Journal d'investigation en ligne et d'information‑hacking
par Yovan Menkevick

2012 : la fin de quoi ?

(On pourra toujours ouvrir des bonnes bouteilles le 21 décembre prochain en ricanant sur les prédictions issues du calendrier maya, il n'empêche que cette année 2012 possède un potentiel de changements assez…unique. Petite chronique des "possibles" pour cette année charnière dans pas mal de domaines.) 2011 s'est conclue mollement et pourtant elle fut riche en événements majeurs.

(On pourra toujours ouvrir des bonnes bouteilles le 21 décembre prochain en ricanant sur les prédictions issues du calendrier maya, il n'empêche que cette année 2012 possède un potentiel de changements assez…unique. Petite chronique des "possibles" pour cette année charnière dans pas mal de domaines.)

2011 s'est conclue mollement et pourtant elle fut riche en événements majeurs. Cette année là, Ben Ali dégage vers l'Arabie Saoudite, le Raïs Moubarak est destitué, emprisonné, et finalement l'étripage du vilain Kadafi vient conclure la série des "soulèvements arabes" "réussis", bien qu'on attende toujours le résultat syrien. Un séisme majeur au pays du soleil levant déclenche le plus gros accident nucléaire depuis Tchernobyl, une reprise de la crise financière passe par une explosion de la dette européenne, des chefs d'Etat européens sont débarqués pour être remplacés par des anciens de chez Goldman Sachs…enfin bon, quand on y regarde bien, c'est un millésime assez croustillant, 2011. Mais ne nous y trompons pas : si 2011 était riche en événements majeurs, 2012 risque de ne pas être décevante.

La fin de l'Union européenne ?

Bien entendu, le but n'est pas là de jouer aux cassandres ou autres madame soleil. L'exercice peut vite tourner au ridicule. Non, il est ici question d'observer les mouvements politiques, économiques en cours et s'attacher à envisager l'évolution du cours des événements au vu des décisions déjà prises, des tendances visibles. Pour l'UE, il n'est pas certain que le traité de Lisbonne résiste aux coups de boutoir de la crise de la dette (démarrée par la crise des "subprimes" et accentuée par la spéculation des "marchés") : si la BCE ne se met pas rapidement à prêter à d'autres organismes que les banques privées, il paraît à peu près certain que l'écroulement financier soit inscrit dans l'histoire de la zone euro comme le nom du soldat inconnu sur sa stèle (le nom du soldat c'est inconnu).

Le traité actuel ne permet pas ces prêts de la BCE aux institutions d'Etat : exit Lisbonne avec de nouvelles règles pour la BCE. Et alors ? Oh pas grand chose, mais quand même, on peut se demander jusqu'où certaines nations seront prêtes à aller si on les oblige à suivre de nouvelles règles en permanence tout en maintenant des obligations de désendettement très très coûteuses en termes sociaux et économiques. Parce que la croissance dans la zone euro est terriblement basse pour 2012 : récession en France, 0,5% en Allemagne. Ca fait un peu mal quand on est un adepte du système capitaliste néo-libéral : au point que l'une des conseillères d'Angela a parlé de la possibilité pour l'Allemagne…d'une sortie de l'euro en 2012. Si, si.

En 2012, si tu es européen, attends-toi à voir des gouvernements techniques se mettre en place un peu partout, gouvernements qui vont serrer la vis des dépenses et te ratiboiser le peu de social qu'il te reste, ainsi que te faire cracher au bassinet : augmentation des taxes existantes, des impôts les plus variés, taxes exceptionnelles "de crise", gels des salaires, casse du droit du travail pour activer la "flexibilité de crise"… Il ne restera pas grand chose des acquis sociaux issus de la seconde guerre mondiale à la fin de cette année, c'est à peu près certain. Au final, cette rigueur toute orthodoxe qui suinte de tous les pores des "dirigeants techniques" aura écroulé l'économie réelle au point qu'un taux de chômage entre 10 et 20% (et plus dans certains pays peu industrialisés) pourrait devenir la règle un peu partout. La sortie de l'UE pour certains pays risque de devenir inéluctable si les populations s'énervent un peu trop. Avec une sortie de l'euro…ou pas. Parce qu'après tout, quitte à changer les règles, on peut bien imaginer des Etats sortant de l'Union mais conservant la monnaie unique. Il y a bien des Etats membre de  l'Union mais sans l'euro…

La montée des populismes ?

Il n'y a pas que le Tea-Party au pays de l'Oncle Sam qui fait dans le populo droitier anti-tout. Ca frétille aussi sur le vieux continent. La "droite extrême" ou "super conservatrice et nationaliste", ce qu'on appelle les "populismes de droite" se sont déjà installés un peu partout et progressent un peu partout depuis 2011 : Pays-Bas, Finlande, Hongrie, Suède, Norvège, France, Italie, Belgique, Autriche, Danemark :

On attend d'ailleurs les résultats de la présidentielle française qui risquent d'être surprenants : le national-populisme semble être une valeur sûre pour cette année…avec son lot de décisions iniques, sa démagogie de supermarché et ses valeurs moisies : bienvenue dans la vieille-nouvelle Europe, celle qui barricade ses frontières, expulse ses étrangers avec les mêmes méthodes que celles réprouvées par la convention des droits de l'homme et surveille tous ses citoyens pour protéger les "bons" des "mauvais".

En 2012, le nouvel âge d'Internet : filtres et surveillance à tous les étages ?

Nous avons dans l'ordre : ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement ) pour l'Europe, qui a été votée, SOPA (Stop Online Piracy Act) aux USA, qui doit passer en janvier, ainsi qu'un flot de preuves que les entreprises à la pointe des surveillances numériques ont déjà vendu leurs technologies dans des dictatures mais ont aussi effectué des "tests" dans les démocraties occidentales en 2011 : cheval de Troie gouvernemental en Allemagne (pour surveiller des postes d'internautes), Deep Packet Inspection proposé en test commercial par Orange en France, etc….

2012 risque donc de voir le visage du réseau des réseaux changer : sa neutralité sera-t-elle encore d'actualité en fin d'année ? Tout dépend de la capacité des citoyens (enfin ce qu'il en reste) à se mobiliser…ou pas. Si tu aimes la liberté, le droit à l'anonymat, la liberté d'expression, cette année risque de ne pas t'être favorable, ami internaute.

2012 : le début des démocraties au rabais ?

Mais oui, nous serons toujours en démocratie en 2012. Un peu médiocre la démocratie, c'est vrai, voir réduite à sa plus simple expression, mais bon, on ne va pas se plaindre hein : on aura encore le droit de dire "qu'on est pas contents" tout en se prenant quelques lacrymogènes si on le dit dans la rue. Et puis il y aura plein de journaux "libres" de nous informer de ce qu'AFP-pravda aura dégoté et décidé de cracher (ou pas), des systèmes de surveillance, heu, non, pardon, de protection, vont être installés en urgence et de façon massive, systèmes de plus en plus performants et de plus en plus "protecteurs". Si tu aimes les espaces bien propres et bien lisses, les robots surveillants, les fichiers d'identifications interconnectés, la police hyper réactive, les discours catastrophiques et les solutions unilatérales sans débat : cette année va te plaire, ami citoyen apeuré.

Les possibles lueurs d'espoir : une invasion d'aliens ?

Non, c'est pour déconner : en plus, même ça, c'est pas certain que ça arrêterait les "marchés" ou stopperait la mondialisation triomphante. En plus les aliens, pas sûr qu'ils entravent grand chose à notre économie et nos mœurs politiques. Mais on pourrait, à la place de ce lent engourdissement "néo-conservateur économico-fascisant", spéculer sur un soulèvement européen, équivalent à ceux de Tunisie ou d'Egypte, c'est vrai. A base d'indignés version 2012 : super gonflés à bloc, très nombreux, provoquant des grèves générales dans toute l'Europe, avec des gouvernements qui pétochent et décident de "refonder le capitalisme", régulent les transactions boursières, ré-industrialisent le vieux continent en catastrophe, taxent les multinationales, et récupèrent les milliers de milliards planqués par les riches dans les paradis fiscaux. Tout ça sur fond de Vivaldi, avec des cotillons rouges et bleus… ?

Mouais, mouais, that's possible my dear friend : mais alors il faut compter sur un sacré plongeon économique, une sorte de gouffre abyssale financier qui ruineraient tous les espoirs de "sauvetage" actuellement en cours. Et puis surtout, il faudrait que les dirigeants politiques soient forcés à opter pour ces solutions : quand on voir les réponses actuelles, on peut douter.

Mais au fond, ce que les Mayas ont vu, ne serait-ce pas la fin du capitalisme financier mondialisé plutôt que la fin du monde ? Ou alors, juste la fin des illusions…?

 

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