Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Antoine Champagne - kitetoa

#Amesys : business as usual

Il ne s'est rien passé. Rien du tout. Non, un petit site du fin fond du Web n'a pas découvert qu'une société française, filiale de Bull avait vendu un système d'écoute global de la population libyenne. Non, ce n'est jamais arrivé. Cette découverte n'a jamais été relayée et approfondie par Owni.  Ni reprise par toute la presse et toutes les TéVés.   Le Wall Street Journal n'a jamais découvert un centre d'écoute de toute la population à Tripoli.

Il ne s'est rien passé. Rien du tout.

Non, un petit site du fin fond du Web n'a pas découvert qu'une société française, filiale de Bull avait vendu un système d'écoute global de la population libyenne. Non, ce n'est jamais arrivé. Cette découverte n'a jamais été relayée et approfondie par Owni.  Ni reprise par toute la presse et toutes les TéVés.

 

Le Wall Street Journal n'a jamais découvert un centre d'écoute de toute la population à Tripoli. Il n'a jamais publié les photos des logos Amesys à Tripoli. Ni raconté que sur les affiches Amesys à Tripoli, il y avait le nom du contact chez Amesys, Renaud Roques, en cas de problème.

Le WSJ n'a pas non plus raconté que dans ce centre, il y avait des centaines de dossiers retraçant les écoutes de la population libyenne. Rien de tout cela n'est arrivé. Mediapart n'a pas expliqué en long, en large et en travers que Ziad Takieddine, l'ami de tous les hiérarques de l'UMP et du gouvernement avait facilité les contrats entre Amesys/Bull et le gentil colonel Kadhafi.

Non, tout cela n'est jamais arrivé.

Reflets n'a pas non plus écrit que Amesys avait versé 120.000 euros pour "sponsoriser" le festival mondial des arts nègres au Sénégal.

Nous n'avons pas non plus écrit que début février alors que les troubles commençaient à être nettement visibles en Libye, le patron d'Amesys/Bull était allé faire un petit tour en Libye histoire de tenter de vendre un upgrade de son système d'écoute.

 

 

Non. Rien de tout cela n'a existé. Parce que Amesys continue son business, comme si de rien n'était. Et pour faire du business, il faut être au moins deux.

 

C'est de la bonne...

 

Autrement dit, il y a toujours plein de monde pour continuer de faire du business avec une société qui s'est illustrée en vendant des outils de surveillance à des dictatures sanglantes ou à des régimes policiers. Et qui continue. Business as usual.

Bien entendu, elle n'est pas la seule et comme dirait Fabrice Epelboin dans la première vidéo sur cette page, on peut toujours évoquer la théorie des vendeurs de crack : "si c'est pas moi qui le vend à tes enfants, ce sera un autre". Reflets a décidé de créer son propre système Eagle© -baptisé "DaHubbleVisionPowa©"- pour pouvoir écouter Amesys.

Nous sommes désormais à la tête d'un outil de haute technologie qui permet d'écouter les communications téléphoniques, Internet, GSM, Fax et les pigeons voyageurs de la direction de Bull et d'Amesys. #Fear.

Commençons tranquillement par l'article  du Canard Enchaîné du 8 février.

Mais quel objectif le groupe informatique Bull – dont l’Etat français est un actionnaire minoritaire,

... et dans lequel il a réinvestit à nouveau en aout dernier.

– poursuit-il en Iran ? Depuis deux ans, Bull SAS (détenue à 100 % par Bull), qui abrite les filiales étrangères du groupe, entretient, en toute discrétion, une « succursale » au pays des mollahs, comme le prouve un document que « Le Canard » s’est procuré. La question est d’autant plus sensible que cette initiative ­s’est produite quelques semaines après­ la prise de contrôle de Bull par un petit fabricant de logiciels nommé Amesys"

... et la nomination, au poste de président de Bull de Philippe Vannier, le PDG d'Amesys. Ce même Philippe Vannier qui recevra, en juillet dernier, la légion d'honneur des mains de Nicolas Sarkozy.

Le document est tout ce qu'il y a de plus public. Voici le passage qui nous intéresse :

 

On peut penser ce que l'on veut de l'Iran, Reflets a du mal à penser que Bull va y vendre de petits ordinateurs de bureau... Faire du commerce avec un tel gouvernement, qui a tendance à réprimer dans le sang les manifestations, est un tantinet éthiquement discutable.

Bull assure au Canard que :

 « Cette succursale est dédiée à des prestations de services informatiques dans le domaine civil et n’a aucun rapport avec Amesys et avec ses activités »

On est priés de croire le leader de l'informatique en France sur parole, tout comme lorsqu'il nous expliquait que Amesys avait vendu un système d'écoute globale à la Libye pour traquer des pédophiles notoires, devenus des ministres ou des ambassadeurs.

 

 

Le gouvernement français qui est tout à fait au courant de ce que vend Amesys reste muet. Il ne répond pas aux questions des rares parlementaires offusqués. Et quand il le fait, c'est en se foutant ouvertement d'eux.

Le gouvernement français, lui, n’a pas réagi officiellement après la découverte des exploits d’Amesys en Libye. Ce n’est sans doute pas faute d’être informé. Le groupe Bull bénéficie, depuis sa création, de commandes publiques. L’Etat, qui, en 2005, a financé sa restructuration, contrôle 5,05 % du capital via le Fonds structurel d’investissement. Quant au service de communication de Bull, il est dirigé par la fille de Gérard Longuet, actuel ministre de la Défense. Mais on n’est pas obligé de tout raconter à son papa…

Voilà pour l'Iran.

 

La vision de l'aigle français au Maroc

 

Nous  avons raconté sur Reflets et dans le Canard Enchaîné que Amesys venait de régler une facture de près de 2 millions d'euros à une filiale de Bull (ServiWare) pour obtenir le matériel nécessaire (IBM) afin de mettre en place sa technologie Eagle au Maroc.

La même qu'en Libye.

 

 

Amesys est en ce moment même présent au Maroc pour la mise en route de ce projet. Business as ususal...

Mais nous y reviendrons dans un prochain article.

Plus près de nous maintenant.

Pour les journalistes qui veulent trouver de bonnes questions à poser aux politiques en campagne ou  à Philippe Vannier lors de la prochaine conférence de presse de Bull, c'est le moment de commencer à prendre des notes, vous ne trouverez probablement pas ces informations ailleurs.

En novembre dernier, Orange officialisait un cahier des charges dit "Matrice" visant à installer du DPI sur le réseau de l'opérateur national.

L'objectif officiel étant de faciliter la supervision du trafic et l'aide à la résolution des incidents. La vitrine officielle du DPI. A part bien entendu la lutte contre les pédophiles.

Mais Orange spécifiait que la solution attendue devait pouvoir faire du filtrage avancé sur les MAC adresses, les ports de communication, les IPs, les protocoles. On notera également la  demande sur la capacité à supporter IPV6 pour le filtrage et le DPI. Bref... Un bien bel outil... de supervision et de chasse aux pédophiles. Tout dépend de comment on le regarde. Et l'utilise.

Il n'y a pas cinquante entreprises fournissant ce genre de joujou. Bull a donc été consulté.

 

La fille qui ne parlait pas à l'oreille de son papa

 

On pourrait se dire qu'après la vaste médiatisation des déboires d'Amesys en Libye, de ses ventes au Maroc, à la Côte d'Ivoire, à Doha, etc., Orange aurait pu faire un peu la fine bouche.

Pas du tout. Orange continue de discuter ferme avec Bull sur ce projet. Mais ça, c'est parce que Chez Orange, au coeur du réseau, "c'est comme une grande toile d'araignée, y'a des câbles, plein", il leur faut donc "une tour de contrôle". "Il y a des gardiens"... :

 

Au coeur du réseau chez France Télécom - Orange par orangejobs

 

De son côté l'Armée (Allo M. Longuet ?) n'est pas en reste et continue de commander des trucs étranges à Bull/Amesys. Sûrement pour chasser les pédophiles.

Amesys peut d'ailleurs sur demande de ses partenaires (parfois étrangers) mettre en place des rendez-vous avec des gens bien placés dans des secteurs soumis au secret défense.

Est-ce un reste de l'époque Takieddine -On est taquins, cela n'a probablement rien à voir-,  mais ça marche même au sein de la Direction des Constructions Navales.

A se demander comment Gérard Longuet peut être si peu au courant de ce que fait cette société... La Direction du Renseignement militaire, ça dépend bien du ministère de la défense, non ?

 

La DRM, cette grande muette

 

Voici ce qu'écrivait Claude Angeli dans le Canard Enchaîné le 7 septembre 2011 :

 

[...] Informations reprises en partie, le 1er septembre, par « lefigaro.fr »  et assorties des confidences d’un militaire français ayant participé à  la formation des barbouzes libyennes. _Bons baisers du Guide__ La présence sur place des services secrets français ne s’est pas limitée  à cette simple formation, comme le reconnaissent plusieurs officiers  qui n’ont guère apprécié cette exportation de leur savoir-faire, qu’ils y  soient ou non personnellement impliqués. Mais il a fallu obéir au chef.  A la demande de Sarko – et de juillet 2008 jusqu’à février 2011 –, des  officiers de la Direction du renseignement militaire et des services  techniques de la DGSE ont ainsi supervisé la mise au point des  équipements d’espionnage électronique vendus au colonel libyen par  plusieurs industriels français et autres._« C’était l’époque où on se crachait dans la bouche, avec Kadhafi »,  ironise un général de la Direction du renseignement militaire. Exact, le  Guide libyen n’était plus un pestiféré. Après avoir renoncé au  terrorisme et aux « armes de destruction massive » (qu’il ne possédait  pas toujours), puis libéré les infirmières bulgares, et, enfin, acheté à  la France des missiles antichars Milan (168 millions d’euros) et des  systèmes de communication radio « sécurisés » (128 millions), Kadhafi  était devenu « le client chéri de Sarko et des Occidentaux », selon la  formule d’un diplomate français.

 

Amesys a par ailleurs des relations avec des ministères autres que celui de la Défense. Comme celui de l'économie. Amis journalistes, si Gérard Longuet reste sourd à vos questions peut être pouvez vous vous adresser à Christine Laboulette Lagarde ou son successeur François Baroin ? Peut-être sont-ils mieux renseignés ?

Le fait qu'Amesys ait vendu ses outils de surveillance a des dictatures et des états policiers en touche visiblement une sans faire bouger l'autre à toutes les sociétés et entités publiques qui continuent à faire du business avec cette entreprise éthique. Dans la liste, on a de tout, Cassidian, bien entendu, Sagem, Dassault, la DGA, Thales, Alcatel, MBDA et bien d'autres.

#osef probablement de ces ventes à des pays aux gouvernements douteux, dans la mesure où, sur le plan éthique il n'y a rien à redire "puisque les clients sont des pays avec qui la France a des relations diplomatiques classiques". On connait la musique, le mantra de Philippe Vannier, qui a bien intégré le concept des "éléments de langage" cher à Nicolas Sarkozy.  Mais leur éthique n'est pas la même que la nôtre.

Allez, repartons à l'étranger. Amis journalistes, vous pouvez continuer à prendre des notes pour vos futures questions à Philippe Vannier.

La République tunisienne, à peine sortie d'une période noire et très affairiste n'hésite pas à faire appel à Bull/Amesys.

Plus précisément la direction générale des transmissions et de l'informatique du ministère de la défense nationale qui n'hésite pas à interroger Bull/Amesys pour l'installation de  récepteurs VHF/UHF.

Mais le meilleur est à venir. Nous l'avons gardé pour la fin parce que comme ça, ceux qui n'auront pas lu jusqu'ici seront punis.

Hum...

 

Un DaHubbleVisionPowa© pour les écouter tous

 

Bref. Souvenez-vous...

En décembre dernier, le Wall Street Journal lâchait  (FR) une information qu'il détenait depuis belle lurette : le nom du contact chez Amesys sur les affiches dans le centre d'écoute de Tripoli : Renaud Roques.

On aurait pu imaginer que le tollé suscité par la découverte de ce centre, que les photos des dossiers contenant des écoutes d'opposants, auraient fait réfléchir Renaud Roques sur les effets de bords induits par son travail.

Visiblement pas.

Selon les informations entrées en base de données, analysées et corrélées par DaHubbleVisionPowa©, Reflets peut affirmer qu'un nouveau projet Eagle d'interception globale des communications dans un pays d’Afrique a été proposé à Amesys. Pas de souci, Renaud Roques est sur le coup pour plancher sur ce projet... Le fait que ce pays connaisse des tensions très fortes actuellement et que certains évoquent une guerre civile larvée, ne semble rien lui rappeler... Ce pays d'Afrique, comme le Maroc d'ailleurs, connaît actuellement des tensions et des manifestations. Le pouvoir est contesté par la population.

Il est temps de mettre tous ces pédophiles qui manifestent sur écoute globale.

L'industrie de la torture se porte bien et elle reçoit des appuis technologiques bienvenus.

Business as usual... on vous dit.

 

 

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