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par Antoine Champagne - kitetoa

Dans le chaudron des apprentis-sorciers : Lustre, écoutes a-légales et autres ingrédients

Il est temps d'enclencher le compte à rebours. Dans les deux mois à venir, les apprentis-sorciers de gauche et de droite auront fignolé leur drôle de recette. Un projet de loi sur le renseignement est annoncé pour avril. Au menu de cette soupe à la grimace, on facilitera les écoutes des services de renseignement et l'on renforcera, dit-on, le contrôle de ces écoutes.

Il est temps d'enclencher le compte à rebours. Dans les deux mois à venir, les apprentis-sorciers de gauche et de droite auront fignolé leur drôle de recette. Un projet de loi sur le renseignement est annoncé pour avril. Au menu de cette soupe à la grimace, on facilitera les écoutes des services de renseignement et l'on renforcera, dit-on, le contrôle de ces écoutes. Comme nous l'avions dit peu après les attentats de janvier dans notre émission de radio sur le terrorisme, ce sont surtout les écoutes illégales qui deviendront très probablement légales. Dans le jargon des zélateurs de l'écoute massive, on appelle ces écoutes, des écoutes a-légales. Pas légales, mais pas non plus illégales. Elles sont a-légales. Cherchez l'erreur, car tout étudiant de première année de droit sait, lui, que quelque chose est soit légal, soit illégal.

Mediapart publiait aujourd'hui un intéressant article sur les écoutes en France. C'est didactique, complet. A lire donc. Reste une inconnue, ces écoutes a-légales. Quelle est leur ampleur ? Qui les réalise ? Pour le compte de qui ? Même en ayant recueilli les confidences d'anciens membres de la CNCIS, Médiapart ne nous en apprend pas plus. Oui, elles existent, mais le détail reste flou.

C'est dommage, car selon nous, c'est justement cette partie des écoutes qui va être "légalisée" par le projet de loi à venir.

Sujet de polémique entre l'auteur de ces lignes et Jean-Marc Manach, il nous semble que la France pratique des écoutes massives parfaitement illégales.

Les mots ayant un sens, précisons notre pensée.

  • La technologie existe et l'Etat Français a même aidé financièrement, diplomatiquement et "commercialement" les entreprises qui les ont développées (Qosmos, Amesys, EADS, etc.)
  • Il serait fort étrange que Amesys ait pu déployer ses Eagle dans plusieurs pays sans que l'Etat ne se soit réservé un accès distant à ces infrastructures. La même question est posée pour les sondes Qosmos là où elles sont déployées.
  • Les services de renseignement sont créés justement pour faire (aussi) des choses qui sortent du cadre légal. Le tout étant de ne pas se faire prendre en train de faire sauter un bateau en Nouvelle Zélande, par exemple.
  • Define "Massives", please... Pour nous, massif, c'est au-delà de ce que l'on peut faire avec des écoutes judiciaires ou administratives. Par exemple, ramasser les meta-données de 100.000 personnes au hasard une fois de temps en temps, c'est du massif. Quand la France communique 70 millions de meta données à la NSA dans le cadre de l'accord Lustre, c'est du massif, par exemple.
  • Le secret des correspondances étant un point important de cette "démocratie", il nous semble que la France, comme tous les autres Etats, s'assoit sur l'un des principes fondamentaux du contrat social qui nous unit.

Ce qui doit énerver les députés, sénateurs, policiers, espions, etc. qui militent pour plus d'écoutes, c'est que les écoutes illégales (a-légales, selon leur terminologie) ne peuvent pas entrer dans une procédure judiciaire, en raison justement de leur illégalité. Un petit projet de loi bien tourné pourrait peut-être régler ce point de détail.

Lustre : ce tabou français dont on ne peut pas parler

Selon un journal Allemand, et Le Monde, la France participe au grand n'importe quoi mis en place par les Etats-Unis, en communiquant des informations récoltées (en masse) par nos services. Ceci se fait sur la base d'un accord portant le nom de "Lustre". Mais que sait-on de Lustre ? Rien.

Ce n'est pas faute de poser des questions. Simplement, les élus se refusent à répondre. De mémoire, les élus sont dépositaires du pouvoir délégué par le peuple français. Ils leur doivent donc une certaine transparence sur leurs actes. En tout cas, c'est ce qui est écrit noir sur blanc dans "Oui-Oui écrit la constitution de la Vème république"...

Ledéputé Jean-Jacques Candelier a bien tenté de poser une question au gouvernement sur Lustre. C'était le 26/11/2013. Il attend toujours sa réponse.

Reflets a posé une question sur Lustre à Jean-Jacques Urvoas à la fin d'une conférence. Sans répondre, il s'est levé et a quitté le lieu. Laissant là les personnes qui l'avaient invité et les autres participants à la conférence qui n'ont pu lui poser aucune question. En près de 25 ans de journalisme, je n'avais jamais vu quelqu'un refuser de répondre à une question de cette manière.

Ce matin, rencontrant dans une conférence publique un membre de la DGSI qui sensibilisait les entreprises au risques numériques, j'ai également abordé l'accord Lustre. Je n'ai obtenu aucune réponse sur ce point.

Reflets a interpellé à de très nombreuses reprises des membres du gouvernement ,via Twitter ou par ses articles, à propos de Lustre et de l'infrastructure d'écoute française (liée au déploiement des Eagles de Bull/Amesys). Sans jamais obtenir la moindre réponse. A part celle d'Aziz Ridouan, un chargé de la com' de Fleur Pellerin qui traitait Reflets de Troll...

Circulez, il n'y a rien à voir. La France ne fait pas de massif répètent en boucle Jean-Jacques Urvoas, les patrons de la DGSE, les gouvernements. Tout va bien. Dormez tranquilles. Et pour vous rassurer un peu plus, au nom de Charlie qui n'en peut mais, on vous concocte une soupe à la grimace nouvelle loi liberticide. Etonnament, son contenu sera porté à bouts de bras par Jean-Jacques Urvoas, le même qui avait introduit un amendement sur le secret des affaires dans la loi Macron, visant entre autres choses à mettre un terme au journalisme d'investigation... Pur hasard bien entendu.

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