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par Antoine Champagne - kitetoa

Europe : ca va mieux (oui mais non)

L'évolution des CDS, ces assurances sur le risque de défaut, laisse rêveur. Ces derniers jours, la dette souveraine des pays européens en difficulté a visiblement moins inquiété qu'auparavant. "Les marchés", entité indéfinissable ainsi désignée par les politiques et les journalistes seraient donc "rassurés". Le risque d'un pays ou deux (ou trois, ou quatre, ...) faisant défaut s'éloignerait. Bonne nouvelle. Reflets.

L'évolution des CDS, ces assurances sur le risque de défaut, laisse rêveur. Ces derniers jours, la dette souveraine des pays européens en difficulté a visiblement moins inquiété qu'auparavant.

"Les marchés", entité indéfinissable ainsi désignée par les politiques et les journalistes seraient donc "rassurés". Le risque d'un pays ou deux (ou trois, ou quatre, ...) faisant défaut s'éloignerait.

Bonne nouvelle. Reflets.info se serait donc trompé en annonçant que le Portugal allait faire appel au fonds de soutien européen. Il se serait fourvoyé en prédisant une grave crise économique à la suite de la crise de la dette souveraine.

Oui. Mais non.

Non, parce que les signes actuels incitent au pessimisme, sauf à vouloir jouer aux trois petits singes : je ne vois rien, je n'entends rien, je ne dis rien.

Premier signe inquiétant : l'Europe patauge. Elle est incapable de se mettre d'accord sur les moyens à mettre en oeuvre pour une sortie de crise. Les rumeurs alimentées par des décideurs fusent. On parle d'un doublement du fonds de soutien. Ou encore d'une augmentation sans annoncer le montant maximal possible d'emprunts, histoire que "les marchés" ne puissent pas réagir "négativement" (i.e. faire pression sur les taux). On annonce une convergence fiscale. On parle d'une restructuration de la dette grecque.

Et aujourd'hui, la newsletter éco du Monde rapporte ces propos intéressants, qui démontrent, s'il le fallait, le flottement européen :

"Nous devons maintenant montrer clairement aux marchés qu'on ne fait pas que des déclarations, mais que nous prenons des décisions. Ce n'est pas seulement l'avis du président de la Commission européenne (...) c'est aussi celui du président de la BCE. C'est pourquoi je ne comprends pas ces réticences"

Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a rappelé à l'Allemagne, qui contrarie ses projets d'élargissement du fonds de secours en zone euro, que "les Allemands donnent beaucoup [à l'Europe], mais ils reçoivent beaucoup aussi", dans un journal allemand, le Stuttgarter Zeitung, vendredi. Berlin, principal contributeur financier de l'UE, répète à l'envi qu'il ne voit pas de raison à l'heure actuelle d'augmenter les ressources du dispositif dont a déjà bénéficié l'Irlande. Il est vital de trancher la question d'une augmentation de ce fonds rapidement, "non pas parce que tel pays X ou Y aurait besoin d'autant d'argent (... mais parce qu'il) serait bien mieux de prendre cette décision dans des circonstances relativement calmes que sous pression", a argumenté M. Barroso. "Certaines des critiques que j'ai entendues en provenance de Berlin portent sur le timing de ma demande, pas sur le contenu. C'est donc qu'il y a sur le fond un accord de principe", assure-t-il. Le président de la Commission a refusé de commenter les informations de presse évoquant un projet de restructuration de la dette de la Grèce.

Deuxième point, la réussite des récentes émissions du Portugal ou de l'Espagne sont un trompe-l'oeil. L'émission du Portugal s'est faite dans un contexte qui ne reflète pas la réalité. Elle a été assortie d'un taux de 6.71%. Une fraction en deçà des 7%fatidiques qui impliqueraient un point de non retour vers l'aide européenne. Or ce taux n'a pu être obtenu qu'en tenant compte d'un rachat massif de dette par la Banque centrale européenne dans les jours précédents et des annonces de la Chine et du Japon sur leur souhait d'aider et de soutenir les pays périphériques de la zone euro.

Troisième point, les pays supposément sauvés par l'Europe, la Grèce et l'Irlande sont toujours dans une situation catastrophique. Les retraits

Quatrième point, l'annonce d'une augmentation de capital de la BCE est une nouvelle chargée de sens.

Cinquième point, la crise financière est accompagnées des prémices d'une crise économique. Ce n'est pas Reflets.info qui le dit, mais la CIA dans la mise à jour de son World Factbook :

Many, if not most, countries pursued expansionary monetary and fiscal policies. The global money supply, both narrowly and broadly defined, increased roughly 10%, as countries tried to keep interest rates low; the global budget deficit stablilized at roughly $3.5 trillion, as countries tried to rein in spending and slow the rise of public debt.

The world economy faces a major new challenge, together with several long-standing ones. The fiscal stimulus packages put in place in 2009-10 required most countries to run budget deficits - government balances have deteriorated for 14 out of every 15 countries. Treasuries issued new public debt - totaling $5.5 trillion since 2008 - to pay for the additional expenditures. To keep interest rates low, many central banks monetized that debt, injecting large sums of money into the economies. As economic activity picks up, central banks will face the difficult task of containing inflation without raising interest rates so high they snuff out further growth.

Il ne serait peut-être pas inutile que les décideurs européens relisent trois fois, lentement ces quelques lignes des espions américains. A moins que les espions soient mal informés, ce qui est une possibilité, si l'on s'en tient aux informations dont Michèle Alliot-Marie a eu connaissance au fil des événements en Tunisie.

Enfin, pour ceux qui veulent voir à quoi ressemble l'interconnexion des dettes, il y a ce graphique interactif du Washington Post (cliquez sur l'image pour vous rendre sur le site du Washington Post) qui est une petite meveille, même s'il est fort inquiétant.

Petit exercice pour votre week-end, vous noterez l'exposition des banques Françaises pour les pays à risque (en marron). Et vous la comparerez à celle des autres pays.

Pour parfaire le paysage des données, Reflets.info vous fournit les déclarations (amusantes) des banques françaises à l'issue des stress tests de l'été dernier. Stress tests qui étaient réalisés afin de rassurer les marchés sur la solidité du secteur bancaire européen. Pour vous finir de vous rassurer, Reflets.info vous rappelle que les banques irlandaises avaient allègrement passé l'épreuve. No stress...

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