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par Antoine Champagne - kitetoa

Ces chiffres qui tuent l’idée d’une sortie de crise et préfigurent les prochaines

Comme elle s’annonçait radieuse, l’année 2013… François Hollande l’affirmait haut et fort à Oslo le 10 décembre 2012 : «La crise de la zone euro, je l’ai déjà dit, elle est derrière nous. La Grèce, nous avons enfin apporté les fonds qu’elle attendait. L’Espagne, nous avons permis au secteur bancaire d'être renfloué. L’Italie, même s’il y a une incertitude politique, je suis sûr que les Italiens vont y répondre, comme il convient.

Comme elle s’annonçait radieuse, l’année 2013… François Hollande l’affirmait haut et fort à Oslo le 10 décembre 2012 : «La crise de la zone euro, je l’ai déjà dit, elle est derrière nous. La Grèce, nous avons enfin apporté les fonds qu’elle attendait. L’Espagne, nous avons permis au secteur bancaire d'être renfloué. L’Italie, même s’il y a une incertitude politique, je suis sûr que les Italiens vont y répondre, comme il convient. Et donc tout ce que nous avons à faire ce n’est plus simplement de sortir de la crise de la zone euro: c’est fait». Ce que François Hollande sous-estimait alors, c’est la capacité du système financier mondial à créer, dès qu’une crise éclate, les fondations de la suivante. L’économie étant une balance à plateaux multiples qui ne s’équilibre jamais, il est aisé d’en faire ressortir un chiffre ou deux qui semblent positifs pour valider telle ou telle théorie. Même la plus farfelue, comme celle d’une sortie de crise. Ou, à l’inverse, celle d’une économie mondiale au bord du gouffre. Démonstration…

Les économistes et commentateurs plus ou moins avisés qui squattent les médias s’époumonent : « il faut de l’austérité » pour sortir de cette crise financière et de celle de la dette des Etats (Européens, mais pas uniquement). Pour autant, la dette des Etats-Unis atteint désormais 17.752 milliards, soit quelque 10.000 milliards de plus qu’il y a dix ans. Il est par ailleurs intéressant de noter que le volume de dollars « réels » en circulation dans le monde atteint à peine 1.200 milliards. Cette position est « tenable » tant que le dollar est considéré comme une valeur refuge. Or plusieurs signes tendent à démontrer que la monnaie américaine n’est plus ce qu’elle était. L’Europe, la Chine, la Russie, incitent à utiliser d’autres monnaies au détriment du dollar. Le gouvernement français appelle quant à lui à utiliser l’euro comme monnaie pour le commerce international en remplacement du dollar.

La dette globale des Etats-Unis, qui comprend l’Etat, les entreprises et les ménages a atteint quant à elle 59.398 milliards de dollars au premier trimestre 2014, selon la Réserve Fédérale. En 1990, ce montant était de 13.500 milliards.

La dette publique mondiale, tous Etats confondus, culminait quant à elle 100.000 milliards de dollars mi-2013, selon les chiffres de la Banque des Règlements Internationaux. Une paille. Ce volume a progressé de 30 milliards de dollars depuis le début de la crise financière en 2007.

Faudrait voir à ne pas trop... dérivés...

Si ces chiffres paraissent astronomiques, que penser de ceux-ci : le montant global de l’exposition des 25 premières banques américaines aux produits dérivés, atteignait 237.000 milliards de dollars fin 2013, selon le département du Trésor Américain. Détail, les actifs de ces 25 banques représentent un tout petit total de 9.400 milliards. Quatre banques sur les 25 détiennent 82% des contrats sur des dérivés (généralement de taux). Sainte Finance, priez pour qu’aucune calamité ne frappe les marchés des dérivés.

Qui a dit « too big to fail » ? Trop grosses pour faire faillite ne veut pas dire qu’elle sont en bonne santé. Dans l’esprit du monde financier et des gouvernements, il s’agit de banques que l’on doit sauver à tout prix. Si elles devaient faire faillite, elles entraîneraient tout le monde dans leur chute, par effet domino. Or, si quelques banques étaient, au début de la crise, « too big to fail », JPMorgan Chase, Bank of America, Citigroup, Wells Fargo, Goldman Sachs et Morgan Stanley ont grossi de… 37% depuis, selon Fortune.

Parole d’expert, la situation reste dangereuse et la possibilité d’une nouvelle crise grave ne doit pas être écartée : selon le dernier rapport annuel de la Banque des Règlements Internationaux, « La tentation de reporter l'ajustement peut s'avérer irrésistible, surtout quand tout semble aller bien et qu’un boom financier saupoudre tout d’une poussière magique de richesses illusoires […] La conséquence est un modèle de croissance qui repose trop sur la dette, à la fois publique et privée, qui au fil du temps sème les germes de sa propre disparition ». Le New York times traduit cet avertissement en des termes moins diplomatiques : « Le monde s’est saoulé avec de l’argent facile et a déjà oublié les leçons de ces dernières années »… L’un des patrons de la Banque Mondiale est quant à lui très direct : « c’est le moment de se préparer pour la prochaine crise ». S’il est au courant de quelque chose, il faudrait en parler aux hommes politiques…

Il faut dire que niveau croissance, la sortie de crise semble encore un peu loin, n’en déplaise à François Hollande. Le produit intérieur brut des Etats-Unis a enregistré une contraction de 2,9% sur un an au premier trimestre de l’année. Dans le même temps, le PIB de l’Union européenne a progressé de seulement 0,2% (les économistes tablaient sur le double). En France, le PIB est resté stable (0%) tandis qu’en Italie, il a reculé de 0,1%. En Grèce, le recul a atteint 2 ,5% et au Portugal, 0,7%.

Pour ce qui est de la finance « heureuse » et « amie », telle que définie aux Rencontres économiques d’Aix-en-Provence par Michel Sapin, qui viendrait « aider » les entreprises françaises à « se financer », il y a encore du travail. Selon la Banque centrale européenne, les crédits au secteur privé en Europe ont baissé de 2,5% sur un an en avril 2014.

Sur le front purement bancaire, en Bulgarie, on a assisté fin juin à « bank run », les clients faisant la queue dans la rue pour retirer leurs fonds. Le cauchemar des banquiers… Avant l'été, au Portugal, le Banco Espirito est en mauvaise posture. Son titre a perdu la moitié de sa valeur en trois semaines avant que sa cotation soit suspendue.

Sur le front des ménages, la situation n’est pas plus rose. En Grèce par exemple, le taux de chômage atteint 26.7 % et 56.8 % pour les jeunes. En Espagne, ce sont 54% des jeunes qui sont au chômage.

En France, quelque 10 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté contre 7 millions en 2004. Dans le même temps, la hausse annuelle des revenus des 0,01% des Français les plus riches a atteint 43 % à un minimum de 840.000 euros. « Les 10 % des Français les plus pauvres n’ont eux connu qu’une augmentation de revenu à la marge. En 2005, ils gagnaient au maximum 13 020 euros par an, en 2011, ils gagnent au maximum 13 070 euros, soit une hausse de 50 euros sur l’année », soulignait Mediapart dans un récent article. Le nombre de foyers bénéficiaires du RSA a quant a lui progressé de 7,9% en deux ans à 2,310 millions en mars 2014.

Qu'on se le dise, la crise est derrière nous. Ou devant. Qui sait ?

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