shale formations deep underground as the companies are saying, according to hundreds of industry e-mails and internal documents and an analysis of data from thousands of wells.In the e-mails, energy executives, industry lawyers, state geologists and market analysts voice skepticism about lofty forecasts and question whether companies are intentionally, and even illegally, overstating the productivity of their wells and the size of their reserves. Many of these e-mails also suggest a view that is in stark contrast to more bullish public comments made by the industry, in much the same way that insiders have raised doubts about previous financial bubbles.“Money is pouring in” from investors even though shale gas is “inherently unprofitable,” an analyst from PNC Wealth Management, an investment company,  wrote to a contractor in a February e-mail. “Reminds you of dot-coms.”“The word in the world of independents is that the shale plays are just giant Ponzi schemes and the economics just do not work,” an analyst from IHS Drilling Data, an energy research company,  wrote in an e-mail on Aug. 28, 2009. _Company data for more than 10,000 wells in three major shale gas formations raise further questions about the industry’s prospects. There is undoubtedly a vast amount of gas in the formations. The question remains how affordably it can be extracted.__ The data show that while there are some very active wells, they are often surrounded by vast zones of less-productive wells that in some cases cost more to drill and operate than the gas they produce is worth. Also, the amount of gas produced by many of the successful wells is falling much faster than initially predicted by energy companies, making it more difficult for them to turn a profit over the long run._If the industry does not live up to expectations, the impact will be felt widely. Federal and state lawmakers are considering drastically increasing subsidies for the natural gas business in the hope that it will provide low-cost energy for decades to come.

Chaîne de Ponzi, bulle financière, les acteurs du secteurs parlent ouvertement de la non-rentabilité de leur activité. Cette problématique n'est jamais évoquée lorsque les pro exploitation de gaz de schiste sont interrogés dans la presse.

Dommage, ce serait intéressant.

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