Emmanuel Macron et ses ministres : « les empêchés »

À chaque déplacement, c'est désormais un concert de casseroles...

En six ans, Emmanuel Macron et ses obligés sont passés du statut de jeunes premiers qui allaient révolutionner la manière de faire de la politique à celui de « barrage » avant de finalement se transformer en tremplins pour le Front National. Plus un seul de leurs déplacements ne se passe dans le calme. Le rejet est massif et inquiétant.

Nous avons souvent la mémoire courte. Soit parce que cela nous arrange, soit parce que dans un monde où les informations se succèdent avant que nous ayons le temps de les interpréter, dans un monde où le Net a lui-même rendu inaudibles les chaînes de télé en continu, nous n'avons pas assez de place de cerveau disponible pour stocker tout ce qui nous est présenté. En 2016, alors en pleine ascension, Emmanuel Macron faisait la couverture de toute la presse. C'était « l'homme pressé », celui qui allait « faire table rase du passé », inventer une nouvelle façon de faire de la politique. Toute la presse ou presque vendait l'histoire d'un jeune homme extrêmement intelligent. Enfin une alternative à de vieux politiques venu d'un autre siècle... Las... L'homme est plus doué pour les discours creux sortis tout droit du Littératron de Robert Escarpit ou d'un prompt pour ChatGPT que pour gouverner. Rapidement (dès le deuxième tour) agité comme un simple épouvantail pouvant faire barrage à Marine Le Pen, il finit par verser dans des discours que celle-ci n'aurait pas reniés. Vient ensuite le temps des gilets jaunes. Le jeune et fringuant président est désormais « empêché ». La peur commence à s'immiscer. Au point de pré-positionner un hélicoptère pour exfiltrer le président en cas d'envahissement de l'Élysée par les gilets jaunes... Le fameux « barrage » et l'absence de tout candidat sérieux, lui y compris, face à Marine Le Pen (« tout sauf le pire » aurait pu résumer la campagne de 2022) le portent à nouveau au pouvoir en 2022. Il relance en 2023 son projet de réforme des retraites après un pédalage dans la semoule dû au covid et là, c'est le drame.

Le supposé jeune et fringuant président ne peut plus bouger. Pas plus que ses ministres. À chaque sortie, c'est un concert de casseroles, des huées, des « Macron démission » et des « On est là, même si Macron ne veut pas », l'un des chants des gilets jaunes que le président pensait avoir enterrés en même temps que le résultat du « grand débat national ».

« Nous avons devant nous 100 jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service de la France » a lancé Emmanuel Macron aux Français au travers des étranges lucarnes. Est-il convaincu lui-même de pouvoir embarquer le pays dans un élan d'optimisme façon slogan Linkedin de manager aux discours aussi positifs qu'enfantins ? Peut-on « halluciner » une réalité comme un ChatGPT que l'on embarquerait sur une sombre histoire de pizzas et de lapin ?

Emmanuel Macron a-t-il imaginé seul ce concept des 100 jours ? Ou alors est-il conseillé pour cela ? Dans les deux cas, quelqu'un a des lacunes en histoire car les 100 jours de Napoléon ont culminé par la fameuse défaite de Waterloo...

En attendant l'éventuel Waterloo d'Emmanuel Macron, les Français ont pris les rues. Quasiment tous les jours, le zbeul sur un air de #ToutCramer. Ça flambe la nuit, ça fait du bruit le jour. Le peuple ne veut pas tourner la page. On traite les opposants de terroristes intellectuels mais rien n'y fait. Les préfectures en viennent à interdire les rassemblements et même, à rendre illégal le fait de transporter une casserole et une cuillère, pouvant être des « dispositifs sonores portatifs ». C'est pire que le numéro des clowns du Cirque Zavaglione, en tournée partout en France ce printemps...

Petite compilation :

Emmanuel Macron à Muttersholtz dans le Bas-Ghin

Alors qu'Emmanuel Macron évoque l'historien Pierre Rosanvallon (qui a parlé d'une crise démocratique sans précédent depuis la guerre d'Algérie) en le qualifiant de « militant » (ce qui serait péjoratif ? ), le député Emmanuel Fernandes apparaît dans le champ avec un bâillon « 49.3 ». Les gardes du corps se précipitent et le caméraman change de point de vue pour le faire sortir du champ.

Emmanuel Macron à Sélestat en Alsace

Emmanuel Macron est accueilli sous les huées. Les opposants à la réforme scandent « Macron démission ». Alors que les micros sont tout autour de lui, on peine à entendre ce que le président dit.

Mais (magie des technologies modernes ?), le soir, Emmanuel Macron publie une vidéo dans laquelle on n'entend quasiment plus le tintamarre des citoyens. Sauf à la fin où le chant des gilets jaunes n'a pu être totalement effacé.

Il y avait les images de Staline avec les personnes qui disparaissaient au fil des années, il y a maintenant les bruits qui s'envolent.

Emmanuel Macron à Ganges dans l'Hérault

La préfecture interdit les casseroles et évoque pour cela le risque terroriste. Les fameux « terroristes intellectuels » évoqués par Gérald Darmanin, sans doute.

Emmanuel Macron n'est pas le seul à ne plus pouvoir sortir sans un comité d'accueil.

Christophe Béchu à Coulaines dans la Sarthe

Devant le service départemental d'incendie et de secours à Coulaines, dans la Sarthe, le ministre de la transition écologique Christophe Béchu n'est pas le bienvenu.

Olivier Dusopt à Chartres dans l'Eure-et-Loir

Le ministre du Travail Olivier Dussopt était à Chartres le 18 avril pour défendre la réforme des retraites. Il a été accueilli par un concert de casseroles et autres sifflets.

Carole Grandjean à Pantin

La ministre déléguée auprès du ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion et du ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse s'était rendue le 19 avril à Pantin dans un Centre de formation d’apprentis (CFA) des métiers du luxe d'Hermès. Le comité d'accueil était là.

La Ministre de l'Enseignement Supérieur Sylvie Retailleau à Saclay

La Ministre de l'Enseignement Supérieur Sylvie Retailleau était attendue à l'université Paris Saclay le 18 avril. Elle n'est finalement pas venue. Les chercheurs l'attendaient pourtant.

Jean Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées, à Paris

Le 18 avril, le ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées Christophe Combe était « empêché » par les manifestants lors de sa visite à la CAF à Paris (images Clément Lanot)

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Emmanuelle Borne, première ministre à Paris

Nina Fleury-Panel , une jeune femme de 21 ans, explique à la première ministre ce que c'est que d'écouter. Elle est intervenue au cours des rencontres jeunesse de Matignon le 19 avril.

Le président a indiqué qu'il ne pouvait rester sourd face à la revendication de justice sociale et de rénovation démocratique. Il faut donc entendre le contraire car il faut bien l'avouer, en dépit de plusieurs mois d'unité syndicale inédite, de millions de personnes dans les rues au fil de plus de dix journées de manifestations calmes et déterminées, de nuits de manifestations sauvages, de casserolades, il reste de marbre.

C'est pas faute de faire du bruit, la preuve...