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par Antoine Champagne - kitetoa

Deuxième mutation de la démocratie en vue

L'horreur des attentats de 2001 aux Etats-Unis avait déclenché un mouvement de balancier très perturbant (pour une minorité de personnes). Les Américains mauvais patriotes et suspects de toutes sortes de choses qui ne validaient pas les décisions de l'Administration Bush se retrouvaient au coeur de problèmes assez conséquents. Les étrangers qui refusaient les dérives de George Bush étaient classés dans le camps du Mal, probablement suspects de soutenir Al-Qaïda.

L'horreur des attentats de 2001 aux Etats-Unis avait déclenché un mouvement de balancier très perturbant (pour une minorité de personnes). Les Américains mauvais patriotes et suspects de toutes sortes de choses qui ne validaient pas les décisions de l'Administration Bush se retrouvaient au coeur de problèmes assez conséquents. Les étrangers qui refusaient les dérives de George Bush étaient classés dans le camps du Mal, probablement suspects de soutenir Al-Qaïda. Pourtant, la légalisation de la torture (article de 2006), entre autres exemples, permettait de comprendre que la Démocratie avait muté aux Etats-Unis. La mise en place de fichiers aberrants comme TALON prouvaient que très vite, l'Administration décidait de surveiller toute la population. Si l'infrastructure qu'Edward Snowden a révélée n'était pas encore en place, on pouvait déjà compter sur les "citoyens impliqués" pour dénoncer tout et n'importe quoi à n'importe qui afin que tout soit consigné. En quoi la Démocratie mutait-elle ? Elle commençait à utiliser très ouvertement les armes de ses ennemis pour combattre ces derniers. Si l'on peut comprendre qu'une démocratie veuille se défendre contre ceux qui veulent la renverser, souvent au profit de groupes voulant instaurer des systèmes bien plus coercitifs, on ne peut que déplorer l'usage pour ce faire, de méthodes anti-démocratiques. Cette voie n'a qu'une issue. La transformation de la Démocratie en autre chose. Quelque chose de proche de ce qu'elle n'est pas. Un Etat policier, une dictature ? La présentation en conseil des ministres demain d'un énième projet de loi visant à lutter contre le terrorisme est la concrétisation dans les textes de la deuxième mutation de la Démocratie.

Il faudra sans doute attendre quelques jours pour avoir accès au texte définitif, mais le projet de loi sur le renseignement dont les grandes lignes sont dévoilées par le Figaro laisse entrevoir un avenir bien sombre pour la démocratie.

Après le fichage des enfants dès trois ans par Nicolas Sarkozy, le projet de tests ADN pour le regroupement familial par le même, le projet de suppression des juges d'instruction par... toujours le même, mais aussi après le texte autorisant la censure sans contrôle d'un juge et en toute opacité, de sites faisant la promotion du terrorisme (qu'est-ce que le terrorisme, qui l'est, qu'est-ce qu'en faire la promotion, autant de débats démocratiques éclipsés), ce nouveau texte va officialiser la fin du secret des correspondances.

Recueil immédiat...

Selon l'article du Figaro :

"Dans son article 3, le texte permet aux enquêteurs d'obtenir un «recueil immédiat, sur les réseaux des opérateurs» des données de connexion des suspects. De même, il veut contraindre les intermédiaires à «détecter, par un traitement automatique, une succession suspecte de données de connexion». Les fournisseurs d'accès à Internet, mais aussi aux plates-formes comme Google, Facebook, Apple ou Twitter, pourraient devoir déceler eux-mêmes des comportements suspects, en fonction d'instructions qu'ils auront reçues, et transmettre ces résultats aux enquêteurs. [...]

Le projet de loi renseignement aborde aussi sur les obligations à la charge des opérateurs et des plates-formes «en matière de déchiffrement des données». Plus que jamais, la France veut disposer des clés permettant de lire des conversations interceptées"

Comment un opérateur peut-il détecter une succession de connections suspectes ? Chez Reflets, on a bien une idée, mais le conseiller com' de Fleur Pellerin va encore nous traiter de troll. Le Deep Packet Inspection, cette technologie qui a poussé les gouvernements de droite comme de gauche à soutenir financièrement et commercialement les entreprises françaises pionnières en ce domaine, est une solution optimale.

Qu'est-ce qu'une connexion suspecte ? Est-ce que le fait de contourner la censure du gouvernement (l'exécutif omnipotent en ce cas) par des moyens aussi simples que The Internet Archive, est une connexion suspecte ? Comment l'opérateur peut-il savoir qu'un de ses abonnés se connecte (et charge) un contenu "suspect" sans inspecter en profondeur ce qui circule sur son réseau ? Ceci signerait la fin du droit à la vie privée et du secret des correspondances. De même que l'obtention des clefs de chiffrement auprès des géants du Net. Dans une Démocratie, c'est à la justice de prouver que vous êtes coupable d'un crime ou d'un délit. Il n'est pas tolérable qu'une Démocratie présuppose, comme le faisait Nicolas Sarkozy et comme le fait actuellement le gouvernement Valls de François Hollande, que chaque citoyen est un délinquant en puissance, raison pour laquelle tous ses échanges, ses lectures, doivent être archivées, scrutées, ... au cas où.

Cette deuxième mutation, déjà bien entamée, mais qui est actuellement en train de se concrétiser dans les textes est un vrai danger. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas lorsqu'il sera trop tard. Ou lorsqu'un gouvernement composé de personnes aux idées anti-démocratiques trouveront tous ces outils à leur disposition.

Argent, philosophie...

C'est l'histoire d'un mec, Kenneth McVay, il constate -il y a très longtemps- sur Internet la présence de textes révisionnistes et antisémites. Au lieu de demander à grands cris à son gouvernement de les censurer, il décide de publier. Publier tout ce qu'il peut sur Internet pour contrer la propagande des révisionnistes et autres antisémites. Histoire à la fois de permettre aux gens de trouver des textes fiables donnant une opinion contraire à celle qu'il juge à raison nauséabonde, mais aussi de la noyer.

Pour qui est l'heureux détenteur d'au moins deux neurones, cette démarche semble un tantinet plus logique que celle qui consiste à censurer (sans efficacité), à surveiller et à classer comme terroriste potentiel toute personne consultant des textes à la gloire des tarés de Daesh.

En outre, en ces temps de disette budgétaire, il semble incongru de voir le gouvernement français dépenser de l'argent pour des mesures notoirement inefficaces...

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