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par Antoine Champagne - kitetoa

Drones américains : 5000 morts et un gros silence

Nous vivons une époque formidable. Celle de l'inversion du sens. Comme si le monde entier avait adopté la Novlangue d'Orwell. Voyez-vous, la guerre contre le terrorisme, c'est assurer la paix. Et ça passe d'autant mieux que toute cette guerre se déroule loin du pays qui l'a lancée. Personne ne la voit. Sauf ceux qui ramassent des missiles sur le coin de leur table du petit déjeuner. L'ignorance de la guerre, c'est la force des gouvernements qui la déclenchent.

Nous vivons une époque formidable. Celle de l'inversion du sens. Comme si le monde entier avait adopté la Novlangue d'Orwell. Voyez-vous, la guerre contre le terrorisme, c'est assurer la paix. Et ça passe d'autant mieux que toute cette guerre se déroule loin du pays qui l'a lancée. Personne ne la voit. Sauf ceux qui ramassent des missiles sur le coin de leur table du petit déjeuner. L'ignorance de la guerre, c'est la force des gouvernements qui la déclenchent. Le ministère de la vérité se charge de diffuser les informations autorisées. Et haro sur les journalistes ou les whistleblowers qui diffuseraient des informations gênantes, contraires à la doctrine.

Ce qui est merveilleux, c'est que tout se déroule dans une totale indifférence. Finalement, toute capacité à s'offusquer, toute critique a été comme anéantie. Sans douleur, sans répression, sans interdits.

Souvenez-vous, en 2001 les tours du World Trade Center sont détruite par des terroristes. George Bush embarque les Etats-Unis et une bonne partie de la planète dans une guerre totale contre le terrorisme. Personne ne tique. Pourtant, l'expression même devrait intriguer. Comment mener une guerre contre des mouvements hétéroclites, disséminés, par nature invisibles ou presque, soutenus par des Etats, des combattants absents d'un champ de bataille étendu à toute la planète ? Comment "éradiquer" le terrorisme quand les morts seront immédiatement remplacés ?

Quelles armes la démocratie peut-elle utiliser pour se défendre ?

Commence alors un combat qui va muter. D'une guerre conventionnelle en Afghanistan, et en Irak, on passe peu à peu à une guerre de l'ombre.

La démocratie veut survivre à un ennemi radicalisé, prêt à tout pour la détruire. Cela personne n'en disconvient. Mais avec quelles armes ? Et l'usage des armes choisies ne fait-il pas muter cette démocratie vers... autre chose ?

Les actions menées sont peu à peu dévoilées. Torture, enlèvements, le transfert des personnes enlevées vers des pays pratiquant la torture la plus brutale, l'incarcération hors procédure judiciaire et sans perspective de sortie, tout ou presque a été fait.

Tout cela se passait hors de la vue des peuples.

Mais l'information finissant toujours par trouver son chemin, il y a longtemps que chacun est pleinement informé.

On aurait pu espérer que les actes de l'Administration Obama diffèreraient de ceux de l'Administration Bush.

Barack Obama n'incarnait-il pas le changement ? L'espoir ?

Celui qui est porteur de grands espoirs peut devenir porteur de grandes déceptions.

Et cela n'a pas manqué.

A-t-on vu les faucons de l'Administration Bush être traduits devant la justice ?

Non.

A-t-on vu la fermeture de Guantanamo ?

Non. On continue d'y détenir des gens hors cadre judiciaire, sans perspective de sortie. Des gens qui ont des âges plutôt incompatibles avec un enfermement de ce type. Des mineurs et des personnes âgées.

A-t-on vu la fin des frappes aveugles de drones au dessus du Pakistan?

Non. Au contraire. Selon Wikipedia, 310 frappes sous l'administration Obama contre 52 sous George Bush.

176 enfants tués. Sans doute de dangereux terroristes. On imagine toutefois aisément ce à quoi vont rêver les familles de ces enfants en pensant aux Etats-Unis et à l'occident en général...

Saint-Obama ne serait-il pas l'homme providentiel ?

L'aveu

Le sénateur Lindsey Graham vient de déclarer que les frappes des drones américains ont fait 4700 morts.

Et revient sur le devant de la scène l'inversion du sens qui a tant marqué les deux présidences Bush :

Sometimes you hit innocent people, and I hate that, but we’re at war, and we’ve taken out some very senior members of Al-Qaeda.”

Traduisez : on ne fait pas d'omelette sans casser tuer des oeufs innocents et parfois, même des enfants.

Un discours qui semble passer dans la population.

Comme si l'on pouvait accepter l'idée que l'on tue des innocents ou des enfants et que c'est un (petit) prix à payer pour toucher des membres d'Al Qaïda. Ce n'est pas l'idée première que l'on se fait d'une démocratie, pourtant.

Pas plus lorsque qu'un Etat décide qu'il peut tuer ses propres citoyens si ses dirigeants pensent que lesdits citoyens sont actifs au sein d'un groupe terroriste. Qui décide ? Sur quelles bases ? Quelles sont les portes ouvertes par cette décision ?

Sans doute une porte vers une escalade. Dont il est toujours difficile de sortir.

 

 

Israël a longtemps eu pour doctrine de rendre coup pour coup. L'affaire la plus connue du grand public est sans doute le sort réservé aux membres du commando de l'organisation Octobre Noir qui avait tué onze athlètes israéliens lors des jeux olympiques de Munich. Non pas parce que tout le monde est féru d'histoire contemporaine, mais parce que Hollywood s'est saisi de cette histoire.

L'histoire, pour les nouvelles génération est ce qu'en fait Hollywood. Il y a probablement de quoi hérisser les cheveux sur la tête des historiens, mais avouons que cela permet aux cancres (et aux autres) d'acquérir une sorte de culture générale...

Ceci dit, il n'y a pas de films hollywoodiens pour raconter les frappes de drones, ni pour raconter la vie à Guantanamo. Du coup, les jeunes trouvent que Barack Obama est un type aussi sympa que Nelson Mandela ou Omar Sy.

Vingt-sept ans de prison, une vie au service d'une cause juste mis sur le même plan qu'un mandat présidentiel marqué par près de 5000 morts probablement directement autorisés par Barack Obama... Nous n'avons pas les mêmes valeurs, #LeJeunes...

 

(Attendez 2 minutes 40 environ, dans la vidéo)

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