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Entretien
par Rédaction

Entretien avec une puissance médiatique individuelle

Reflets a été invité à deux journées de rencontre des "médias libres". Comme nous sommes polis, nous y sommes allés. Le plus intéressant de ces 48h se trouvait être (d'après nous) un trublion, ni journaliste ni militant de quoi que ce soit, et qui à chaque fois qu'il prenait la parole, disait des choses très curieuses et souvent pertinentes. Par un hasard de circonstances, le trublion résidait dans le même hébergement que nous. C'est donc au petit déjeuner que nous l'avons interviewé.

Reflets a été invité à deux journées de rencontre des "médias libres". Comme nous sommes polis, nous y sommes allés. Le plus intéressant de ces 48h se trouvait être (d'après nous) un trublion, ni journaliste ni militant de quoi que ce soit, et qui à chaque fois qu'il prenait la parole, disait des choses très curieuses et souvent pertinentes. Par un hasard de circonstances, le trublion résidait dans le même hébergement que nous. C'est donc au petit déjeuner que nous l'avons interviewé. Mais attention, tout ça est très sérieux, et même s'il est parfois un peu difficile à suivre, Bourino réfléchit avec un recul étonnant sur la société de l'information dans laquelle nous vivons, et bien entendu au moment politique dans lequel nous sommes plongés. Entretien.

Bourino, on se demandait si tu étais un philosophe ?

Bourino : J'ai du mal avec les classifications, mais c'est sûr : j'adore les mots. Je trouve que clarifier le sens des mots est extrêmement conséquent. J'ai d'ailleurs autant envie de parler de poésie que de philosophie. Les deux sont très puissants pour ce qui est mon terrain d'intérêt, mon souci : celui de la canalisation des énergies. C'est-à-dire, comment se fabriquent les comportements, le vivre ensemble. Les mots, pour ça, sont des clés énormes.

Donc, tu te promènes et tu titilles les gens sur le sens des mots ?

B :  Ce qui me gène, c'est la réduction d'" être " avec " faire". C'est une chose parmi d'autres, mais j'en fais dix mille autres dans dix mille autres champs. Je fais, autant que je décortique des mécaniques de systèmes, des entrées-sorties de traitement…

Là, on est dans l'informatique…

B : Absolument. A 100%. Je peux te donner un exemple informatique typique. Là, on parle d'information, à cause de la réunion des médias libres. Typiquement, le mot information, pour le détailler, je prends le mot sens. J'adore ce mot "sens", parce qu'il a trois sens (la direction, la sémantique, et les 5 sens, ndlr). Et ça illustre bien la puissance d'illustration autour d'un mot, et du coup l'aspect dangereux de réduire un mot à un seul de ces sens. De faire des amalgames, et donc d'orienter  les contenus des cerveaux. Sur l'information et sur l'informatique, le rapport c'est la cybernétique. Le modèle de la cybernétique c'est entrée, traitement dans la boite noire, sortie et boucle de régulation ou pas. Dans les trois cas tu as un seul mot : sens, sens et sens. Nos cinq sens pour recevoir l'info, la signification dans le traitement de l'info, et dans quel sens on va pour la sortie de la décision. Ces trois mots, plus la boucle de régulation sont toujours de l'information, et je trouve ça intéressant parce que du coup, dans le territoire de l'information, ce sont des territoires que l'on peut tout à fait identifier.

Observer c'est une chose, modéliser c'est autre chose, exiger c'est encore autre chose, et évidemment contrôler c'est la dernière chose. Ces quatre mots sont une boucle de régulation des mécaniques et des systèmes de nos fonctionnements de collectivités.

Tu as défini les gens, dans une discussion, comme des puissances médiatiques individuelles. Qu'est-ce que tu mets là dedans ?

Ce n'est pas une seule définition pour moi-même, mais j'explicite, avec ce concept, un de mes territoires d'intérêt. Je définis chacun comme étant détenteur de sa propre puissance médiatique individuelle. C'est une puissance qui est accessible à tout un chacun, et elle est pratiquée. Le contenu que j'y vois, c'est que chacun fait ses choix médiatiques, et c'est  un choix beaucoup plus conséquent que ses choix électoraux. Dans les choix électoraux on a juste à choisir entre idiot ou idiot, alors que dans les choix médiatiques on a à choisir entre des informations différentes qui mènent à des conséquences. C'est hyper puissant pour canaliser nos comportements collectifs.

Là, tu parles des informations que tu reçois…

B : Des deux : que je reçois, que je traite et que j'émets. Et quand j'émets, j'émets deux types d'information, parce que c'est pourtant bien de l'émission dans les deux cas. Par exemple, ce que je relaye d'informations que j'ai reçues. Traduction : je regarde TF1, ou n'importe quel média dominant et je choisis d'en parler avec des potes. Je choisis d'être à l'intérieur d'un système, de cultiver mon cerveau dans des lunettes complètement verrouillées, sur ce que moi j'appelle "la machine à tout casser pour la croissance de l'argent".

Typiquement ça a des conséquences sur l'information d'exigence. Aujourd'hui les gens exigent des emplois. Je trouve ça d'une aberration totale, d'une débilité totale. Si les gens acceptaient d'exiger des ressources, c'est à dire de voir que dans le même mot c'est un autre contenu qu'ils visent, ils en seraient dix fois mieux lotis. Exiger des ressources ça permet enfin de travailler, c'est-à-dire enfin de travailler pour que les ressources souhaitées soient plus faciles d'accès.

Des changements pourraient survenir si les gens changeaient leurs choix médiatiques, c'est ce que tu veux dire ?

B : Mais tout à fait : chacun fait des choix politiques majeurs dans son choix médiatique ! Ce choix médiatique, c'est son premier choix conséquent pour sa production de richesses pour sa collectivité. Le travail ne produit pas de richesses pour une collectivité aujourd'hui : toutes nos exigences c'est de dire à des patrons pyromanes "faites des incendies, j'aurai mon travail de pompier". Ce n'est pas ça qui produit de la richesse !

Et Internet dans tout ça ?

B : Déjà, Internet c'est un média. Dans le concept de média actif, de puissance médiatique individuelle, Internet, j'adore. Parce que ça élargit les sources d'informations. C'est une source d'info géniale.

Justement, en lien avec Internet, qu'est-ce tu penses des lolcats ?

B : Je suis trop nul pour savoir de quoi tu parles : c'est quoi un lolcat ?

Ben, t'iras voir sur Internet…

(Rires)

On peut vivre sans lolcats ?

(Rires)

Les hackers et l'info, tu en penses quoi. Tu es un peu un hacker socio-politique, toi, non ?

B : Je n'ai jamais imaginé ce mot attribué à moi, mais j'ai entendu la définition de Benjamin Bayart hier soir, et j'ai bien aimé : prendre ce qu'on a sous la main pour en faire ce qu'on a besoin de faire. J'ai tendance à faire ça un peu tout le temps. Si je dois faire un cours sur le développement durable, parce que c'est la mode, je vais faire un cours d'économie sur le développement durable et commencer par expliquer que c'est zéro sur les marchés, je vais par contre expliquer comment tuer les marchés pour être plus riche.

Mais qu'est-ce qui te motive ? C'est quoi ton plan ?

B : J'ai toujours eu le même fil conducteur. J'aime être joyeux. Et puis c'est tout. Là où je sens que ça me parle bien, que ça me plaît, et bien j'y vais. J'ai fait polytechnique, travaillé pour une multinationale, par obligation familiale. Ça ne me convenait pas. Alors j'ai cherché un travail à deux jours par semaine et passé six ans avec cinq journées de week-end. Là j'ai pu suivre ce que j'avais besoin de sentir, ce qui me parlait bien. Donc, j'ai fait une psychanalyse, de la poésie, de la peinture, du théâtre, de la danse, et beaucoup de vie sexuelle. Des tentatives de fonctionner mieux.

Mais tu as dit avoir un programme politique…

B : Pour moi, le mot politique il faut le clarifier. La politique c'est l'ensemble des systèmes que se donne une collectivité pour réguler son fonctionnement commun et collectif. On médiatise aujourd'hui le fait qu'il y a trois grandes puissances politiques : législatif, exécutif, judiciaire. J'ai toujours entendu ça. Je rajouterais le pouvoir financier et le pouvoir médiatique.

Ce que j'appelle programme politique se joue dans deux dimensions. Il y a le programme électoral, qui est quelque part un peu secondaire, et il y a le programme équipements et systèmes, qui est le programme principal. Alors évidemment dans le système actuel, la transformation des systèmes peut passer par le programme électoral, mais il ne faut pas mélanger les choses. Je suis investi en politique, mais je crois que je détesterais être élu. Même si un jour je me suis mis candidat député. Mais c'était très bien, parce que j'ai découvert que j'avais le droit de poser mes affiches. Même si ça n'a servi à rien du tout, parce que les affiches sont localisées dans des endroits où personne ne va où personne ne les voit. J'ai découvert plein de choses.

Il y a souvent un mélange entre partisans et politiques. Les gens, aujourd'hui, ont amalgamé le mot politique des équipes partisanes, des partis qui veulent un pouvoir exécutif et qui veulent brasser des sous. Alors, si je me lance dans les exigences, je rappelle que pour comprendre les exigences il y a du travail en amont pour voir autrement le monde, transformer les lunettes culturelles, brasser de l'information avec d'autres puissances que les puissances d'argent…

Alors, ce programme ?

B : Oui. Exemple tout bête : la diminution démographique. Je sais que c'est le pire des mauvais scoops, parce que ça va faire fuir 90% des gens, mais pourquoi j'en parle ? Parce que j'aime bien que les gens soient libres. Moins j'ai de soucis d'argent, plus je fais des choses intéressantes, donc ça n'a rien à voir avec ne pas travailler, ou ne pas être actif, ne pas être relié socialement. Pour moi l'économie c'est la facilité d'accès aux ressources.

Dans la facilité d'accès aux ressources, personnellement, je trouve intéressant qu'au même moment où il y a une maîtrise d'énormément de choses, et à très grande échelle, on ait autant multiplié le nombre d'hommes. Donc on a fait une tension sur les ressources. Moins les ressources sont faciles d'accès, plus il faut travailler pour en avoir, plus il y a des esclaves et plus les dominants augmentent leur puissance d'argent. Je pense que cette question démographique est des plus conséquentes et des plus mal traitée. Les aides à la surnatalité des populations les plus en difficulté sont un exemple. Je préfère mille fois donner de l'argent à tout le monde et pénaliser ceux qui veulent faire plus de gosses : s'ils veulent plus de gosses qu'ils se le payent eux-mêmes.

Un autre exemple typique : reprendre la propriété publique de la création monétaire. On a monté une très belle machine à sous : on paye des impôts pour les financiers. C'est-à-dire que l'Etat est devenu le percepteur d'impôts des financiers. Ça s'appelle joliment "intérêts de la dette". Il faudrait que le banquier emprunte à l'Etat et que les intérêts de la dette soient ceux des banquiers pour l'Etat ! Mon autre axe c'est la séparation de la finance et des médias. Un principe qui devrait être inscrit dans la constitution. Exactement comme on a fait la séparation de l'église et de l'Etat. A l'époque c'était incompréhensible. L'idée c'est de dire que c'est l'égalité médiatique qui est centrale, pas celle des voix électorales.

L'alternative du gratuit : Blog de Bourino

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