Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Yovan Menkevick

Entre deux tours : la tentation néo-fasciste…?

(Il faut arrêter avec ces discours mielleux des observateurs de la vie politique qui se répandent allègrement dans de misérables analyses sur l'électorat du Front National pour démontrer que "ce n'est plus comme avec le père, ce ne sont plus des racistes ou des nostalgiques de Vichy, donc ce n'est plus l'extrême droite". Petits rappels de mémoire et constats politiques.

(Il faut arrêter avec ces discours mielleux des observateurs de la vie politique qui se répandent allègrement dans de misérables analyses sur l'électorat du Front National pour démontrer que "ce n'est plus comme avec le père, ce ne sont plus des racistes ou des nostalgiques de Vichy, donc ce n'est plus l'extrême droite". Petits rappels de mémoire et constats politiques.)

Mais oui, le mot fasciste ne peut plus être prononcé, parce que bien entendu "on n'est plus à la même époque", que "quand même, le FN c'est pas le nazisme" : le fascisme serait donc mort et enterré ? La bonne blague…

Nul besoin d'en appeler aux camps d'exterminations pour exprimer de façon concrète ce qu'est le fascisme, et dans une plus large conception, ces pensées politiques que sont les totalitarismes de droite. Ceux qui ont vécu les dictatures d'Amérique latine savent de quoi il est question. Des régimes politiques de droite, soutenus par les USA, installés avec quelques orientations très claires : un Etat fort mais avec une économie très libérale, une surveillance de la population de tous les instants, une stigmatisation de tout ce qui peut contrecarrer le pouvoir en place, des "libertés" données aux forces de police et de répression les plus grandes qui soient.

Arrêter de se leurrer un instant, ça pourrait faire du bien, non ?

Venir aujourd'hui expliquer que le vote FN n'est plus un vote de rejet mais un vote d'adhésion est peut-être une réalité objective, mais ne fait pas beaucoup avancer l'affaire qui nous préoccupe, celle d'un post-fascisme ou néo-fascisme en plein essor. Les cinq années de sarkozysme ne sont qu'un avant-goût édulcoré de ce qui peut être mis en place : le président élu l'a été en 2007 par l'adhésion d'une grande partie des électeurs du Front national, il ne s'en est pas caché, en a même fait un thème de campagne. De nombreuses dispositions ont été prises pour contenter cet électorat, mais le problème fut d'arriver à concilier à la fois des mesures de type post-fascistes et une orientation "européiste", mondialiste et de défense de la finance internationale.  L'échec s'est avéré patent : à vouloir courir tous les lièvres à la fois, le président de "tous les français" s'est retrouvé pris au piège de ses propres contradictions, la copie de l'extrême droite ne valant pas l'original.

Oui, nous sommes bien à une charnière, celle d'un système politique et d'une économie à bouts de souffle, et d'une population qui se raidit dans la crainte du lendemain, cherche des boucs émissaires et entre dans une vision du monde réduite qui la mène à "penser fasciste" sans même parfois s'en rendre compte.

Pas la peine de dédouaner les électeurs du Front national, ils savent très bien ce qu'ils font, pour qui ils votent et la société qu'ils aimeraient avoir. Cette société est basée sur les principes fascistes de l'exhortation de la nation, des racines culturelles, de la reprise en main par la force pure et contraignante des valeurs d'origine, de l'élaboration d'une "communauté des sources" qui se défendra des envahisseurs ou enfants d'envahisseurs, celle des justes qui n'ont rien à se reprocher opposée à ceux qui la minent. Il y a 6 millions et demi de français qui ont cette orientation de pensée, ils votent FN. Et Peut-être bien encore 8 ou 9 millions en adéquation avec cette vision mais qui votent Sarkozy. Celui qui a créé le ministère de l'immigration et de l'identité nationale, a poussé à la politique du chiffre qui a engendré 800 000 gardes à vue par an, organisé les quotas d'expulsion d'immigrés clandestins, couvert le territoire de radars et de caméras de surveillance : la liste est longue… Mais tout ça, sans "être raciste", puisque le racisme n'est plus d'actualité : on ne fait que régler des problèmes, basés sur des constats.

Le mouvement s'accélère

Les partis populistes, de droite et d'extrême droite progressent dans toute l'Europe, mais ce n'est pas leur progression en termes de résultats électoraux qui est la plus préoccupante. Ce qui est préoccupant est cette mentalité néo-fasciste européenne qui prend une ampleur inédite. Néo-fasciste, puisqu'elle reprend de nombreux fondamentaux de la pensée fasciste et en adjoint de nouveaux. Mais en substance, nous sommes face à ce renouveau fasciste qui pointe l'étranger, source de tous les maux, sa religion (l'islam qui est censé contaminer les sociétés européenne et s'imposer), sa dangerosité (l'insécurité serait avant tout celle générée par les étrangers). En Hollande, en Hongrie, en Finlande, en Italie, en Suède, ces partis politiques recueillent de nombreux suffrages des populations. Populations qui revendiquent haut et fort ces idées nationalistes et qui sont éprises de sécurité au point de pouvoir accepter que l'on sacrifie certaines des libertés fondamentales.

Ce qui peut nous alarmer pour cet entre deux tours des présidentielles françaises est la facilité avec laquelle la vision de Marine Le Pen est désormais déclarée "intéressante" par une partie de la classe politique. Ce qui peut "s'entendre" d'un point de vue bassement électoraliste puisqu'elle recueille 18% des voix des citoyens inscrits sur les listes électorales. La phrase du président sortant sur "la compatibilité du Front national avec la République" est sans ambiguïté : les idées soutenues par Marine Le Pen et ses électeurs auraient donc toute leur place dans notre société. Etrange façon d'envisager un pays qui a inscrit sur le fronton de ses mairies "Liberté-Egalité-Fraternité'. Si la surveillance massive du plus grand nombre sous prétexte de lutte contre l'insécurité est une exaltation de la liberté, pointer des catégories de la population comme mauvaises un appel à l'égalité, quant à la fraternité, on cherche comment la vision nationaliste peut s'en accommoder…

Ne pas oublier quelques fondamentaux

La politique populiste d'extrême droite, celle du fascisme hitlérien comprise, est fondée sur une technique très rodée : parler du danger, organiser la peur, pointer du doigt des ennemis, démontrer la faiblesse des dirigeants, s'auto-proclamer redresseur de torts sans états d'âmes, prêt à tout pour "régler les problèmes". Tout est vrai dans le discours du fasciste, rien n'est fallacieux : les ennemis, il y croit, et qu'ils soient en partie existants ou sur-interprétés, il peut même les fabriquer lorsqu'il est au pouvoir, ou que des politiques voulant récupérer ses voix les fabriquent pour mieux continuer à se maintenir en place. La faiblesse des dirigeants est toujours réelle (les démocrates ont tendance par essence à ne pas pouvoir être dans la force, ce sont des démocrates), comme ses solutions, qui étant par essence extrêmes, régleront de nombreux "problèmes", c'est un fait. Mais la question est : quel prix est-on prêt à payer pour régler des "problèmes" ? Si la sécurité et l'immigration sont déclarées les principales préoccupation de l'électorat de Marine Le Pen, électorat devenu "normal", il en est de même pour une grande majorité de celui de Nicolas Sarkozy. L'idée serait donc de contenter cet électorat qui représente désormais presque une majorité des voix exprimées ? Un Etat policier, chasseur d'immigrés, de surveillance totale, avec une justice ultra-punitive serait donc la solution pour assurer cette sécurité et politique anti-immigration qui préoccupe une partie de plus en plus croissante de la population ? Alors, à tous ces électeurs convaincus par les discours "de réponse aux problèmes" de ceux qui pratiquent une pensée fasciste, offrons ce court texte qui reste véritablement d'actualité :

QUAND ILS SONT VENUS,

Quand ils sont venus chercher les communistes Je n'ai rien dit Je n'étais pas communiste

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes Je n'ai rien dit Je n'étais pas syndicaliste

Quand ils sont venus chercher les juifs Je n'ai rien dit Je n'étais pas juif

Quand ils sont venus chercher les catholiques Je n'ai rien dit Je n'étais pas catholique

Puis ils sont venus me chercher Il ne restait plus personne Pour dire quelque chose.

Martin Niemöller

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